Originaire de la localité de Chébaa au Liban-Sud, Marc Assad, député au parlement canadien, lance un véritable cri du cœur en faveur de la terre de ses ancêtres: “S’il y a, dit-il, un peuple qui mérite l’attention, l’aide et le respect de la communauté internationale, c’est bien le Liban.” “J’ai eu la chance, ajoute-t-il, de visiter en 1964, Chébaa, la ville natale de mon père. C’était le paradis.” |
Député du parti libéral du Gatineau, Marc Assad
faisait partie de la délégation ayant accompagné le
Premier ministre du Canada, lors de sa tournée au Proche-Orient.
“Nous avons visité sept pays en douze jours, c’était trop
dense, dit-il. Pour ma part, j’aurais voulu avoir plus de temps au Liban;
d’ailleurs, c’est le pays où nous avons été reçus
avec le plus d’enthousiasme. Cet accueil a profondément touché
notre Premier ministre. On le voyait à l’aise avec ses hôtes
et lors des deux banquets offerts par le chef de l’Etat, le général
Emile Lahoud et par le Premier ministre, le Dr Salim Hoss, M. Chrétien
a raconté beaucoup d’anecdotes.”
M. Assad s’attarde sur les affinités entre les Libanais et les
Canadiens, surtout les francophones et les mariages nombreux entre eux.
“Les Libanais s’intègrent facilement, dit-il, d’autant plus que
le Liban a toujours été un pays d’accueil de réfugiés
arméniens, palestiniens.... Soyez sûre, ajoute-t-il, que notre
Premier ministre sait très bien que le Liban est victime du conflit
au Proche-Orient.”
Il ne l’a pas dit, pourquoi?
Je le reconnais! Mais il faut savoir que c’était son premier
voyage dans la région et on a vu ce qui est arrivé à
M. Jospin. Il a donc essayé d’éviter des polémiques.
N’empêche que la Presse canadienne l’a vivement critiqué
pour ses déclarations et ses gaffes!
La Presse a plutôt inventé des nouvelles, croyez-moi.
Mes collègues et moi-même étions présents à
ce voyage et aux conférences de presse de M. Chrétien. Nous
étions furieux de voir comment la Presse a, non seulement
mal interprété ses propos, mais même fabriqué
des choses, affirmant, par exemple, qu’il n’était pas le bienvenu
en Syrie, ce qui était faux.
Que dire de la “gaffe” qu’il a commise en disant qu’il ne connaît
pas l’Est de l’Ouest de Jérusalem?
Notre Premier ministre a l’habitude de parler de façon spontanée
et sous forme de blague. C’en était une. D’ailleurs, les Palestiniens
ne se sont guère formalisés par cette boutade et il a été
fort bien accueilli à Gaza par M. Arafat.
JE NE VOUS CACHE PAS MON INQUIÉTUDE
D’après votre connaissance de la région et suite à
cette visite, comment voyez-vous la situation, notamment au Liban, avec
le retrait israélien prévu pour début juillet?
Je dirais, tout d’abord, qu’il est essentiel que la résolution
425 des Nations Unies soit pleinement respectée. Mais connaissant
l’attitude d’Israël d’une part et la situation qui existe au Liban-Sud,
d’autre part, je ne vous cache pas mon inquiétude. La situation
est bien plus complexe qu’on le pense et je me méfie de ceux qui
disent connaître la réponse et avoir des solutions finales.
Qu’avez-vous pu déduire des contacts avec les Israéliens?
J’ai entendu parler de paix à tout instant, mais je ne sais
pas vraiment s’ils sont prêts à instaurer une paix juste et
équitable à laquelle la région aspire. Et ceci m’inquiète.
Les Israéliens disposent d’armes nucléaires, une très
forte puissance militaire et, surtout, de l’appui inconditionnel des Etats-Unis.
D’où le déséquilibre dans le rapport des forces au
niveau régional, d’autant plus que la décision est de façon
unilatérale entre les mains de Washington. Evidemment, on ne peut
compter sur la Russie qui, même dans le passé, n’a pas fait
grand-chose. Quant à la Communauté européenne, elle
apporte un appui moral, sans plus.
