LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DOIT AGIR SANS PLUS TARDER...
LA JUSTICE LE RÉCLAME, LA RAISON LE RECOMMANDE

Dans l’univers des grandes instances, la vérité sur le génocide des Arméniens a des difficultés certaines à s’exprimer... Le mot même de génocide est tabou.
Pourtant, rien n’autorise un Etat à supprimer en masse une catégorie quelconque de ses citoyens.
Si une Nation fait abstraction de cet interdit, elle tentera, aussi, de se justifier en niant contre toute évidence les faits qu’on lui reproche.
Dès qu’on mentionne le Génocide arménien de 1915, les langues s’empâtent, les discours des politiciens se contorsionnent par mille circonvolutions pour éviter ce mot fatidique qui fait froncer les sourcils d’Ankara...
Est-ce à dire que le concept de génocide est trop délicat, trop compliqué à manipuler ou que, peut-être, le temps de l’oubli serait venu?
L’oubli est le plus grand ennemi de l’Histoire.
Le “négationnisme” est une maladie grave qui n’affecte pas certains Etats. La négation turque s’attache toujours à nier l’intention de destruction et d’anéantissement d’un peuple. Après avoir rejeté en bloc ce fait historique, la Turquie reconnaît depuis peu, l’existence de “conflits” qui auraient eu lieu entre les populations turques et arméniennes dus, selon elle, aux nécessités de la guerre.
Cette nouvelle position permet donc à Ankara de justifier, légitimement, le comportement du gouvernement ottoman à cette époque. Cette position représente surtout une menace plus subtile pour la reconnaissance du génocide.
Pour perpétrer son crime, n’était-ce pas le gouvernement ottoman qui avait utilisé la couverture de déportation? Les dirigeants n’avaient-ils pas publié un ordre officiel soulignant la nécessité de transférer loin du front, une population soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi?
De nombreux documents, des rapports envoyés par des consuls autrichiens, allemands à leur chancellerie, les archives du procès mené par la Cour martiale turque, les instances aussi bien juridiques que politiques, telles que le tribunal permanent des peuples en 1948, l’ONU en 1985, le Parlement Européen en 1987, les reconnaissances par la Douma en 1995 et par l’Assemblée nationale de France en 1998, apportent des preuves accablantes et surtout irréfutables.
Mais aujourd’hui encore, ne sont-ils pas nombreux les chefs d’Etat réputés illustres et qui distinguent difficilement l’Iran de l’Irak, le Sénégal du Mali et qui, sans scrupules du fond de leurs chancelleries, président aux destinées de l’humanité et décident de son sort?
Tant pis si les injustices ont lieu et que des milliers de personnes soient injustement pénalisées, comme ce fut le cas pour les Arméniens.
L’humanité oubliera!

QUE VAUT L’UNIVERSALITÉ D’UN CRIME?
“Qui parle encore aujourd’hui de l’extermination des Arméniens”, déclarait Hitler quand, en 1939, il donnait l’ordre à ses unités de se rendre sur le front polonais pour tuer sans pitié hommes, femmes et enfants...?
Que vaut l’universalité d’un crime contre l’Humanité, quand cette Humanité est réduite au cas d’un peuple?
Cette réduction comporte en elle-même sa propre contradiction: elle est la négation indirecte des autres génocides. Et se trouve perdue ainsi la charge d’universalité.
Tout génocide est une preuve indicible, le génocide du Rwanda, du Kosovo, comme celui des Arméniens.
Et parce qu’il est indicible, sa tentative d’explication reste délicate et ne souffre pas l’erreur.
Quel Arménien aujourd’hui confronté à la violence de l’épuration ethnique qui sévit dans plusieurs points du globe, n’est pas renvoyé à sa propre Histoire?
Comment peut-il faire pour ne pas porter son regard au-delà des images d’horreur qui crèvent tous les écrans des télévisions et font la manchette des médias internationaux?
Comment peut-il faire pour ne pas écouter ces témoignages d’exactions... Des mots qu’il a déjà entendus...?

