CHAREH ET ARAFAT À PARIS
CHIRAC MARQUE SA PRÉFÉRENCE POUR UN
RETRAIT ISRAÉLIEN DANS LE CADRE D’UN ACCORD

Les milieux officiels et politiques libanais se sont préoccupés, ces derniers jours, de suivre de près les développements de la situation au Liban-Sud et de la conjoncture régionale, après l’annonce du retrait israélien avant le 7 juillet prochain.


M. Farouk Chareh exposant la position
syrienne au chef de l’Etat français.

Dans ce contexte, la visite que M. Farouk Chareh, ministre syrien des Affaires étrangères, a effectuée à Paris - après s’être arrêté au palais de Baabda au début de la semaine pour un échange de vues avec les présidents Emile Lahoud et Salim Hoss - avait son importance, car elle permettait de se faire une idée précise de la position de la France envers la crise du Proche-Orient dans cette phase critique et sur ses intentions quant aux moyens à mettre en œuvre, à l’effet de prévenir une nouvelle escalade sur une large échelle dans la partie méridionale du Liban.
D’autant que la France participe à la FINUL depuis le premier jour de sa constitution en 1978 et assure la coprésidence du groupe de surveillance de la trêve issu de l’arrangement d’avril 96.
Car la position officielle française a été quelque peu perturbée lors de la visite de M. Lionel Jospin, il y a deux mois, en Israël où le Premier ministre français avait provoqué des réactions hostiles en qualifiant de “terroristes” les opérations anti-israéliennes du “Hezbollah”.
De plus, une récente déclaration de M. Alain Richard, ministre français de la Défense, avait produit l’effet de l’huile sur le feu, en ayant attribué à la Syrie l’intention “d’entraver le retrait israélien afin de maintenir sa mainmise sur le Liban”.
Tout cela avait besoin d’être clarifié, d’autant qu’on s’attend à ce que les USA reviennent en force après le retrait israélien, partant de son refus d’associer la France (et l’Europe) à toute solution qui ne servirait pas les intérêts de l’Amérique et d’Israël.

CHIRAC CLARIFIE SA POSITION...
Pour en revenir à la visite du chef de la diplomatie syrienne à Paris, il nous revient que le président Chirac, tout en se félicitant de ce que “la Syrie veut la paix avec Israël conformément aux résolutions des Nations Unies et des principes définis à la conférence de Madrid”, a marqué sa préférence pour un retrait israélien du Sud libanais dans le cadre d’un accord avec le Liban et la Syrie, afin de prévenir d’éventuels remous sur le terrain après le départ de “Tsahal”.
Aussi, a-t-il appelé à la coopération de toutes les parties concernées par le conflit proche-oriental, afin d’éviter la détérioration de la situation et une nouvelle flambée de violence.
Puis, la France voulait être fixée sur la position de Damas avant de décider de son éventuelle participation à une force multinationale devant servir de force-tampon le long de la frontière libano-israélienne après le retrait.
M. Chareh avait mis en garde les responsables français contre la duplicité d’Israël disant que “l’Etat hébreu cherche à tromper les grandes puissances, en annonçant le retrait unilatéral de ses troupes du Liban-Sud... Il a des intentions cachées qu’il dévoilera au moment opportun.”
D’autre part, il a assuré que “le retrait israélien du Sud libanais serait bien accueilli s’il s’effectuait sans aucune condition jusqu’au-delà de la frontière internationale.”
Cependant, il a dit que “si Israël utilisait le retrait de ses forces pour faire pression sur la Syrie, cela ne réussirait pas, d’autant qu’il parle de retrait sous le ton de la menace.”
Le ministre syrien des A.E. a, également, rappelé la position de son pays envers les négociations de paix, en affirmant que les Israéliens en avaient bloqué le processus. De même, il leur a attribué les raisons de l’échec du sommet de Genève (entre les présidents Assad et Clinton) en mars dernier.


Le roi Abdallah II et la reine Rania accueillis
au port d’Eilat par le Premier ministre israélien et Mme Ehud Barak.

ARAFAT APRÈS CHAREH
La visite de M. Chareh à Paris a été suivie, vingt-quatre heures plus tard, de celle de M. Yasser Arafat qui devait être reçu mercredi par le président Chirac.
Le chef de l’Etat français avait eu, la veille, un entretien téléphonique de près d’une heure avec Ehud Barak, autour de la décision du retrait de “Tsahal” avant le 7 juillet.
Dans le même temps, le roi Abdallah II a entrepris une initiative personnelle, aux fins de faire avancer les négociations palestino-israéliennes qui continuent à piétiner.
Le souverain hachémite a gagné le port d’Eilat, à bord de son yacht, accompagné de la reine Rania, pour des entretiens avec Ehud Barak, autour des points litigieux qui entravent les pourparlers entre l’Autorité palestinienne et l’Etat hébreu.
Rien n’a transpiré de la teneur de ce long échange de vues, à l’issue duquel le roi Abdallah s’est rendu à Ramallah pour y rencontrer M. Arafat avant le départ de ce dernier pour Le Caire; puis, Paris.
Le jeune monarque s’est contenté de déclarer avant son départ des territoires placés sous le régime d’autonomie: “Le temps n’est plus aux accords intérimaires. Nous parlons d’un accord définitif englobant la question des réfugiés palestiniens et celle de Jérusalem.”
M. Abdel-Ilah el-Khatib, ministre jordanien des A.E., a, quant à lui, réaffirmé l’appui du royaume hachémite aux aspirations nationales palestiniennes. “Nous soutenons les Palestiniens, a-t-il déclaré, dans leurs aspirations à jouir de leurs droits légitimes, dont celui de créer leur Etat avec Jérusalem comme capitale.”

