![]() |
L’urgence
a précipité la venue de Philippe Lecourtier au Liban. Il
y était présent le 9 février au lendemain des bombardements
israéliens des centrales électriques du pays. Il portait
au chef de l’Etat Emile Lahoud, “un message de soutien, d’appui, de sympathie”
à lui confié la veille par le président Jacques Chirac;
également un “engagement de fournir toute l’aide technique” à
la réhabilitation des infrastructures endommagées, par le
truchement d’une mission de l’EDF qui l’a suivi aussitôt après.
Une tempête médiatique et populaire l’a surpris par la suite. Puis, ce fut le retour, dans les canaux de l’amitié séculaire France-Liban, des eaux calmes et transparentes, l’activité fébrile pour ressusciter le comité de surveillance chargé de superviser les arrangements d’avril 1996, le travail incessant sur les grands dossiers de coopération entre les deux pays comme sur les grands chantiers en cours qui connaîtront des temps forts avec l’inauguration, rue de Damas, de la nouvelle ambassade de France en présence de Jacques Chirac et les préparatifs du Sommet de la Francophonie, lequel se tiendra les 27-28-29 octobre 2001 à Beyrouth, en présence de cinquante-cinq chefs d’Etat et de gouvernement et de milliers de délégués. |
UN JURISTE PASSIONNÉ D’ÉCONOMIE
Il compte bien, si le temps lui en est laissé, se mettre à
l’étude de l’arabe. Tout en se défendant d’être “un
linguiste distingué”, il a quand même appris l’italien à
Rome, un peu de japonais à Tokyo, le portugais au Brésil,
déchiffrant les langues dans tous les pays où ses différentes
missions l’appelaient, tout en maîtrisant bien entendu sa langue
maternelle et l’anglais.
Parisien, né à Neuilly-sur-Seine (un faubourg de Paris)
au cours de la Seconde Guerre mondiale, il a grandi à Paris “tout
simplement dans une famille de juristes catholiques latins”, effectué
des études classiques en apprenant le latin et le grec au Lycée
Carnot à Paris et mis le cap pour trois ans sur l’Institut d’études
politiques à Paris. Parallèlement, il a achevé une
licence en droit à l’Université de Paris, effectuant ensuite
son service militaire, pour entrer fin 1964, à l’Ecole nationale
d’administration et entamer une carrière diplomatique.
Un premier poste à la direction des Nations Unies, au ministère
des Affaires étrangères le branche deux ans durant sur les
questions économiques. De là, il part pour Rome en qualité
de deuxième secrétaire d’ambassade. Il s’y familiarise avec
la diplomatie de terrain et le merveilleux palais Farniese où il
reste quatre ans. A son retour à Paris en 1974, il intègre
pour deux ans le Cabinet du ministre du Commerce extérieur, puis
la Direction des Carburants “en pleine crise pétrolière où
j’ai passé trois ans passionnants au milieu des ingénieurs”.
Philippe Lecourtier constate que sa “carrière a été
assez marquée par les questions économiques qui m’ont toujours
passionnées. Je crois que c’est une dimension très importante
de la diplomatie actuelle”. Retour au passé. 1976-1979 était
“une époque très difficile pour la France, un carrefour très
important. Notre politique étrangère avait besoin de la technicité,
de la connaissance de ces questions pétrolières et inversement,
l’approvisionnement pétrolier avait besoin de la diplomatie”.
Appelé ensuite par le ministre de l’Industrie André Giraud,
“ingénieur des mines très brillant, la grande référence
en matière d’énergie”, à faire partie de son Cabinet,
“nous avons ensemble, se souvient-il, parcouru le monde à la recherche
du baril de pétrole marginal nécessaire”. Le ministère
est dissous. Philippe Lecourtier est désigné comme ministre-conseiller
à l’ambassade de Tokyo (1981-1985). Séjour “tout à
fait passionnant” dont il garde “un souvenir très fort” à
“une époque où le Japon se trouvait dans une phase d’expansion
totale, technologique, scientifique et même politique”.
Retour à Rome où il passera finalement en tout “neuf
ans de ma vie” et retrouvailles du palais Farniese “notre plus belle ambassade
au monde qui n’a d’égale évidemment que la Résidence
des Pins laquelle est davantage chargée de notre histoire commune,
les deux étant des résidences prestigieuses et historiques
que la France a la chance d’occuper”.