AVRIL, MOIS DE LA MÉMOIRE
Ce mois d’avril qui hésite entre hiver et printemps, restera à jamais pour chaque Arménien où qu’il se trouve, le mois de la Mémoire.
85 ans se sont écoulés et pourtant les fils des rescapés du Génocide sont encore là pour témoigner des récits de leurs pères...
Qui oserait leur demander, l’oubli et le pardon?
Marqué au fer rouge de l’injustice et de la douleur, ce drame a donné à tout un chacun la rage de vivre pour exorciser sa douleur.
La Diaspora au seuil de ce troisième millénaire est rivée au génocide et le recul du temps devrait lui permettre de mesurer la portée universelle de l’un, comme l’actualité nous le montre, des idées dangereuses, telle l’idée terrifiante de purification ethnique acceptée aujourd’hui, ici ou là, comme un moindre mal ou encore le mirage absurde d’une nation rêvant d’être entièrement homogène par sa race, par sa religion ou par son idéologie.
Le génocide assassine les peuples dans leur corps, mais l’ethnocide des Etats-nations qui ont une vision négative de “l’autre”, les assassine dans leur esprit et leur mémoire.
Aujourd’hui, certaines confrontations majeures relèvent d’une dette de justice envers les victimes et leurs descendants des génocides du XXème siècle.
S’acquitter de cette dette implique, paradoxalement, de penser l’impensable, représenter l’irreprésentable, punir l’impunissable.
La nécessité de la reconnaissance et les problèmes ontologiques, liés à l’essence de l’homme, des descendants de victimes de génocides non reconnus, rwandais ou bosniaque, arménien ou cambodgien, pèsent aujourd’hui sur l’avenir d’une humanité atteinte dans son essence même.

ON A VOLÉ LA VIE À UN MILLION ET DEMI DE PERSONNES MAIS ON NE LEUR VOLERA PAS LEUR MORT
La commémoration du 85ème anniversaire des martyrs arméniens pose toujours avec la même acuité le problème de la justice et de la réflexion.
Il s’agit aujourd’hui de redonner tout son sens à cette date. Le souvenir, loin de s’estomper, resurgit comme à la faveur d’un étonnant problème de rétroactivité.
L’épuisement, l’horreur auront eu raison d’un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants...
Mais nous nous dispenserons de formules de deuil.
Notre survivance et notre existence ne sont-elles pas un flagrant démenti à la mort programmée?
Il faut entreprendre un travail de mémoire,
un travail nécessaire mené dans la conscience et surtout en fonction des ouvertures qu’il peut apporter. Témoigner, fouiller le passé sont autant de gestes indispensables à la Mémoire, racine de notre pensée présente.
C’est pourquoi, chaque Arménien où qu’il se trouve, mû par la volonté de justice, a le devoir de préserver la vérité et si elle est altérée, de la restituer.
Evoquer avec respect les victimes de cette tragédie, réduire la distance qui les en sépare et parler d’eux comme s’ils étaient encore tombés hier...

Dr NAZIM BEY: “DÉBARRASSER LA PATRIE DE LA CONVOITISE DE CETTE RACE MAUDITE”
Le général Abdullahad Nouri, sous-directeur général des déportés à Alep, répondant à Nazim Bey qui lui demandait de ralentir l’envoi des déportés, “car la mort menaçait toute la Mésopotamie” s’est vu répondre par celui-ci: “De cette façon, nous exterminerons à la fois deux éléments dangereux. Ceux qui crèvent avec les Arméniens ne sont-ils pas des Arabes...? Ils nivellent le chemin du turquisme...”
Au seuil d’un XXIème siècle, les grandes puissances ne veulent pas encore croire à ces faits accablants.
Ils ne veulent pas lire tous ces documents de sources américaines, britanniques, françaises ou allemandes qui corroborent ces faits. La liquidation organisée des populations arméniennes d’Anatolie à la faveur d’une déportation générale est patente. Cela s’appelle un génocide. Les grandes puissances tergiversent, calculent les intérêts en jeu...
Comment des démocraties, peuvent-elles encore occulter ce crime qui reste le plus terrible de l’Histoire des civilisations?
Ces plaies indescriptibles ont marqué tout ce siècle et ne peuvent pas se cicatriser. Surtout que rien n’a été entrepris pour la prévention des comportements génocidaires. Les Arméniens disséminés un peu partout dans le monde se souviennent...
Citoyens à part entière de leur terre d’accueil, exemple d’intégration, ils sont aussi restés fidèles à leurs origines, à leurs traditions, à leur Histoire et, en particulier, à leur devoir de mémoire envers le Génocide. Tous réclament que justice soit faite.
Nombre d’entre nous sont les héritiers des rescapés de Cilicie, des enfants de Marache, de Sassoun, de Van, d’Adana, d’Erzouroum, d’Ourfa...
Comment situer encore les massacres de Sumgaït en 1988, sous la direction du Front populaire d’Azerbaïdjan, téléguidés par un Etat qui, jusqu’à présent, a joui de l’impunité de tous?
La Turquie, affirment les grands de ce monde, est une grande nation!
Qu’elle le prouve et ses amis, aussi.
Une grande Nation reconnaît son passé. Elle ne le falsifie pas!
L’avènement de l’indépendance de l’Arménie, le conflit du Karabagh semblaient, pensait-on, avoir quelque peu atténué la permanence brûlante de la Cause arménienne. Qu’on s’en détrompe!
Car celle-ci demeure. 


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