LES USA À LA MERCI DU LOBBY JUIF
Vous ne semblez pas avoir grande confiance dans les Etats-Unis?
Ma réponse est négative! D’autant plus que l’Amérique
est à la merci du lobby juif et sa politique au Proche-Orient n’a
jamais été juste et équitable; c’est le Liban qui,
en particulier, a été sacrifié et a subi le plus d’injustice.
D’où mon inquiétude.
Le déploiement d’une force de paix des Nations Unies au Liban-Sud,
peut-il dissiper cette inquiétude?
Oui, d’une certaine façon, il est indispensable qu’une force
de paix onusienne se déploie sur la frontière entre le Liban
et Israël, pour éviter toute provocation, tout dérapage,
sauvegarder la ligne frontalière de part et d’autre et, surtout,
le territoire libanais. Car tel qu’on l’a vu dernièrement, au moindre
problème frontalier, Israël bombarde le Liban, s’attaquant
aux civils et à son infrastructure vitale. Il est même à
craindre, qu’après son retrait, au moindre problème. “Tsahal”
retourne au Sud, pour y rester. La communauté libanaise de l’extérieur
est pleinement consciente de ce problème et réclame le déploiement
d’une force de paix au Liban-Sud.
La force de paix onusienne devrait avoir aussi pour mission de protéger
la population civile du Sud. Car tel qu’on le sait, le terrain est toujours
miné du fait de la présence, d’une part, d’une milice supportée
par Israël et du “Hezbollah”, d’autre part. Il faut donc être
réaliste et on ne peut s’attendre à des miracles, suite au
retrait israélien. D’où la nécessité d’envoyer
une force d’interposition, comme en Yougoslavie, pour protéger la
population civile, le temps que les plaies se cicatrisent.
LES LIBANAIS DU CANADA NE SONT PAS POLITIQUEMENT
ACTIFS
Que fait le Canada pour aider le Liban en cette phase cruciale de
son destin?
Nous avons au Canada une communauté de 250.000 Canadiens d’origine
libanaise. Malheureusement, ils ne sont pas politiquement actifs. Ceci
est très important et j’espère que les prochaines générations
prendront leur place dans le processus démocratique, notamment au
sein des partis politiques et des institutions.
Pour l’heure, je crois que les milieux de la communauté libanaise
vont demander à leur pays d’accueil, le Canada, d’offrir des soldats
pour le maintien de la paix au Sud.
Le Canada a-t-il l’intention d’ouvrir les portes de l’immigration
aux Sudistes?
Le Canada a toujours une même politique d’accueil et a reçu
un très grand nombre de Libanais durant les années de guerre.
Le processus est le même. Mais, croyez-moi, nous préférons
que les Libanais restent dans leur pays et pour cela, il faut assurer aux
Sudistes, la sécurité et la stabilité.
Ce qu’on peut demander au Canada, aujourd’hui, c’est d’envoyer des
troupes de paix pour sauvegarder la frontière entre le Liban et
Israël mais, aussi, pour sauvegarder la population civile et la maintenir
sur place.
M. Assad conclut cette rencontre, réalisée à Montréal,
par un véritable plaidoyer en faveur du Liban: “S’il y a un peuple
et une nation qui méritent l’attention, l’aide et le respect de
la communauté internationale, c’est bien le Liban. Quand on pense
que tout au long de ce siècle il fut une terre d’accueil, pour des
milliers d’Arméniens, lors de la Première Guerre mondiale;
puis, pour des milliers de Palestiniens après la Deuxième
Guerre mondiale, dont il a soutenu la cause et subi le fardeau”.
Le Libanais a toujours été un peuple hospitalier et la
façon dont la communauté internationale le traite aujourd’hui
est une véritable injustice, alors qu’elle devrait voler à
son secours de toutes ses forces. D’autant plus que, par le passé,
le Liban était une démocratie et un modèle de convivialité,
centre bancaire, touristique et commercial prospère. Aujourd’hui,
chaque attaque et bombardement contre sa population civile et ses infrastructures
vitales, vise à le déstabiliser chaque jour davantage, afin
de l’empêcher de retrouver sa place et son rôle au Proche-Orient.
Pour cela, il mérite toute notre aide et notre attention...