En 1990, c’est la fin de la seconde mission à Rome. Désigné
ambassadeur en Irak, Philippe Lecourtier n’est pas en mesure de rejoindre
son poste en raison de l’invasion du Koweit par l’Irak. Il reste à
Paris et se trouve affecté à d’autres fonctions.
Catherine Lecourtier: “Elle m’a accompagné
dans toute ma carrière et je m’en félicite”.
LE PACTE DE STABILITÉ EN EUROPE
Directeur-adjoint des Affaires politiques au Quai d’Orsay, puis directeur
des Affaires stratégiques (désarmement, défense, sécurité
européenne et atlantique, OSCE), il est chargé de suivre
le dossier du Pacte de stabilité en Europe “qui visait à
favoriser le rapprochement entre les pays européens candidats à
l’adhésion à l’Union européenne, un travail qui “était
passionnant et qui m’a permis de voyager beaucoup, d’effectuer de nombreuses
missions en Europe centrale et de l’Est, d’essayer de convaincre divers
pays de négocier, de signer des traités de bon voisinage
et d’amitié, afin d’éviter que des problèmes de minorités
n’enveniment leurs relations et de faire en sorte que ces Etats se préparent
ainsi à coexister dans la perspective de leur adhésion. Ils
ne pouvaient pas apporter à l’UE leurs conflits. Ils devaient s’employer
auparavant à les résoudre”.
Ces pays candidats doivent aujourd’hui incorporer dans leur législation
“l’acquis communautaire, quelque chose de très complexe. Car ce
que nous demandons à nos futurs partenaires de l’UE, explique l’ambassadeur,
c’est de pouvoir reprendre toute la construction déjà bâtie
entre les membres anciens”. Ils avaient subi pendant de longues années
un système communiste économique et social “fondamentalement
différent du nôtre” et devront “adapter leur dispositif social,
économique, législatif aux conditions d’insertion dans l’ensemble
de l’UE (...). Depuis quarante ans que l’UE est en marche, nous avons fait
beaucoup de chemin. Tout ce que nous avons bâti, créé
ensemble, nous n’allons pas y renoncer ou faire des exceptions pour ceux
qui viennent nous rejoindre. Ils doivent se mettre au niveau. Naturellement,
nous leur accordons des délais et nous les y aidons beaucoup y compris
financièrement pour pouvoir techniquement se mettre à niveau,
en conformité avec le système de l’Union”. Avant de passer
à 27, à l’horizon 2010, l’UE devra, en outre, s’employer
à réformer ses institutions.
L’ambassadeur de France au cours de
l’interview accordée à Evelyne Perucic-Massoud.
COMBINER LE CULTUREL, LE POLITIQUE ET L’ÉCONOMIQUE
A la fin de la conférence sur le Pacte de stabilité,
Philippe Lecourtier est nommé ambassadeur au Brésil. Il y
reste cinq ans, “une durée anormalement longue due au goût
que j’avais pour ce pays”. “Pour des raisons différentes, reconnaît-il,
chaque poste présente des caractéristiques extrêmement
variées. D’autant que chaque étape de la vie est un état
où l’on est plus ou moins heureux, plus ou moins équilibré
en soi-même. Donc, si vous combinez les particularités d’un
pays et d’une civilisation et l’état d’esprit dans lequel vous êtes
à un moment donné, vous pouvez en tirer beaucoup de satisfaction
et de bonheur. J’ai eu de la chance de me trouver dans des pays qui m’ont
toujours beaucoup intéressé et que j’ai beaucoup aimés.
Ce sera le cas du Liban. C’est certain”, affirme l’ambassadeur.
A propos des relations entre l’économique et le culturel, il
ajoute: “Je crois, qu’il serait extrêmement dangereux de vouloir
dissocier tel ou tel aspect d’une mission qui est forcément globale.
Je prends un exemple. Les entreprises françaises ont besoin pour
s’installer, de développer leurs activités dans un pays,
d’une grande stabilité, d’une grande confiance politique. Mais ces
entreprises ont besoin aussi d’un contexte culturel favorable qui leur
permette de recruter un personnel sachant le français, autant que
possible et d’avoir avec leurs interlocuteurs des relations de confiance.
