L’entretien avec le général Habib el-Adli, ministre égyptien de l’Intérieur, paraît vaste et complexe, à la dimension des problèmes à poser, à l’ombre de la mission difficile dont il s’acquitte avec succès. Selon tous les observateurs, l’Egypte jouit d’une stabilité sécuritaire qui faisait défaut depuis le début des années 90, alors que le terrorisme est en nette régression, en l’absence d’opérations de la part des groupes extrémistes. En dépit de cela, le général el-Adli déclare qu’on ne peut prétendre avoir extirpé le terrorisme. Cependant, au cours des dernières années, l’Egypte a franchi une phase importante en établissant un vaste réseau de relations au triple plan arabe, régional et international dans le domaine de la lutte contre ce fléau. Bien des Etats ont modifié leur attitude après avoir tenté d’utiliser le terrorisme en tant que carte politique, alors que d’autres ont appelé à une coopération plus efficace en vue de l’éliminer. Le général el-Adli a pu établir un équilibre entre la mission qui consiste à faire face au terrorisme, considéré comme le premier défi sécuritaire et les autres missions de la police dans la lutte contre les stupéfiants et la préservation des fonds publics. Il affirme que la police ne s’immisce nullement dans les élections législatives. De plus, il révèle l’existence au sein du ministère de l’Intérieur, d’une commission spéciale chargée de traiter les questions en rapport avec les droits de l’homme, tout en estimant qu’elles relèvent de considérations d’ordre politique. |
TERRORISME EN RÉGRESSION
On constate depuis quelques années, la régression
du terrorisme en Egypte; comment expliquez-vous ce phénomène?
Le terrorisme est un phénomène mondial; il prend de l’ampleur
ou régresse conformément à la politique suivie pour
y faire face. Aucun responsable sécuritaire ne peut prétendre
avoir extirpé ce fléau ou affirmer qu’il ne se manifestera
plus à l’avenir.
Il s’agit d’un crime permanent et sa perpétuation, à
l’instar d’autres crimes, pourrait être inévitable. Mais si
nous disons que n’importe quel crime constitue un conflit opposant les
organismes de sécurité aux criminels, sa régression
est une preuve et un témoignage des efforts déployés
par ces organismes, comme c’est le cas en Egypte. Et ce, d’après
un plan établi par le ministère de l’Intérieur, disposant
d’un calendrier et d’un timing de court ou long termes, qualitatif ou technique.
Le succès de ce plan est ce que nous traduisons en régression
du phénomène du terrorisme.
Quelles sont les causes de l’émergence de ce phénomène
en Egypte?
Le terrorisme n’était pas un phénomène propre
à la scène égyptienne. Dans le passé, des incidents
se produisaient de caractère terroriste individuel et n’étaient
pas permanents, comme cela a été le cas au cours des dix
dernières années.
Ce phénomène a été alimenté par
des groupes de jeunes qui étaient mobilisés et entraînés
en vue d’exécuter les plans de formations déterminées,
prenant la religion comme prétexte pour atteindre des objectifs
définis, en dépit du rejet de la violence et du meurtre par
toutes les religions hostiles à tout ce qui peut désunir
la nation.
Ils ont essayé de se servir de la religion dans le pays où
les préceptes religieux ont leur importance. Il nous faut reconnaître
qu’ils ont réussi dans une certaine mesure à induire en erreur
des jeunes.
Un plan de confrontation a été élaboré
qui ne s’est pas limité à la sécurité, uniquement,
partant de la conviction que ces faits doivent constituer la dernière
ligne de défense. Car la sécurité pourrait n’être
pas acceptée par le citoyen, en dépit de son besoin à
cette sécurité, surtout lorsqu’il s’expose à un vol,
à un assassinat ou à tout acte menaçant son existence.
Cela est valable pour tous les peuples. Le grand succès se réalise
lorsque l’organisme de sécurité est accepté par le
citoyen et bien des organismes nous ont aidés à faire face
au terrorisme, entre autres ceux de l’information, des wakfs et les instances
religieuses. Ceci a eu pour conséquence d’éveiller les jeunes
et de les amener à proclamer leur allégeance à la
patrie. D’autant que le terrorisme vise à saboter l’économie
de l’Etat. Nous citons, à ce propos, l’incident de Louxor perpétré
le 17 novembre 1997, qui a affecté le tourisme et s’est répercuté
sur l’économie égyptienne.
