M. Farouk Chareh exposant la position
syrienne au chef de l’Etat français.
Dans ce contexte, la visite que M. Farouk Chareh, ministre syrien des
Affaires étrangères, a effectuée à Paris -
après s’être arrêté au palais de Baabda au début
de la semaine pour un échange de vues avec les présidents
Emile Lahoud et Salim Hoss - avait son importance, car elle permettait
de se faire une idée précise de la position de la France
envers la crise du Proche-Orient dans cette phase critique et sur ses intentions
quant aux moyens à mettre en œuvre, à l’effet de prévenir
une nouvelle escalade sur une large échelle dans la partie méridionale
du Liban.
D’autant que la France participe à la FINUL depuis le premier
jour de sa constitution en 1978 et assure la coprésidence du groupe
de surveillance de la trêve issu de l’arrangement d’avril 96.
Car la position officielle française a été quelque
peu perturbée lors de la visite de M. Lionel Jospin, il y a deux
mois, en Israël où le Premier ministre français avait
provoqué des réactions hostiles en qualifiant de “terroristes”
les opérations anti-israéliennes du “Hezbollah”.
De plus, une récente déclaration de M. Alain Richard,
ministre français de la Défense, avait produit l’effet de
l’huile sur le feu, en ayant attribué à la Syrie l’intention
“d’entraver le retrait israélien afin de maintenir sa mainmise sur
le Liban”.
Tout cela avait besoin d’être clarifié, d’autant qu’on
s’attend à ce que les USA reviennent en force après le retrait
israélien, partant de son refus d’associer la France (et l’Europe)
à toute solution qui ne servirait pas les intérêts
de l’Amérique et d’Israël.
CHIRAC CLARIFIE SA POSITION...
Pour en revenir à la visite du chef de la diplomatie syrienne
à Paris, il nous revient que le président Chirac, tout en
se félicitant de ce que “la Syrie veut la paix avec Israël
conformément aux résolutions des Nations Unies et des principes
définis à la conférence de Madrid”, a marqué
sa préférence pour un retrait israélien du Sud libanais
dans le cadre d’un accord avec le Liban et la Syrie, afin de prévenir
d’éventuels remous sur le terrain après le départ
de “Tsahal”.
Aussi, a-t-il appelé à la coopération de toutes
les parties concernées par le conflit proche-oriental, afin d’éviter
la détérioration de la situation et une nouvelle flambée
de violence.
Puis, la France voulait être fixée sur la position de
Damas avant de décider de son éventuelle participation à
une force multinationale devant servir de force-tampon le long de la frontière
libano-israélienne après le retrait.
M. Chareh avait mis en garde les responsables français contre
la duplicité d’Israël disant que “l’Etat hébreu cherche
à tromper les grandes puissances, en annonçant le retrait
unilatéral de ses troupes du Liban-Sud... Il a des intentions cachées
qu’il dévoilera au moment opportun.”
D’autre part, il a assuré que “le retrait israélien du
Sud libanais serait bien accueilli s’il s’effectuait sans aucune condition
jusqu’au-delà de la frontière internationale.”
Cependant, il a dit que “si Israël utilisait le retrait de ses
forces pour faire pression sur la Syrie, cela ne réussirait pas,
d’autant qu’il parle de retrait sous le ton de la menace.”
Le ministre syrien des A.E. a, également, rappelé la
position de son pays envers les négociations de paix, en affirmant
que les Israéliens en avaient bloqué le processus. De même,
il leur a attribué les raisons de l’échec du sommet de Genève
(entre les présidents Assad et Clinton) en mars dernier.
Le roi Abdallah II et la reine Rania accueillis
au port d’Eilat par le Premier ministre israélien
et Mme Ehud Barak.
ARAFAT APRÈS CHAREH
La visite de M. Chareh à Paris a été suivie, vingt-quatre
heures plus tard, de celle de M. Yasser Arafat qui devait être reçu
mercredi par le président Chirac.
Le chef de l’Etat français avait eu, la veille, un entretien
téléphonique de près d’une heure avec Ehud Barak,
autour de la décision du retrait de “Tsahal” avant le 7 juillet.
Dans le même temps, le roi Abdallah II a entrepris une initiative
personnelle, aux fins de faire avancer les négociations palestino-israéliennes
qui continuent à piétiner.
