LARSEN DÉFINIT SA MISSION AU LIBAN:
“SERVIR LE PEUPLE LIBANAIS ET SOUTENIR LA PAIX”

Le retrait israélien du Liban-Sud prédomine sur la scène locale, éclipsant toutes les questions en rapport avec les législatives, les revendications syndicales et estudiantines.

Cependant, la poursuite des agressions israéliennes sur une large échelle ne manque pas de susciter des appréhensions quant à l’avenir de la situation dans la région méridionale, ce qui fait accréditer l’assertion de ceux qui ne prennent pas au sérieux - la Syrie en tête - la décision israélienne relative au retrait de “Tsahal”. Et ce, en dépit du démantèlement de certaines des vingt-deux fortifications existant le long du cordon frontalier.
Ce qui inquiète le plus, c’est le fait pour les attaques israéliennes de se perpétuer, même en présence de l’émissaire spécial du secrétaire général des Nations Unies. Les Israéliens justifient leur conduite en invoquant les vingt-cinq opérations du “Hezbollah” contre les positions de l’ALS, la plus meurtrière ayant été celle perpétrée contre Aramta, dont les membres de la garnison ont été tous tués ou blessés.
La Résistance a adopté un nouveau procédé dans sa lutte contre l’occupant, en multipliant les attaques contre ses positions, afin de le dissuader d’y maintenir quelques-uns de ses fortins après le retrait de “Tsahal”. D’autant que le général Lahad, commandant de l’ALS a affirmé, depuis deux semaines, que son “armée” conservera ses positions même après le départ des Israéliens.
Par ailleurs, les milieux officiels ont accueilli non sans surprise les rumeurs annonciatrices d’un changement ministériel, ce qui a été interprété comme une tentative de déstabiliser le front intérieur à l’approche d’une importante échéance régionale.
Les milieux mentionnés pensent que les propagateurs de telles rumeurs tentent de provoquer une “sédition politique” dans le pays. Etant donné les difficultés qui empêchent la mise sur pied d’une nouvelle équipe ministérielle dans les circonstances présentes, ces propagateurs de fausses nouvelles croient pouvoir causer un vide au niveau gouvernemental et, partant, placer le Pouvoir en position de faiblesse.
Naturellement, les cercles officiels démentent de telles rumeurs, d’autant que la conjoncture régionale particulièrement précaire, ne permet pas une telle éventualité.
D’ailleurs, certains visiteurs revenus récemment de Damas ont rapporté l’étonnement de leurs interlocuteurs syriens quant à un changement ministériel en ce moment précis.
Les responsables damascènes sont d’avis, au contraire, qu’il faut éviter toute secousse politique au plan intérieur, susceptible d’embarrasser les dirigeants qui ont d’autres chats à fouetter.
D’autre part, des sources diplomatiques prédisent un été chaud, dont pourraient se ressentir des objectifs autres que libanais.
Dans ce contexte, des sources européennes et américaines s’attendent à une escalade grave au Liban, surtout si les opérations de la Résistance devaient se perpétuer, ce qui inciterait Israël à asséner des coups particulièrement durs à notre pays et à ses infrastructures.
Parmi les déclarations faites dernièrement, celle du commandant de l’armée de l’air israélienne retient l’attention. De fait, celui-ci a dit que cette dernière sera la plus active après le retrait, si la situation sur le terrain et la frontière-Nord d’Israël venait à se détériorer.
De son côté, M. William Cohen, ministre US de la Défense, n’a pas écarté une confrontation grave, si Israël s’exposait à une attaque. “La Syrie, a ajouté M. Cohen, sait parfaitement que l’Etat hébreu ripostera à toute opération dirigée contre ses troupes. Dans ce cas, sa riposte prendra pour cible le Liban et d’autres objectifs”.
Sur un autre plan, il y a lieu de relever le redéploiement auquel procèdent les forces syriennes stationnées en territoire libanais, dans un double but: permettre aux forces régulières libanaises d’assumer la mission qui leur incombe et prémunir les troupes syriennes contre d’éventuelles attaques que pourraient déclencher contre elles l’armée israélienne. D’autant que, d’après Shimon Pérès, “la saison de la paix est maintenant révolue et il faut attendre la fin des présidentielles américaines pour en reparler”.