CONFRONTATION ARMÉE ET RÉINSERTION
Qu’en est-il de la confrontation armée avec les terroristes?
La confrontation a été décisive, surtout avec
les éléments armés qui visaient à compromettre
la stabilité intérieure. Ces derniers ont perdu beaucoup
de leurs chefs et cela a eu son impact sur les jeunes qui avaient été
induits en erreur. Nous avons pu les ramener sur le droit chemin, en les
soumettant à un cycle de formation adéquat dans les prisons
et les centres de rééducation. Nous avons réussi à
les réintégrer dans leur milieu et à leur inculquer
les concepts sains de la religion.
Notre plan d’action visait, aussi, à établir de bonnes
relations entre la police et le citoyen, celui-ci ayant été
persuadé que le policier le protège, son rôle consistant
à prémunir la société contre tous les dangers
qui la menacent.
Vous avez fait état d’une coopération avec des instances
régionales et internationales dans la lutte contre le terrorisme.
Comment cela s’est-il opéré?
Effectivement, nous avons réactivé cette coopération
sur différents axes, sous forme de contacts et de conventions bilatérales
avec bien des Etats, à travers le Conseil des ministres arabes de
l’Intérieur qui a ratifié la convention sur la lutte contre
le terrorisme. La commission spéciale doit se réunir, incessamment,
pour élaborer le mécanisme d’exécution des clauses
de ladite convention.
Il m’importe de signaler que le président Hosni Moubarak a été
le premier à préconiser la tenue d’une conférence
internationale pour lutter contre le terrorisme. Son invitation tient toujours,
d’autant que la coopération internationale dans ce domaine a débouché
sur maints positivismes.
En effet, des groupes déterminés et des éléments
entraînés peuvent planifier une opération, alors que
d’autres leur assurent le soutien financier ou se chargent de l’exécution,
les uns et les autres étant installés dans des pays différents.
Aussi, la lutte s’avère-t-elle plus efficace en cas de coordination
entre les organismes de lutte au plan international. Ce n’est plus un secret
pour personne, que bien des Etats, arabes ou autres, aidaient le terrorisme
à des fins politiques à court terme. Soutenir le terrorisme,
c’est apporter son appui à un acte illicite pouvant se retourner,
facilement, contre ceux qui le soutiennent. De fait, des Etats ayant apporté
leur appui au terrorisme se sont exposés aux opérations des
terroristes et ont rallié, en définitive, les pays luttant
contre ce fléau.
LA SÉCURITÉ ASSURÉE
Croyez-vous que l’Egypte jouit, désormais, de la stabilité
qui est importante et nécessaire pour elle en tant que pays touristique?
Je ne parlerai pas, en tant que responsable de la sécurité.
Mais Dieu merci et d’après le témoignage du monde, nous jouissons
maintenant de la sécurité et de la stabilité.
Je me rappelle qu’en 1998, après l’incident de Louxor que nous
qualifions de massacre exécuté d’une manière planifiée,
nous l’avons considéré comme un signe distinctif dans l’histoire
de l’action sécuritaire. A l’époque, une commission internationale
avait été formée de personnalités importantes,
de grands hommes politiques et de spécialistes en matière
de sécurité, afin de procéder à une évaluation
de la sécurité en Egypte. Et ce, pour présenter une
vision claire à leurs Etats sur la situation dans notre pays au
plan sécuritaire, avant la reprise du mouvement touristique. J’ai
demandé aux membres de la commission de visiter tous les endroits
qu’ils désirent et de rencontrer toutes les personnes de leur choix,
quitte à recueillir leurs impressions personnelles à la fin
de leur séjour.
Leur témoignage a été pour nous un sujet de fierté
au ministère de l’Intérieur. Ils l’ont proclamé partout
dans le monde, en reconnaissant la justesse des mesures que nous avons
prises après la tuerie de Louxor.
Les délégations ont afflué sur les bords du Nil
et tous ont vanté les dispositions adoptées par nos organismes
de sécurité sur le terrain. De plus, Le Caire a accueilli
un grand nombre de congrès internationaux, le tout dernier ayant
été le sommet euro-africain. Ceci a confirmé la capacité
des organismes égyptiens à assurer la sécurité
et la stabilité en Egypte.
LES DROITS DE L’HOMME, UNE QUESTION POLITIQUE
Les associations pour la défense des droits de l’homme ont-elles
atténué leurs observations autour de la situation en Egypte?
