L’opération s’est effectuée avec une telle précipitation,
que les journaux parus le matin, étaient largement dépassés
dans l’après-midi. Face à cette situation, tous les Libanais,
des gouvernants aux citoyens ordinaires, se sont comportés avec
responsabilité à tous les niveaux.
Et le discours du président Nabih Berri qui est, aussi, chef
de “Amal”, n’a pas eu son pareil. De même que la harangue de Sayed
Hassan Nasrallah, secrétaire général de la Résistance
plus proche dans ses termes du responsable que du résistant.
Ceci a amené la résistance, à se comporter d’une
manière exemplaire après le retrait israélien; aussi,
n’a-t-on eu à déplorer aucun incident, “ni aucune gifle”,
comme ce fut le cas, précédemment, à Jezzine.
“Il est demandé, aujourd’hui, a dit le président Berri,
de liquider l’occupation, non de procéder à des règlements
de comptes”. Et encore: “Le Liban tentera de récupérer les
fermes de Chébaa par la voie diplomatique et s’il ne réussit
pas, il aura recours à la résistance.” De plus, le chef du
Législatif a rassuré les habitants de Marjeyoun et d’Aïn
Ebel, en révélant que, dans leur majorité, “les membres
de l’Armée du Liban-Sud étaient des musulmans.” De son côté,
Sayed Nasrallah a invité les éléments de la milice
lahdiste à se livrer à l’Armée, en assurant que rien
ne devait leur faire peur, car ils seront jugés selon la loi libanaise,
avec transparence et équité. En tout cas, l’aube du 24 mai
constitue un tournant et une marque distinctive dans l’histoire du Sud
et du Liban. Ce matin-là, à 7 heures, le dernier soldat
israélien quittait notre territoire; cette date ne sera jamais oubliée.
Les forces d’occupation avaient évacué la citadelle de
Chékif, Aïchié et Marjeyoun, ultime étape du
retrait, lequel a été accompagné comme toujours par
les bombardements criminels de l’ennemi. Après le retour du Sud
au giron de l’Etat, le cas des fermes de Chébaa a besoin d’être
élucidé, car elles semblent devoir être maintenues
sous la férule de l’occupation jusqu’à une date indéterminée.
Mais la Résistance est résolue à reprendre la lutte
jusqu’à libérer le dernier pouce de notre territoire. Le
secrétaire général du “Hezbollah”, l’a affirmé,
en y ajoutant une autre condition: la libération des Libanais détenus
dans les geôles israéliennes. Le retrait de “Tsahal” avait
commencé dans le secteur ouest, sans qu’on ait eu à signaler
le moindre incident. Ceci a été facilité par la capitulation
en grand nombre des effectifs de l’ALS, ceux-ci s’étant livrés
directement à l’Armée ou par l’intermédiaire du “Hezbollah”
ou de “Amal”. Dans le secteur oriental, les positions stratégiques
ont été également évacuées sans accroc,
notamment la citadelle de Chékif, Marjeyoun-Kleyha, le secteur proche
de Chébaa, la zone ainsi évacuée ayant représenté
dix pour cent de l’ensemble du secteur occupé. Le Conseil des ministres
a tenu mardi une réunion extraordinaire, pour prendre connaissance
de la situation sur le terrain et examiner l’action à entreprendre
dans les villages sudistes pour satisfaire les besoins de la population.