AUTRE SON DE CLOCHE ISRAÉLIEN
Mais le négociateur en chef israélien, Oded Eran, fait état de la possibilité d’un report, de quelques années, du règlement de la question de la Ville sainte.
Un proche de Ehud Barak a été plus catégorique à ce sujet: “Il est impossible, a-t-il déclaré, de parvenir à une entente sur certains aspects de cette question et de proclamer que d’autres seront réexaminés dans quelques années.”
Le fossé séparant les positions d’Israël et de l’Autorité palestinienne demeure très profond sur le problème de Jérusalem et, aussi, sur celui des réfugiés palestiniens, l’Etat hébreu ne voulant pas reconnaître le droit de ces derniers au retour, sauf pour un petit nombre (sur les trois millions épars à l’étranger) au titre de la réunification des familles.
Le roi Abdallah II a tenté, vainement, de rapprocher les points de vue, en proposant que Jérusalem devienne la capitale de deux Etats. “Sur le plan politique, a dit le souverain, il y a assez de place dans la Ville sainte pour une capitale israélienne et palestinienne... Sur le plan religieux, Jérusalem devrait être une ville pour nous tous.”
Rappelons qu’Israël a annexé en 1967 la partie orientale de Jérusalem qu’il a proclamée comme sa “capitale éternelle unifiée”.

NOUVEAU ROUND DE POURPARLERS À EILAT
Dimanche prochain, Palestiniens et Israéliens engageront un nouveau round de pourparlers à Eilat, en présence de M. Dennis Ross, coordonnateur américain. Les négociations devront porter sur le statut final des territoires palestiniens. Deux précédentes sessions tenues à la station aérienne de Bolling, près de Washington, n’avaient débouché sur aucun résultat.
Les deux parties doivent, en principe, parvenir à un accord-cadre le 13 mai et, le 13 septembre, à un règlement de paix définitif.
En plus de leur désaccord sur Jérusalem et les réfugiés palestiniens, les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur le statut des colonies de peuplement et les frontières du futur Etat palestinien.
Tout indique que Palestiniens et Israéliens continueront à tourner en rond, sans aplanir les obstacles qui empêchent l’instauration de la paix, laquelle paraît, aujourd’hui, aussi insaisissable qu’un mirage dans le désert...
 
CHAREH MET PARIS EN GARDE CONTRE LES MACHINATIONS D’ISRAËL
En quittant le palais de l’Elysée, mercredi, au terme d’un long entretien avec le président Jacques Chirac, M. Farouk Chareh a mis la France en garde contre les machinations d’Israël et l’envoi d’un contingent devant faire partie de la force multinationale à déployer le long de la frontière libano-israélienne.

Le chef de la diplomatie syrienne a accusé l’Etat hébreu d’avoir adressé à M. Kofi Annan, secrétaire général des Nations Unies, pour l’informer de sa décision de retirer ses forces de la zone frontalière, deux copies d’une lettre aux termes différents: la première faisait état “d’un retrait inconditionnel jusqu’à la frontière internationalement reconnue”, alors que la seconde ne faisait pas mention de ce point précis.
“Israël, a ajouté M. Chareh, “menace” depuis trois ans, de retirer unilatéralement, ses troupes, ce qui est pour le moins absurde. Avez-vous entendu parler d’un Etat qui menace de procéder au retrait de ses forces d’occupation? D’habitude, il menace d’occuper un territoire.
“On peut en déduire, qu’Israël nourrit des intentions non déclarées et se propose de se venger du Liban, de la Syrie et de la Résistance après le retrait, s’il venait à se produire.”
Parlant du contingent français qui ferait éventuellement partie de la force multinationale, M. Chareh se demande s’il s’agirait d’une “force répressive”. “Dans l’affirmative, réprimerait-elle les Libanais et les Palestiniens, sans s’attaquer aux Israéliens, même s’ils venaient à pilonner des positions situées en territoire libanais? Dans ce cas, ce serait catastrophique pour la France et le préjudice que son comportement causerait, serait dix fois plus grand que celui provoqué par les déclarations de M. Lionel Jospin à l’université de Bir Zeit.”
M. Chareh dit encore que la France peut jouer un rôle décisif dans le processus de paix au P.-O. “Aussi, ne doit-elle pas se contenter d’un rôle secondaire dans l’unique but de servir les intérêts d’Israël”.
Enfin, il a annoncé qu’il aura, la semaine prochaine, des pourparlers avec ses homologues égyptien et séoudien dans la capitale syrienne, à propos des derniers développements de la conjoncture régionale et de la manière d’y faire face. 


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