J’ai constaté dans ma carrière que l’économique et
le culturel vont très bien ensemble. Là où nous avons
une très forte implantation culturelle, nos entreprises ont la voie
facilitée et inversement, la culture française se porte mieux
quand elle s’appuie sur des intérêts bien établis (...).
Il faut donc combiner le culturel, l’économique qui sert de colonne
vertébrale à notre action et le politique parce que par définition,
pour un diplomate, c’est la quintessence de son action”.
LES JARDINS SECRETS
Retour au jardin secret, à la famille. L’épouse de Philippe
Lecourtier, Catherine l’a rejoint depuis quelque temps. “Elle m’a accompagné
dans toute ma carrière. D’ailleurs, je m’en félicite parce
que j’estime que nous faisons un métier difficile, que nous avons
besoin d’équilibre, nous avons besoin d’être appuyés
par une présence amie et quelquefois de bénéficier
de ses conseils. Une épouse n’est pas un élément de
décor, loin de là. Ce n’est pas seulement une maîtresse
de maison. C’est aussi quelqu’un qui vous aide, vous conduit, vous observe,
vous critique quelquefois positivement et apporte, en tout cas, sa contribution
à la mission de chef de poste et puis qui a naturellement sa propre
vie, son propre rayonnement, sa propre influence dans la société
que nous fréquentons. C’est plus qu’un auxiliaire. C’est notre moitié
ou notre alter ego”. A-t-elle des activités professionnelles? “C’est
difficile pour une femme de diplomate. Mon épouse m’a suivi dans
toute ma carrière. Elle a commencé avec moi. Elle a eu plusieurs
activités professionnelles”. (Elle s’est notamment beaucoup occupée
de mode). Et plusieurs fois interrompues par nos déplacements.
Quant aux enfants? “Ils ont grandi un peu à travers le monde.
Je les ai emmenés avec moi jusqu’à l’âge de 18 ans.
C’était toujours un déchirement au moment où il fallait
les laisser derrière nous pour qu’ils puissent continuer leurs études
supérieures. Les trois ont dû nous quitter. Deux garçons
qui sont dans la vie professionnelle depuis longtemps et une fille qui
est encore étudiante”.
Les lectures de M. Lecourtier? “Comme tous les diplomates, nous sommes
d’abord obligés de lire beaucoup de rapports administratifs”. Et
ensuite “quand j’ai le loisir de pouvoir me cultiver et d’échapper
à l’emprise administrative, j’aime beaucoup l’Histoire . Je crois
que pour nous diplomates, c’est un soutien permanent pour notre réflexion.
Tout est dans l’histoire. Et si on la fréquente, elle aide à
mieux comprendre les événements dont nous sommes plus ou
moins les acteurs”. L’ambassadeur Lecourtier lit également des romans
français et étrangers et surtout la littérature des
pays dans lesquels il se trouve. Actuellement, il lit tous les livres d’Amin
Maalouf qu’il a rencontré à Paris, qu’il “apprécie
énormément “ et qu’il considère comme “un conteur
exceptionnel”. “Il le mérite souligne-t-il, d’écrire simplement
une langue claire et toujours attachante, de ne jamais lasser son lecteur
et de faire découvrir aux Européens et aux Français
en particulier le monde du Levant et la connexion qui existe toujours entre
l’Orient et l’Occident”. Il lit aussi les ouvrages d’un jeune auteur libanais
qu’il apprécie, Alexandre Najjar.