A cet effet, une commission ministérielle a été constituée
sous la présidence de M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur
qui, après avoir mis au point son plan d’action, a tenu hier jeudi
une séance de travail à Nabatieh où elle a examiné
l’application d’un programme visant à réaliser des projets
d’utilité publique pour assurer l’eau, l’électricité,
les routes et le téléphone aux localités libérées
après un quart de siècle d’occupation. Entre-temps, des contacts
intensifs étaient effectués avec les hauts responsables autour
de l’étape d’après le retrait. Ainsi, le président
Lahoud a reçu des communications téléphoniques du
président Jacques Chirac, de M. Kofi Annan, secrétaire général
des Nations Unies et de Mme Madeleine Albright, secrétaire d’Etat
US. M. Annan a annoncé le retour à Beyrouth de son envoyé
spécial, M. Terjé Roed-Larsen, accompagné d’une équipe
d’experts et d’un cartographe, à l’effet de s’assurer de la bonne
application des résolutions 425 et 426. En fait, le Liban insiste
pour que la FINUL s’acquitte de sa mission, telle que définie par
ces deux résolutions. Elle consiste, notamment, à aider l’Autorité
libanaise à étendre sa souveraineté à l’ensemble
du territoire national. L’émissaire onusien sera interrogé,
notamment, sur les raisons ayant amené M. Annan à ignorer
les documents authentifiés que lui a adressés le gouvernement
Hoss, prouvant que les fermes de Chébaa font partie intégrante
du territoire libanais. Il y a lieu de signaler qu’avant de se retirer,
les Israéliens ont multiplié les actes vils, en tirant sur
les civils et en laissant traîner des engins meurtriers qui ont explosé
dès qu’une personne les touchait. Ceci a fait plusieurs victimes
et blessés. La Résistance a déclenché une seconde
opération contre trois positions ennemies à Chébaa,
blessant un soldat israélien; il s’agit de celles de Tal Seddaneh,
de Jabal el-Rouss et de “Marsad Chébaa” (l’observatoire). Le président
Emile Lahoud n’a pas manqué de féliciter l’Armée libanaise
et la Résistance, ainsi que le peuple libanais tout entier, pour
cette victoire sur Israël. En recevant une délégation
d’Aramta, le chef de l’Etat a rassuré les Sudistes, en promettant
des jours paisibles et heureux, contrairement à ce que prédisent
certains sceptiques et pessimistes ayant perdu la foi dans la patrie et
les aspirations de ses fils. “N’ayez pas peur, a dit le président
de la République à la délégation d’Aramta,
car vous êtes redevenus partie de l’Etat. Seuls ceux qui ont porté
les armes seront poursuivis et jugés avec transparence et équité,
selon les lois libanaises”.
Cependant, il a ajouté que le retrait ne signifiait pas l’instauration
d’une paix juste et globale, celle-ci exigeant la récupération
de toutes les portions non encore libérées du territoire
national, les fermes de Chébaa en tête. “Il faut, également,
obtenir la libération des Libanais détenus dans les geôles
israéliennes, assurer le droit de retour aux réfugiés
palestiniens et forcer l’Etat hébreu à évacuer le
Golan jusqu’à la ligne du 4 juin 1967.” Le président Lahoud
a fait état de l’aide syrienne, disant que “la Syrie a contribué
à la réalisation de la victoire”.
De leur côté, les présidents Berri et Hoss ont
multiplié les contacts avec les milieux officiels et civils qualifiés,
pour prévenir toute perturbation dans l’opération du retrait.
Les chefs du Législatif et du gouvernement ont félicité
les Sudistes et les Libanais, en promettant de tout mettre en œuvre pour
reconstruire les villages libérés et satisfaire leurs besoins
en eau, électricité, téléphone, routes et dans
le domaine sanitaire.
Aux députés qu’il a reçus, le président
Hoss a dit: “La patrie tout entière vit la joie de ces journées
glorieuses de son Histoire”. Au cours d’un entretien téléphonique
avec le secrétaire général de l’ONU, le président
du Conseil a échangé les vues avec M. Kofi Annan, sur la
situation qui prévaut sur le terrain après le retrait israélien.
M. Hoss a informé son interlocuteur de son intention de déposer
une plainte contre l’Etat hébreu au Conseil de Sécurité,
pour les attaques que ses troupes ont déclenchées contre
les populations civiles sudistes au moment de leur départ. Et ce,
suite à l’impossibilité pour le groupe de contrôle
d’avril, issu de l’arrangement d’avril, de se réunir. Cela dit,
il importe de préciser que le Liban est déterminé
à poursuivre son action aux fins de récupérer les
hameaux de Chébaa, en dépit de l’avis défavorable
émis à ce sujet par le secrétaire général
de l’ONU. A ce propos, il importe de faire état du document exhibé,
dernièrement par le président Berri confirmant la “libanité”
de Chébaa: il s’agit d’une carte établie par le Pentagone
en 1976, montrant les fermes de Chébaa à l’intérieur
du territoire libanais. Cette carte, M. Berri en a fait parvenir des copies
aux présidents Lahoud et Hoss, ainsi qu’aux ambassadeurs des pays
membres du Conseil de Sécurité, pour qu’ils la communiquent
à leurs gouvernements respectifs.