LA RUE ET LA LÉGALITÉ,
DE BEYROUTH AU SUD
Ce
qui se passe au Liban est très naturel dans ce contexte international.
Naturel, parce que le Liban voit, aujourd’hui, ce qu’il n’avait pas vu
il y a près d’un quart de siècle. Israël se retire du
Sud libanais. Personne ne disait cela, sauf ceux qui avaient foi en ce
que la fin est à la justice, non à la perpétuation
de la tyrannie, de la répression et de l’occupation. Qui l’aurait
dit... Après “l’Armée sudiste”, troisième ligne de
défense des frontières d’Israël... Après la “bonne
frontière”... Après Cana et les autres massacres israéliens?
Qui l’aurait dit? Ceci est devenu possible à
dire après la Résistance. Parce que la Résistance
- et les propos, dans ce domaine, sont de la Presse occidentale unanime
- a fait payer à Israël un prix cher de son matériel,
de son renom et, spécialement, de son potentiel humain. Lui qui
recherche le moindre indice permettant de retrouver la trace de Ron Arad.
Ceci est maintenant possible et le retrait israélien
du Sud libanais est devenu un besoin israélien. Un besoin politico-militaire
alimenté par les “quatre mères”, le groupe de la “paix maintenant”
et les sages marchant dans la ligne de trois des sages de Sion de ce temps:
Nahoum Goldman, Bruno Kreisky et Pierre Mendès-France.
Un besoin militaire, parce que le soldat israélien
est tombé sous les coups des résistants. Ainsi, Israël
a cessé d’être le pays de l’armée invincible. Et un
besoin politique, parce qu’Israël veut, comme cela est maintenant
connu, faire perdre une carte à la Syrie, la carte de la Résistance...
la Syrie et l’Iran.
Tout cela... et l’intérieur libanais reste
immobile et ne bouge pas? C’est logique... alors que nous nous trouvons
aux portes d’élections dont rien ne dit que quelque chose en elles
changera?
Les paroles bougent et font agir; la rue de même.
La rue, oui, est celle-là même qui a marché à
Seattle, à La Havane et à Washington, avant de marcher à
Beyrouth. D’aucuns disent que la rue ne doit et ne peut pas se substituer
au parlement. Sauf lorsque cette rue remplace le parlement devenu inexistant.
La rue signifie le peuple et les gens s’exprimant avec liberté.
Ils s’opposent, orientent, même s’ils font face aux fusils, aux baïonnettes
et aux lance-eau. La rue signifie Beyrouth, avant que la rue de Beyrouth
se transforme en couloirs séparés par des remblais de terre
où sévissent les francs-tireurs.
Et la rue était “seyante”... relativement,
de Washington à Beyrouth. Là-bas, des recommandations ont
été prises après des séances de “briefing”...
Des séances-tests ayant opiné que les interdits doivent être
intrinsèques. Ni violence, ni casse, ni calmants. Ils s’imposent
d’eux-mêmes, afin de ne pas être imposés par la contrainte
sécuritaire, soucieuse d’assurer la réunion de la Banque
mondiale près de la Maison-Blanche. Des recommandations parlant
de l’art de manifester, pour que la rue ne se transforme pas en chaos.
Un second Seattle à Washington... Plutôt
le troisième après La Havane, bien que La Havane ait été
une rencontre hostile au niveau des gouvernements... ayant dit une fois
de plus sa peur de la mondialisation. Car Seattle sait que la mondialisation
est le capital qui est statique aux limites de sa capacité. C’est
un poltron qui fuit lorsqu’une balle siffle ou qu’une rue gronde.
Non, la rue n’est pas le parlement. Elle ne peut
ni ne doit l’être. Cependant, la légalité se trouve,
parfois, dans la rue et en émane. Revenons, une fois de plus, au
général De Gaulle à propos de ce sujet, le penseur
politique établissant une distinction entre la légitimité
et la légalité. Nous revenons à De Gaulle, parce qu’il
a dit vrai et les cabales menées contre lui n’atténuent pas
son éclat. La dernière ayant été entreprise
par Stéphane Zagdansky dans un ouvrage grand par le nombre de ses
pages et manquant d’équité. Comme si Zagdansky n’avait pas
lu Roger Peyrefitte, cousin d’Alain Peyreffite, l’écrivain et ministre
dont la tendance gaulliste apparaît clairement dans son livre intitulé:
“C’était De Gaulle”. Roger Peyrefitte qui est un tout autre genre,
s’en est pris au Général dans le premier volume de son livre:
“Propos secrets”. Puis, il a récité son acte de contrition
en s’excusant de l’homme dans le second volume.
La rue est un droit au gens, parce que la
rue ce sont les gens. Et disons les choses avec liberté, une liberté
absolue responsable, le terme “responsable”, à l’instar du mot “absolu”,
devant être l’un des éléments constitutifs de la “liberté”.