LAISSER À MES SUCCESSEURS UN BEAU JARDIN
Parmi les sujets de préoccupation du nouvel ambassadeur, la
fin du chantier de l’ambassade de France, bien entendu avant le sommet
de la Francophonie ou peut-être bien avant. “C’est une question qui
me concerne très particulièrement. Mes collaborateurs et
moi-même à la chancellerie diplomatique, nous faisons des
prières tous les jours pour que les choses aillent vite, parce que
nous sommes installés à Mar Takla qui est un endroit fort
beau d’ailleurs, mais qui a l’inconvénient d’être éloigné
de Beyrouth. Maintenant que Beyrouth a repris normalement et heureusement
le cours de sa vie, la circulation intense, les allées et venues
deviennent extrêmement lourdes et pénibles. Par conséquent,
nous n’aspirons qu’à une chose, pouvoir nous regrouper”. Les autres
services de l’ambassade: le consulat général, le service
économique, le service culturel se trouvent déjà sur
l’Espace des lettres “dans d’excellents locaux”. Alors, il faut faire vite
et pouvoir “roder les locaux avant que le président Chirac inaugure
la chancellerie. Car j’espère bien pouvoir lui montrer mon téléphone
en train de fonctionner, mon coffre plein de papiers et mes collaborateurs
satisfaits de vivre dans une atmosphère agréable, détendue,
confortable et surtout en liaison et proximité avec les autres membres
de l’ambassade”. Un autre chantier, les jardins de La Résidence
des Pins. “J’aime beaucoup la nature, reconnaît Philippe Lecourtier
et j’aime beaucoup les arbres. Nous sommes en train de terminer les aménagements
de La Résidence des Pins. J’espère que, progressivement,
nous pourrons redonner à ce parc un aspect conforme à la
tradition. Il ne sera plus le même. On ne pourra pas ressusciter
les grands pins, du jour au lendemain. Il faudra attendre, être patient
avec la nature. Je m’emploie à faire replanter beaucoup d’arbres,
essayer de trouver une solution pour rendre compatibles la verdure et la
sécheresse. Et je suis convaincu que dans quelques années,
mes successeurs auront un beau jardin. Si je peux laisser au moins cela
au Liban et à la France, j’en serai ravi”.
“C’est une langue extrêmement vigoureuse et utile et qui n’est
pas seulement une langue de poésie et de culture. Le français
contient certes en lui-même une épaisseur de culture spécifique.
Mais j’insiste sur le fait que le français est une langue très
vivante qui permet de traiter toutes les disciplines y compris les plus
pointues, les plus complexes, les plus scientifiques.
“Il est évident que le français ne chasse pas l’anglais
ou réciproquement. Il faut au minimum connaître les deux langues.
Je crois qu’un enfant qui est élevé dans le système
français jusqu’à la fin de son enseignement secondaire, acquiert
des bases extrêmement fortes qui lui permettent ensuite d’avoir un
avantage considérable pour poursuivre des études supérieures
à l’université qu’elle soit libanaise, française ou
anglophone. Avec le français et l’anglais, les Libanais ont l’avantage
de connaître l’arabe, une grande langue, riche de cultures et instrument
de communication dans une vaste partie du monde. Ce qui leur permet d’être
les traits d’union entre l’Orient et l’Occident.
“Je constate que les Libanais en sont très conscients puisque
nous avons ici les lycées français parmi les plus recherchés
qui soient: six établissements qui sont directement administrés
dans le système français, dix-neuf qui sont homologués
en harmonie avec le système français. Et puis, il existe
un intérêt formidable pour la langue et la culture françaises
que l’on voit se manifester dans les centres culturels. Nous en avons neuf
et des milliers d’adultes y apprennent le français.
“Il faut signaler aussi l’existence de l’Ecole supérieure des
Affaires, une école de très haute formation, unique au monde,
que nous avons implantée à Beyrouth et qui est un modèle
si réussi que le gouvernement français et la Chambre de Commerce
de Paris pensent à l’exporter dans d’autres pays, notamment en Amérique
latine. Je l’ai visitée dès mon arrivée et j’ai été
impressionné par la qualité de ses locaux, de son enseignement
sélectif qui porte sur le management, la gestion des affaires, la
banque, la bourse, les disciplines financières, le tout dispensé
par des professeurs d’exceptionnelle qualité venus de plusieurs
horizons, surtout de France, mais aussi du Liban.”
Le dérapage verbal du Premier ministre français M.
Lionel Jospin a-t-il laissé des traces sur la cohabitation et sur
les relations de la France avec le Liban?
Je récuse le terme de dérapage. Le Premier ministre s’est
exprimé comme il devait le faire selon lui. Je ne suis pas ici pour
qualifier son propos. Ce que je peux vous dire et il l’a dit lui-même,
il n’y a aucun changement dans la politique de la France vis-à-vis
du Liban. Toutes les autorités françaises l’ont dit et redit,
ce dernier mois, qu’il s’agisse du Premier ministre lui-même, du
ministre des Affaires étrangères, du président de
la République. Naturellement, le Liban et la France restent amis.
