Député U.D.F. de la Haute-Loire, ancien ministre sous le septennat du président français Valéry Giscard d’Estaing, successivement de la Santé, du Logement et du Commerce; puis, à nouveau ministre en 1994, du Travail et des Affaires sociales cette fois, avec l’avènement du président Jacques Chirac dont M. Barrot est très proche. |
Egalement très proche, par le cœur, du Liban. Son épouse
aussi, Florence, qui a œuvré dans les associations franco-libanaises
pour la défense de la liberté au Liban.
Nous l’avons rencontré en la résidence de M. Roger Eddé
à Eddeh, village éponyme dans le caza de Jbeil. Sa visite
au Liban et au patriarche Sfeir vise à jeter les ponts entre Beyrouth
et l’Elysée.
“Mes visites au Liban, confie-t-il, ont toujours eu lieu à un
moment très significatif.
“J’y suis venu en tant que jeune parlementaire dans les années
70; j’ai été très enthousiasmé par Beyrouth
et très vite convaincu du rôle majeur du Liban dans l’avenir,
le sien, celui de la région et du monde. J’avais, également,
rencontré à la même époque, feu le président
Anwar Sadate, alors au début de son mandat; puis, il y eut, peu
de temps après, la guerre arabo-israélienne”.
M. Barrot égrène avec nostalgie et bonheur ses souvenirs
du Liban: “Je suis revenu en 1986-87 et j’ai rencontré M. Hussein
Husseini, alors président de l’Assemblée et M. Takieddine
Solh.
Puis, avec les parlementaires français, dont François
Léotard dans un élan de solidarité avec les Libanais,
du temps du général Aoun. Et nous avions rencontré
alors, M. Léotard et moi-même, le patriarche Sfeir. Je garde
un émouvant souvenir de cette période”.
Aujourd’hui, quel est le motif de votre visite au Liban?
Me voici pour la quatrième fois au Liban en un moment important
pour ce pays et qui sera, je l’espère, un prélude à
l’apaisement sinon à la paix. Je suis au Liban en visite amicale,
à l’invitation de M. Roger Eddé, un bon Libanais ayant prouvé
à Paris, à Washington et tant dans les milieux politiques
que des affaires, la capacité de réussite des Libanais. Il
a su mettre tout ce réseau qu’il a tissé au service du Liban.
C’est un modèle pour la diaspora libanaise qui a des potentialités
énormes, en plus de deux atouts majeurs: elle est mondialisée
et a tout à la fois un enracinement très profond dans son
pays d’origine, le Liban.
D’autre part, je ne peux m’empêcher d’avoir aujourd’hui le souci
des communautés chrétiennes du Proche-Orient, bien que j’aie
toujours rêvé d’un Liban pluraliste, mais dans le respect
profond de chaque communauté.
INCERTITUDE AUTOURDU RETRAIT ISRA?LIEN
Que craignez-vous?
Nous ressentons quelqu’incertitude sur le devenir de l’Etat syrien,
ainsi que sur l’achèvement de l’apaisement au Proche-Orient; ce
retrait unilatéral israélien devant être un pas vers
la paix et non pas vers la guerre. Il faut que la communauté internationale
accompagne ce retrait.
Cependant, je suis allé récemment en Jordanie et j’ai
été impressionné tant par l’accueil réservé
au pape que par la force du message papal au sujet de la possibilité
de trouver une vraie communion de vie entre les trois religions monothéistes.
Le Saint-Père a montré qu’entre musulmans, chrétiens
et juifs, il existe des complémentarités qu’ils pourraient
découvrir malgré les affrontements. Le fait que le message
ait été bien reçu par les trois communautés
est, en soi, intéressant.
TOUT D?PENDDU PR?SIDENT ASSAD
Pensez-vous que les négociations israélo-syriennes
pourraient reprendre bientôt?
Après Genève, il est difficile de dire si le dialogue
peut reprendre ou connaître quelqu’éclipse. Tout dépend
du président Assad qui traverse une période délicate
et tente d’orienter sa succession. Est-ce que ce désir entraînerait
le président syrien à se concilier la communauté internationale
et à reprendre les contacts ou, au contraire, trop angoissé
par ce problème de succession, aura-t-il la tentation d’une fuite
en avant?
L’intérêt de la Syrie est, à mon avis, de pouvoir
conquérir la confiance de la communauté internationale en
se rasseyant à la table des négociations. Je ne vois pas
d’issue dans son attitude de repli et on peut espérer que cette
approche intelligente sera choisie par le président Assad. Sinon,
on risque de graves soubresauts et le prolongement des affrontements qui
ont grandement retardé l’essor de la région.
AUTOUR DE LA D?CLARATION D’A. RICHARD
Que pensez-vous des propos du ministre français de la Défense,
dont il ressort que “le pouvoir syrien compte parmi ses atouts sa domination
sur le Liban”?
M. Alain Richard a exprimé en termes personnels et interrogatifs
- on ne l’a pas assez dit - ce que bien des Européens pensent, à
savoir connaître l’intention syrienne: donner la priorité
à une présence très forte au Liban sur l’avantage
d’un règlement global au Proche-Orient? Autrement dit, la Syrie
préfèrerait-elle une certaine “tutelle” sur le Liban à
un règlement d’ensemble qui peut permettre de lui apporter une réelle
sécurité et un vrai développement économique?
Il faut redire que M. Richard a exprimé son opinion en termes interrogatifs,
car on ne peut ne pas poser la question à la Syrie, mais à
juste titre.
Enfin, comment voyez-vous le retrait israélien?
La France s’est engagée pour accompagner ce retrait, mais avec
la communauté internationale, afin qu’il soit un pas vers la paix
et non pas un prétexte à de nouveaux affrontements. Il y
a un vrai souci que ce retrait se fasse avec bon sens. Je suis de ceux
qui influenceront au possible la communauté internationale pour
venir en aide au Liban. Si, à terme, le retrait se passait bien,
l’argument de Damas de sauvegarder l’ordre au Liban n’aurait plus lieu
d’être.
Je crois que l’issue est très importante, autant pour le Proche-Orient
que pour l’Europe, car je crois beaucoup au rôle de la Méditerranée
au niveau de l’inspiration de l’Europe à venir. Il faut que l’Europe
soit équilibrée et non pas seulement dominée par l’influence
anglo-saxonne, d’où le rôle de la Méditerranée,
rive Nord et rive Sud. Avec le déclin de certains courants intégristes
(islamisme), on peut espérer que la Méditerranée retrouvera
cette union et cette vocation.