Et que la rue dise ce qu’elle désire, la rue libanaise, celle de
Beyrouth, devant réaliser qu’elle ne doit pas devenir deux rues.
Nous disons cela avec beaucoup de franchise et de sécurité.
La rue libanaise et beyrouthine ne doit pas être deux rues. Car à
ce moment, une rue paralyse l’autre; Beyrouth et le Liban du verbe libre,
deviendraient sans rue et sans verbe.
Avec les mêmes franchise et sincérité
nous proclamons: Que personne n’aille jusqu’à dire qu’une rue à
Beyrouth charge l’autre de s’exprimer en son nom, parce qu’on lui interdit
de parler. Combien ces choses ont été dites au cours des
événements libanais qui ne se sont pas encore terminés
par la réconciliation nationale, parce qu’il leur manque la franchise
nationale.
Et l’échéance électorale,
qu’elle soit une scène pour la rationalité d’où l’intérêt
ne serait pas banni, sinon nous aspirerions à la république
de Platon et à la cité d’Al-Farâbi, la cité
vertueuse. Et même au summum de la démocratie au temps d’Athènes,
prônée par Périclès. L’intérêt
est qu’il en soit ainsi. Mais pouvons-nous demander que l’intérêt
soit rationnel aspirant aux vastes horizons nationaux avec le même
intérêt? Nous traversons une époque où bien
des choses ont été paralysées au Liban, au point que
parler de la loi dans le jugement des ministres est devenu un luxe et parler
de la magistrature quant à sa capacité de bien tenir la balance
de la Justice. Et, également, de parler de la Constitution, sauf
de l’article 95 élaboré pour une étape... et qui revêt
quelque chose de la pérennité... Et nous dirions de l’éternité,
n’était notre foi que l’éternité et l’immortalité
sont la propriété de Dieu.
La démocratie... Il est vrai que tous
nous sommes en faveur d’une démocratie s’exerçant avec retenue...
Sans inflation, comme cela s’est produit par rapport à la livre
libanaise et comme cela est appelé à se produire au Liban,
par rapport au dollar et par l’intermédiaire des Libanais. Tous
nous voulons la démocratie. Dans la Grèce d’aujourd’hui,
où en est-elle des Grecs de Périclès et même
des Grecs de Philippe de Macédoine? La Grèce des deux “Costas”:
Costas Caramanlis quittant le pouvoir et le cédant par la volonté
des gens à Costas Sémitis, leader des socialistes... mobilise
sa démocratie en prévision de son adhésion à
la zone de l’Euro.
La Turquie, désireuse d’entrer dans l’Europe,
aussi, a accepté la démocratie et refuse à Bulent
Ecevit de préparer un second mandat à Suleiman Démirel.
Dieu a réuni les deux antagonistes, après avoir cru en leur
impossibilité de se rencontrer. Mais le parlement turc est-il souverain
ou bien, à l’exemple du parlement algérien, “coordonne-t-il”
avec l’Armée? Une année s’est écoulée depuis
l’accession au pouvoir du président Bouteflika et ils ont dit: Ça
suffit! Comme si les présidents sont une histoire du soir que ses
auditeurs oublient avec le lever du jour.
On parle du départ d’Ezer Weizman, chef
de l’Etat d’Israël, bien qu’il ait réfuté l’accusation
portée contre lui le soupçonnant d’avoir bénéficié
d’un argent illicite. Il devrait être remplacé, selon les
dires israéliens, par David Lévy qui cèderait les
Affaires étrangères à Ariel Sharon, membre irréductible
du Likoud dont la femme a dit, des fois, qu’il est préférable
de l’amener au ministère de la Défense, afin que les opposants
ne soient pas surpris de le voir occuper le siège du Premier ministre.
Ces paroles, l’épouse les répète, sans que personne
les entende... Et le mari vit dans cette amertume!
Revenons à la rue. La rue chez nous
doit être élargie, aujourd’hui jusqu’aux frontières,
parce que le jeu se pratique là-bas. Ainsi, par une décision
unilatérale. Et sans accord. Un retrait, comme d’habitude, avec
des propos de matamore brandissant son poing face au vent et à l’horizon.
Méfions-nous d’une attaque qui se ferait par n’importe quel moyen,
car Dieu seul sait comment serait la réplique.
Là-bas, nous devons être tous, un
peuple unifié. Si possible. Et une rue unifiée parlant un
seul langage. Pour dire à tous, nous, les Arabes et la communauté
internationale, que nous sommes capables de faire face à quelqu’initiative
israélienne. Sinon, nul ne sait avec quel qualificatif nous serions
affublés, nous et eux tous. Comme est qualifiée la cohabitation
française, après la déclaration d’Alain Richard, ministre
de la Défense et la rectification de M. Hubert Védrine, chef
du Quai d’Orsay, par la dualité et comme l’a dit le président
Hosni Moubarak: “Si la guerre avec Israël est difficile, la paix avec
lui l’est davantage”. |
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