LA CATHÉDRALE SAINT-GEORGES
DE BEYROUTH RESSUSCITE À PÂQUES

Est-ce un hasard ou un choix délibéré? Toujours est-il que la cathédrale Saint-Georges de Beyrouth, “martyrisée” par des années de guerre et un long calvaire, a ressuscité avec le Christ en cette fête de Pâques, le 24 avril 2000.
Splendeur et magnificence, tradition et modernité pour ce lieu de culte, dont l’autel central rappelle la basilique Saint-Pierre de Rome grâce, notamment, à un baldaquin aux colonnes torsadées en bois massif importées d’Italie et au “trône” en bois de cèdre - où s’est assis le patriarche Sfeir lors de la célébration de la messe - surmonté d’un superbe Delacroix représentant Saint-Georges terrassant le dragon.


Une vue de l’intérieur de la cathédrale.

Fermée depuis le début de la guerre en 1975, pillée, saccagée et abandonnée, la cathédrale maronite Saint-Georges a été solennellement dédiée, de nouveau, le lundi de Pâques lors d’une messe célébrée par S.Em. le cardinal Sfeir, en présence des hautes dignités religieuses et civiles chrétiennes, notamment maronites; des invités de toutes les autres communautés; du cardinal-archevêque de Paris, Mgr Jean-Marie Lustiger; des représentants du chef de l’Etat, des présidents de l’Assemblée et du Conseil, alors que des milliers de fidèles se pressaient autour de la cathédrale acclamant le patriarche Sfeir et le métropolite Elias Audé qui avait pris partie pour les jeunes étudiants sévèrement réprimés la semaine dernière par les forces de l’ordre lors d’une manifestation pacifique place du Musée.
Mgr Antonio-Maria Veglio, Nonce apostolique, a donné lecture du message papal après l’Evangile. “Centre spirituel au cœur de la cité, dit le message, la cathédrale Saint-Georges a été témoin des grands événements, heureux et malheureux, qui ont marqué la vie de la nation. Portant jusqu’alors les marques d’une douloureuse période de l’Histoire du pays, l’édifice aujourd’hui restauré devient signe d’une espérance nouvelle pour le Liban, signe d’une unité retrouvée, mais toujours à construire dans la confiance mutuelle”.
Evoquant le passé prestigieux de la cathédrale, le patriarche Sfeir rappelle que les funérailles de tous les présidents du Liban y avaient eu lieu, sauf celles des présidents-martyrs Bachir Gemayel et René Mouawad, noms applaudis par l’assistance émue.
Le patriarche rappelle, ensuite, le rôle prépondérant joué par l’ancien archevêque de Beyrouth Mgr Ignace Moubarak, notamment lors des grandes célébrations religieuses et nationales au cours desquelles le prélat abordait autant de sujets d’ordre religieux que national.
Les personnalités maronites ayant contribué à la restauration de la cathédrale ont porté les calices à l’autel et reçu les remerciements du patriarche maronite.
 
G.D.: NN.SS. Jean-Marie Lustiger, 
archevêque de Paris; Antonio-Maria Veglio, 
Nonce apostolique et les hauts dignitaires religieux.
Le patriarche Sfeir célébrant la messe.

Mgr LUSTIGER ÉVOQUE LA MISSION DES CHRÉTIENS D’ORIENT
Mgr Jean-Marie Lustiger, invité spécialement pour la circonstance, a évoqué l’importance du rôle, voire de la mission des chrétiens du Proche-Orient, “véritables médiateurs entre les diverses civilisations et religions du pourtour méditerranéen.
“Votre mission comme chrétiens en ce Proche-Orient, ajoute-t-il, est nécessaire au monde... Entre l’Occident et ce qu’en France nous appelons, peut-être à tort, l’Orient... puisqu’à certain titre, Beyrouth est une ville romaine; médiateurs entre deux phases de la culture, entre deux mondes, le christianisme et l’islam, l’Occident et l’arabité. C’est dire que vous appartenez à ces deux mondes simultanément, non pas dans une mosaïque impossible, mais parce que votre qualité la plus forte vous permet de comprendre l’un et l’autre et de permettre à ceux que séparent souvent l’incompréhension et l’ignorance, de se reconnaître et donc de s’estimer, de se comprendre et de faire la paix.
“C’est ce que nous demandons de tout cœur pour vous et pour le monde entier. Car ce défi qui vous est donné à vous Libanais est un défi, hélas! qui est lancé à d’autres peuples de par le monde. Si vous, parmi les vieux peuples les plus civilisés de cette Méditerranée ne réussissez pas, comment voulez-vous que ceux qui n’ont pas derrière eux ce patrimoine de richesse, de pardon et de sainteté, osent penser y parvenir?”, a conclu Mgr Lustiger.


Les représentants des trois présidents,
MM. Beydoun, Chaoul et Mikati, entourés
des personnalités politiques libanaises.

Soulignons qu’avant la cérémonie religieuse, le cardinal Sfeir s’était rendu au siège de la société “Solidere” et avait effectué le tour du centre-ville en compagnie de l’ancien Premier ministre, M. Rafic Hariri.
Cette cathédrale que nous voyons se dresser aujourd’hui dans toute sa splendeur, est presque centenaire. Lourdement endommagée, durant la guerre, elle aura nécessité pour sa restauration 5 millions de dollars et six ans de travaux (1994-2000). (Cf. RDL N? 3731)
Construite à la fin du siècle passé par Mgr Debs, son architecture s’inspire de la cathédrale Sainte-Marie Majeure de Rome. En 1953, Mgr Jean Maroun en modifie complètement le plan initial pour lui donner une structure basilicale changeant ainsi sa forme première de croix grecque.


La façade de la cathédrale.

Les nouveaux travaux de restauration lui ont restitué sa forme originale du début du siècle. Le faux plafond est fait de carrés de bois finement travaillés et recouvert d’une feuille d’or. Les autels latéraux ont été refaits et peints en marron foncé.
Le sol est recouvert de marbre blanc à motifs (petits carrés) mordorés. Une teinte dorée plane sur l’église, très lumineuse.
Les installations de climatisation et du chauffage central sont totalement invisibles et la sonorisation est parfaitement étudiée, afin d’étouffer tout écho à l’intérieur de l’édifice.
Redevenu un chef-d’œuvre architectural et historique, ce lieu de culte a su, avec le Christ, effacer ses stigmates profondes et renaître à la vie.

NICOLE EL-KAREH

Home
Home