Elles ont changé de ton et il m’importe de souligner que la
question des droits de l’homme est d’ordre politique, en tout premier lieu.
Mais nous traitons avec elle en tant que vérité et que fait;
aussi, nous soucions-nous d’empêcher qu’un citoyen empiète
sur les droits des autres.
Pour la première fois, une commission a été constituée
au ministère de l’Intérieur, ayant pour tâche de recueillir
ces plaintes relatives aux violations des droits de l’homme. Formée
du directeur des prisons, du ministre-adjoint pour les affaires de la sécurité
sociale et de spécialistes, la commission procède à
des enquêtes sur les plaintes et les infractions aux lois en vigueur.
Puis, elle me soumet des propositions en vue d’améliorer les
conditions conformément auxquelles sont exercés les droits
de l’homme. Prochainement, j’effectuerai une tournée dans les prisons
pour la première fois en Egypte, afin de prendre connaissance, personnellement,
de l’évolution intervenue depuis l’application du plan pour l’amélioration
du régime pénitentiaire.
Dans le cadre de l’action menée en vue d’assainir le climat
à l’intérieur des prisons, nous avons libéré
des milliers de détenus pour leur bonne conduite et les avons aidés
à se réintégrer dans la société et à
jouir de leurs droits en tant que citoyens ordinaires après leur
réhabilitation.
QUID DES FORMATIONS DE GAUCHE?
Les organisations de gauche menacent-elles la sécurité,
même après l’effondrement de l’Union soviétique?
L’expérience nous a appris que la Gauche parle plus qu’elle
n’agit. On peut affronter la parole par des arguments et les organisations
de gauche ont eu recours à des opérations terroristes; après
l’effondrement de l’Union soviétique, la Russie a été
le théâtre de crimes inexistants par le passé. Ceci
est normal pour toute société en état de guerre ou
en transformation.
Actuellement en Egypte, les conversations portent sur les élections
législatives qui sont proches. Le Conseil du peuple discute de lois
relatives au processus électoral et le président Moubarak
a appelé la Justice à le superviser. Où en est le
ministère de l’Intérieur de ces préparatifs?
La charge des élections depuis la campagne électorale,
incombe au ministère de l’Intérieur. L’appel du président
Moubarak à leur supervision par la Justice, vise à renforcer
le déroulement du processus électoral, à encourager
les citoyens à y participer et à arrêter les rumeurs
concernant la falsification du scrutin.
Ceci ne signifie pas que les législatives précédentes
étaient falsifiées. Mais ces rumeurs étaient provoquées
par les partis de l’opposition, malgré l’existence de leurs représentants
au sein de l’Assemblée. Nous appliquons la démocratie depuis
longtemps et notre presse jouit de ses libertés. La police n’intervient
pas dans les élections; elle est uniquement chargée d’assurer
la sécurité des candidats et des bureaux de vote. En tant
que forces de police, nous n’existons pas au sein des comités. Notre
but est de maintenir la sécurité, les élections s’accompagnant
de conflits entre les candidats qui, parfois, appartiennent à une
même famille. Notre rôle consiste à assurer le déroulement
du vote et à surveiller les urnes jusqu’à l’achèvement
du scrutin en présence des représentants des candidats. Cela
réfute les allégations de l’opposition concernant l’échange
des urnes.
Le ministère de l’Intérieur, malgré sa préoccupation
principale d’affronter le terrorisme, a assumé son rôle dans
la lutte contre le trafic de stupéfiants et la sauvegarde des finances
publiques. Comment a-t-il pu concilier entre ces différentes charges?
Depuis notre entrée en fonctions, nous tenions à ce que
les organismes de sécurité poursuivent leur action, chacun
dans son domaine. Si la sécurité politique a besoin de l’assistance
d’un organisme relevant du ministère, elle doit en formuler la demande.
Notre lutte contre le trafic de drogue se poursuit. Nous procédons
tous les jours, à détruire les cultures de “bango” auxquelles
ont eu recours les trafiquants après l’arrêt du haschisch,
d’autant que cette plante peut être cultivée avec d’autres
sans être détectée facilement. De plus, elle peut être
rapidement vendue en raison de son prix relativement bas. Notre action
dans la sauvegarde des finances publiques se poursuit, avec la hausse des
taux de développement et de croissance économique et l’apparition
de “crimes” économiques. La police agit d’une façon satisfaisante.
Notre action est en progrès continu.