Dans un autre ordre d’idées, il sied de faire mention de mesures économiques et sécuritaires libano-syriennes qui seraient prises à un haut niveau, destinées à empêcher une sorte d’embargo qu’Israël serait amené à imposer au Liban, à la Syrie et à l’Iran.
En effet, la Presse syrienne annonce que “la région risque de faire face à une escalade d’un autre genre”, tout en accusant l’Etat hébreu de chercher à provoquer des mouvements séditieux dans notre pays.
La Syrie, elle, ne cesse de le répéter, ne prend pas au sérieux la décision israélienne relative au retrait “avec ou sans accord”, ce qui ne manque pas d’inquiéter les responsables français. Ceux-ci invitent Damas à coopérer en vue d’instaurer un climat d’apaisement au Liban-Sud, en mettant la capitale syrienne en garde contre “son isolement au plan international, si elle refuse d’apporter sa contribution dans ce domaine”.
Cela dit, les hautes autorités ont consacré les deux derniers jours à préparer le dossier à soumettre à M. Terje Roed Larsen, émissaire du secrétaire général de l’ONU, qui a entamé hier jeudi ses pourparlers avec les chefs de l’Etat, du Législatif et du gouvernement.
Les entretiens ont porté, naturellement, sur le retrait israélien du Sud et le mécanisme qu’utilisera le commandement militaire de “Tsahal” pour évacuer ses effectifs. Le rôle que les Nations Unies sont tenues de jouer, étant donné que le retrait doit s’effectuer sur base des résolutions 425 et 426 du Conseil de Sécurité, a été également évoqué. Le président Hoss avait conféré, précédemment, avec le général Jamil Sayed, directeur général de la Sûreté, celui-ci ayant participé aux conversations que des responsables libanais avaient eues avec M. Larsen lors de sa première visite à Beyrouth.
Les hautes autorités remettront à l’émissaire de l’ONU des cartes authentifiées consignant les frontières du Liban, les Israéliens étant appelés à se retirer au-delà d’une ligne allant du Arkoub à Nakoura.
Le chef du gouvernement avait, auparavant, eu un entretien téléphonique avec M. Farouk Chareh, chef de la diplomatie syrienne, qu’il a mis au courant de l’ordre du jour des pourparlers avec M. Larsen.
La veille de l’arrivée de l’émissaire onusien à Beyrouth, le bureau d’information des Nations Unies a diffusé un communiqué attribuant à M. Larsen une déclaration, dont il ressort que le moment est venu d’appliquer les résolutions 425 et 426... “Je vais à Beyrouth en tant qu’envoyé du secrétaire général, Kofi Annan, avec l’appui total du Conseil de Sécurité, à l’effet d’y rencontrer le président Emile Lahoud et le chef du gouvernement, Salim Hoss, la présence des Nations Unies au Liban étant destinée à servir le peuple libanais et à soutenir la paix”.
Le communiqué précise que M. Larsen examinera avec les responsables les modalités d’application des résolutions 425 et 426, relatives au retrait israélien du Liban. Il rencontrera le président Nabih Berri au cours de sa visite de trois jours, deux d’entre eux devant être consacrés aux effectifs de la FINUL opérant au Liban-Sud.
Il échangera les vues avec le président Hoss à propos des éléments devant figurer dans le rapport qu’il présentera à M. Annan dès son retour à New York.
M. Larsen est accompagné dans sa tournée proche-orientale d’experts de l’ONU dans les domaines militaire et juridique versés dans l’application des résolutions des Nations Unies. Le général Seth Kofi Obeng, commandant de la FINUL, sera également à ses côtés lors de sa présence parmi les Casques Bleus à Nakoura.
Enfin, il y a lieu de faire état de la demande faite par Ehud Barak à l’armée israélienne “de respecter la souveraineté du Liban et de ne pas violer l’espace aérien et les eaux territoriales libanaises après le retrait”... Ce qui a été interprété par les milieux politiques comme une acceptation des conditions formulées par le président de la République dans le mémorandum qu’il a adressé au secrétaire général de l’ONU.

NADIM EL-HACHEM

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