C’est une constante que nous réaffirmons. Notre souci est de rester
toujours présents aux côtés du Liban, pour l’aider
dans son développement dans toutes les circonstances. Je crois que
cet épisode que certains ont voulu envenimer, compliquer, est totalement
dépassé. Le problème n’existe pas. D’ailleurs, j’en
ai pour preuve le fait que le Premier ministre libanais, le président
Salim Hoss lui-même m’a dit que tout devait continuer comme toujours
et qu’il n’y avait aucune amertume, pas de préoccupation à
se faire dans les rapports franco-libanais qui étaient marqués
par des constantes. C’était le vœu du gouvernement dans son ensemble,
tout le gouvernement libanais, de continuer notre coopération comme
il se doit, comme elle a toujours été.
La France travaille actuellement à la réactivation du
comité de surveillance chargé de superviser les arrangements
d’avril 1996 dont elle a été
l’un des principaux artisans et qui consiste à épargner
les populations civiles. Où en est-elle dans ses efforts? Ces arrangements
ne sont-ils pas dépassés en raison de la succession d’événements
qui ont lieu actuellement?
C’est une double question que je prendrai à l’envers. Le comité
de surveillance dépassé? Certainement pas. Je dirai même
que dans la situation actuelle qui est plus que tendue, plus que jamais
le comité de surveillance, résultant des accords d’avril
96, nous paraît nécessaire, parce qu’il assure cette retenue,
cette limitation des conflits absolument indispensable pour préparer
les conditions de la paix. Donc, nous sommes attachés à l’existence
et à la pérennité de ce mécanisme et ceci jusqu’à
ce qu’une paix complète, durable, juste, etc... considérée
comme telle par toutes les parties, soit vraiment instaurée. On
verra alors si la formule est dépassée ou pas. Pour le moment,
elle ne l’est pas du tout. Elle est de plus en plus indispensable. A la
question de savoir si les réunions vont reprendre, nous faisons
tous nos efforts, non seulement nous Français en tant que tels,
mais en liaison étroite et tout à fait solidaire et amicale
avec les Américains, afin que ces réunions reprennent selon
les règles qui ont été établies et qui ont
fonctionné jusqu’à présent pour porter un jugement
sur les plaintes soumises au groupe de surveillance, de part et d’autre
d’ailleurs. A cet égard, nous entendons garder une totale neutralité.
C’est un peu comme une sorte de tribunal. Si les juges paraissaient partiaux,
ce serait très mal considéré. Je crois que le mécanisme
se bloquerait totalement. Dans ce que j’appelle le mécanisme de
Nakoura, nous faisons donc preuve de la plus grande objectivité
et impartialité pour essayer de comprendre le déroulement
de chaque incident, la façon dont les choses se sont passées,
puis nous référant aux règles qui ont été
agréées par les différentes parties, nous devons nous
prononcer sur le caractère de violation ou pas des actes qui sont
examinés.
Mais les travaux sont toujours suspendus.
Ce que nous savons, c’est qu’il n’y a pas de rejet de l’ensemble du
dispositif. Certes, les parties et les pays concernés ne sont pas
encore d’accord pour fixer une date. Mais nous attendons que les produits
de nos efforts aboutissent le plus vite possible.
Prévoyez-vous un été chaud au Liban?
Je ne suis pas prophète dans mon pays, ni a fortiori au Liban.
Je suis bien incapable de vous donner la moindre indication, d’autant plus
que je suis là depuis trop peu de temps pour pouvoir juger. Ce que
je peux vous dire en tout cas, c’est que notre souhait le plus cher à
nous Français, c’est naturellement que le processus de paix reparte
le plus vite possible. Que Libanais, Syriens, Israéliens s’entendent
sur tous les aspects qui nous préoccupent les uns et les autres
et que cette paix se fasse de telle manière qu’elle ne soit pas
au détriment du Liban. Ça, c’est un point fondamental. Nous
n’accepterions pas de donner notre caution à une paix qui se ferait
au détriment du Liban, en sorte que le Liban s’en trouve diminué
et meurtri.