Le souverain hachémite a gagné le port d’Eilat, à
bord de son yacht, accompagné de la reine Rania, pour des entretiens
avec Ehud Barak, autour des points litigieux qui entravent les pourparlers
entre l’Autorité palestinienne et l’Etat hébreu.
Rien n’a transpiré de la teneur de ce long échange de
vues, à l’issue duquel le roi Abdallah s’est rendu à Ramallah
pour y rencontrer M. Arafat avant le départ de ce dernier pour Le
Caire; puis, Paris.
Le jeune monarque s’est contenté de déclarer avant son
départ des territoires placés sous le régime d’autonomie:
“Le temps n’est plus aux accords intérimaires. Nous parlons d’un
accord définitif englobant la question des réfugiés
palestiniens et celle de Jérusalem.”
M. Abdel-Ilah el-Khatib, ministre jordanien des A.E., a, quant à
lui, réaffirmé l’appui du royaume hachémite aux aspirations
nationales palestiniennes. “Nous soutenons les Palestiniens, a-t-il déclaré,
dans leurs aspirations à jouir de leurs droits légitimes,
dont celui de créer leur Etat avec Jérusalem comme capitale.”
AUTRE SON DE CLOCHE ISRAÉLIEN
Mais le négociateur en chef israélien, Oded Eran, fait
état de la possibilité d’un report, de quelques années,
du règlement de la question de la Ville sainte.
Un proche de Ehud Barak a été plus catégorique
à ce sujet: “Il est impossible, a-t-il déclaré, de
parvenir à une entente sur certains aspects de cette question et
de proclamer que d’autres seront réexaminés dans quelques
années.”
Le fossé séparant les positions d’Israël et de l’Autorité
palestinienne demeure très profond sur le problème de Jérusalem
et, aussi, sur celui des réfugiés palestiniens, l’Etat hébreu
ne voulant pas reconnaître le droit de ces derniers au retour, sauf
pour un petit nombre (sur les trois millions épars à l’étranger)
au titre de la réunification des familles.
Le roi Abdallah II a tenté, vainement, de rapprocher les points
de vue, en proposant que Jérusalem devienne la capitale de deux
Etats. “Sur le plan politique, a dit le souverain, il y a assez de place
dans la Ville sainte pour une capitale israélienne et palestinienne...
Sur le plan religieux, Jérusalem devrait être une ville pour
nous tous.”
Rappelons qu’Israël a annexé en 1967 la partie orientale
de Jérusalem qu’il a proclamée comme sa “capitale éternelle
unifiée”.
NOUVEAU ROUND DE POURPARLERS À EILAT
Dimanche prochain, Palestiniens et Israéliens engageront un
nouveau round de pourparlers à Eilat, en présence de M. Dennis
Ross, coordonnateur américain. Les négociations devront porter
sur le statut final des territoires palestiniens. Deux précédentes
sessions tenues à la station aérienne de Bolling, près
de Washington, n’avaient débouché sur aucun résultat.
Les deux parties doivent, en principe, parvenir à un accord-cadre
le 13 mai et, le 13 septembre, à un règlement de paix définitif.
En plus de leur désaccord sur Jérusalem et les réfugiés
palestiniens, les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur
le statut des colonies de peuplement et les frontières du futur
Etat palestinien.
Tout indique que Palestiniens et Israéliens continueront à
tourner en rond, sans aplanir les obstacles qui empêchent l’instauration
de la paix, laquelle paraît, aujourd’hui, aussi insaisissable qu’un
mirage dans le désert...
CHAREH MET PARIS EN GARDE CONTRE LES MACHINATIONS
D’ISRAËL
En quittant le palais de l’Elysée, mercredi, au terme d’un long entretien avec le président Jacques Chirac, M. Farouk Chareh a mis la France en garde contre les machinations d’Israël et l’envoi d’un contingent devant faire partie de la force multinationale à déployer le long de la frontière libano-israélienne. Le chef de la diplomatie syrienne a accusé l’Etat hébreu
d’avoir adressé à M. Kofi Annan, secrétaire général
des Nations Unies, pour l’informer de sa décision de retirer ses
forces de la zone frontalière, deux copies d’une lettre aux termes
différents: la première faisait état “d’un retrait
inconditionnel jusqu’à la frontière internationalement reconnue”,
alors que la seconde ne faisait pas mention de ce point précis.
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