La France a fait savoir et tout récemment encore par la voix
du président Chirac, qu’elle serait prête à participer
à une force internationale de paix. A travers quelle hiérarchie
s’organiserait cette force?
Naturellement, il faut imaginer des hypothèses, ce que tout
le monde fait actuellement et que personne n’ose développer publiquement.
Nous avons dit et redit que dans la perspective d’un règlement négocié,
satisfaisant, dans le cadre d’un accord entre Israël et le Liban,
la France est disposée, si les parties le lui demandent, à
participer aux arrangements tels qu’ils auront été établis
entre les parties. Cela signifie que nous sommes prêts à assumer
une présence physique au sol, c’est-à-dire à avoir
du personnel de nationalité française qui agirait dans une
instance internationale, sous le couvert des Nations Unies. Nous ne sommes
pas maîtres actuellement du contexte dans lequel notre garantie pourrait
jouer et ça dépendra encore une fois de la nature du règlement
qui interviendra, de la manière dont la communauté internationale
se mobilisera, y compris l’Union européenne. D’ailleurs, j’insiste
beaucoup sur le rôle que l’UE pourrait avoir dans ces circonstances.
Et il est indispensable que la France ne soit pas seule. Ce qui est vrai
en tout cas, c’est que nous serons parmi les premiers à répondre
le jour où les conditions seront réunies.
Est-ce que votre action est coordonnée avec les Etats-Unis?
Vous pourriez vous trouver en conflit dans cette région.
Il n’y a jamais eu conflit, je voudrais le souligner. Souvent, on cherche
à nous opposer à la politique américaine au Proche
et au Moyen-Orient. Je crois que c’est une grave erreur de vision, une
façon provocatrice de poser des problèmes. Au contraire,
la France est raisonnable. Elle constate que les Etats-Unis exercent une
influence exceptionnelle dans le monde, en particulier au Moyen-Orient.
Il serait absurde de le nier et a fortiori de vouloir contrecarrer cette
influence. Il est bien clair que les solutions dont je vous parlais tout
à l’heure interviendront avec le concours des Américains.
Ce que je peux vous dire sans trop de secret, c’est qu’avec mon collègue
américain au Liban, nous avons des conversations confiantes et approfondies
et nous échangeons vues et informations. Je peux vous assurer que
les Américains ont une vision très proche de la nôtre
et très sympathique à l’égard de la cause libanaise.
Le Liban est très suspicieux quant aux intentions israéliennes.
Pensez-vous qu’ils soient prêts à se retirer de la totalité
de la bande frontalière?
Je ne suis pas en mesure de vous faire des commentaires à ce
sujet. Je lis comme vous les déclarations des autorités israéliennes.
C’est à elles de dire exactement ce qu’elles veulent faire. Nous
verrons ce qui en résultera.
“C’est un événement exceptionnel pour le Liban, une ambition
qui est à la fois culturelle, mais surtout politique, explique Philippe
Lecourtier. La réunion de cinquante-cinq chefs d’Etat et de gouvernement
qui représentent plus du quart des Nations Unies, va regrouper des
milliers de participants et des milliers de journalistes. Ce qui est très
important, c’est que le Liban va avoir l’occasion d’être parfaitement
mis en valeur dans la communauté internationale, à sa place
de nation fondatrice des Nations Unies. Il va montrer qu’il est capable,
j’en suis convaincu, d’être un merveilleux pays hôte, grâce
à sa capacité d’organisation, ses hôtels, ses traditions
touristiques qui permettent d’accueillir un grand rassemblement de personnalités
et de délégations. Je m’efforce de mobiliser mes nouveaux
amis libanais autour de cette idée. Politiquement d’abord, elle
est très significative pour le Liban sur lequel les projecteurs
internationaux vont être braqués pendant toute cette année
2001, toute la phase préparatoire et surtout la réunion elle-même
avec tous les chefs d’Etat. Cette conférence dure en fait presque
une semaine, parce qu’elle comprend plusieurs étapes jusqu’au sommet
lui-même, précédé de réunions de ministres,
d’experts, etc... J’insiste beaucoup sur cet aspect politique, spécialement
pour le Liban à l’heure actuelle, je crois qu’il est très
important qu’il serve de cadre pour une grande manifestation internationale,
afin de montrer qu’il est dans tous ses droits politiques, qu’il est en
pleine souveraineté, qu’il peut rassembler l’ensemble des pays de
la francophonie et bien les accueillir.
“Nous sommes en train de travailler déjà avec le gouvernement
libanais pour les préparatifs, l’organisation et naturellement aussi
sur le fond des dossiers. Le Liban y apportera certainement une contribution
importante.
DIALOGUE DES CULTURES
“Le thème de ce sommet, c’est “le dialogue des cultures”. Même
si la langue française est le lien entre les différents pays
de la francophonie, il y a quand même à l’intérieur
de cet ensemble très complexe des différences culturelles
importantes et puis il y a la volonté de cet ensemble de dialoguer
avec les autres cultures tout en conservant cette diversité culturelle
qui fait sa richesse. Je crois qu’il est très important que nous
puissions réfléchir ensemble avec toute notre diversité,
car il y a évidemment des différences entre un Vietnamien,
un Africain francophone, un Bulgare, un Français, un Suisse et un
Libanais, des différences, oui, mais aussi une vision d’ensemble
alimentée d’une conception commune des droits de l’homme que la
francophonie diffuse d’elle-même.
“Le Liban qui appartient à plusieurs mondes peut très
justement servir de lien à ce faisceau qu’est la francophonie. Et
je m’attends à ce que nous travaillions beaucoup ensemble. Je vous
signale que nous recevons dans les jours qui viennent M. Charles Josselin,
ministre délégué à la Coopération et
à la Francophonie. Je vous ai tout à l’heure parlé
de la coopération dans les différents domaines, en particulier
en matière culturelle et linguistique. C’est, effectivement, une
des parts des responsabilités de M. Josselin. Il aura ici des discussions
très approfondies et très utiles. Il vient poser les premiers
jalons de cette grande aventure que nous allons vivre ensemble pendant
un an et demi jusqu’au sommet. Et puis, ça continuera, puisque le
sommet n’est qu’une étape. Entre deux sommets, c’est le pays ayant
accueilli la dernière conférence qui assume la présidence
de l’ensemble francophone. Un des objectifs de la francophonie, c’est bien
entendu de diffuser la culture francophone, mais surtout de représenter
un groupe d’Etats ayant des valeurs communes dans le concert international.
Je vous assure qu’aux Nations Unies, lorsque le groupe francophone se mobilise
avec ses 55 voix, c’est un énorme bloc, personne ne peut lui résister.
“Maintenant, l’organisation a mûri, elle est majeure. Elle a
un secrétaire général qui est une personnalité
éminente Boutros Boutros-Ghali que tout le monde connaît puisqu’il
a été secrétaire général des Nations
Unies. Il est parfaitement francophone. Il est de surcroît originaire
de la région. C’est un Egyptien, un homme qui a évidemment
une sensibilité particulière pour le Liban.”
“Aujourd’hui, le Liban est un pays qui reçoit un appui considérable de la France. C’est l’un des pays qui par tête d’habitant est le plus choyé par la France. D’abord, c’est un pays que nous considérons comme un pays avancé, à un niveau élevé de développement. Nous savons qu’il a les moyens de recevoir les conseils et les ressources que nous lui offrons. Depuis que je suis ici, je suis surpris par l’ampleur de cette coopération qui touche absolument tous les domaines, de l’énergie à l’agriculture, en passant par l’administration publique, etc... “C’est quand même assez étonnant parce que nous avons en face de nous un pays qui, à bien des égards, nous ressemble. Beaucoup d’institutions libanaises sont semblables ou similaires à celles de la France, ce qui permet une interaction très forte. Nous avons, de façon tout à fait exceptionnelle, accepté que le Liban entre dans ce que nous appelons la Zone de solidarité prioritaire qui comprend la plupart des pays avec lesquels nous avons une politique très spéciale de coopération. Normalement, le niveau économique du Liban aurait dû l’exclure de ce traitement préférentiel. Mais étant donné les raisons politiques que j’exprimais, nous avons estimé qu’il fallait faire une exception à son profit. Nous avons ainsi ouvert une représentation de l’“Agence française de développement” qui va fournir non seulement du crédit au Liban et à ses entreprises, mais également mettre à sa disposition toute sa technicité, son savoir-faire, un peu comme la Banque mondiale.”