Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD
NE GÂCHEZ PAS LA LIBÉRATION
Nous avions tout fait, tout et n’importe quoi, pour mettre des bâtons dans les roues à une armée israélienne contrainte d’évacuer la bande frontalière occupée depuis un quart de siècle.
Après avoir - sans grande conviction - hurlé à la lune, au cours de la dernière décennie surtout, pour réclamer l’application de la 425, voilà que nous frôlons la catatonie quand Israël obtempère et se retire sans conditions. Auparavant, nous avions mis ce retrait en doute et la 425 en quarantaine. Et qu’on ne nous demande pas par quel tortueux cheminement de l’esprit, nos gouvernants ont effectué ce virage à 180%. La 425 qui, pendant longtemps a représenté, pour nous, notre code d’accès à la liberté et à la souveraineté, est brusquement devenue, à travers un torrent de réthorique ahurissante, un instrument du diable, un nœud de vipères dissimulant un piège mortel. Comme si nous avions peine à imaginer nous retrouver seuls, face à une souveraineté dont nous avions perdu et le souvenir et le goût.
Nous avons dit que ce retrait était un coup bas inacceptable, inadmissible. Nous avons dit que nous étions incapables d’empêcher les Palestiniens de sortir de leurs camps avec leur arsenal au grand complet, de retenir la Résistance. Nous avons proclamé que notre armée ne servira jamais de garde-frontière à Israël. Faute de nouveaux arguments, nous nous sommes aperçus - comme sous l’effet d’une révélation - que nous étions viscéralement attachés aux hameaux de Chébaa par le plus tenace des cordons ombilicaux et que tout le reste du Sud évacué ne valait pas tripette auprès d’un seul grain de poussière d’une terre que nous avions superbement ignorée, depuis la proclamation de l’Etat du Grand Liban par le général Gouraud, au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Maintenant que ce retrait est effectif grâce à la Résistance, que le comportement de cette Résistance a été exemplaire et nous a évité la ronde infernale des représailles, vendettas et autres exécutions sommaires; maintenant que le “Hezbollah” par la voix de son chef, cheikh Hassan Nasrallah, a déclaré que le “Hezb” n’avait ni la volonté, ni qualité, ni vocation pour se substituer à l’Etat, nous affichons des mines égarées.
Accrochés aux treillis des Casques bleus, nous espérons les laisser se dépêtrer tout seuls, jugeant avoir rempli notre devoir par l’envoi sur place de quelques gendarmes qui, devant l’énormité de la tâche, semblent frappés de tétraplégie. Pourquoi rien que des FSI? Pourquoi pas l’armée, l’armée seule capable d’imposer à tous le respect de la légalité avec la sécurité?
C’est, alors, qu’on nous ressort l’argument massue: l’armée ne saurait jouer les gardes-frontières. C’est tout au plus une boutade, non une politique. Garder les frontières de son pays est un privilège, non une insulte. Car, il ne s’agit pas de chanter des berceuses aux Israéliens, mais de veiller à l’intégrité du territoire national et à la sécurité de sa population.
Si l’armée avait été là, nous n’aurions pas vu la peur, la détresse et l’angoisse dans les yeux des enfants, des femmes et des hommes, jeunes et vieux; nous n’aurions pas vu s’accomplir des actes de vandalisme et des pillages (limités, il est vrai); nous n’aurions pas vu ces bandes irresponsables de voyous palestiniens, entraînant derrière elles des jeunes excités libanais, en train de lancer des pierres sur les soldats israéliens de l’autre côté de la frontière. “Intifada” dérisoire, qui n’a servi qu’à offrir un spectacle gratuit et lamentable, que toutes les télévisions du monde se sont empressées de transmettre aux quatre  coins de la planète.
Ce ne sont pas des jets de pierres à travers les fils de fer barbelés d’une frontière qui rendront la rive ouest du Jourdain aux Palestiniens. Ils l’ont déjà essayé et se sont retrouvés, non pas à Jérusalem, mais à Tunis. La Résistance libanaise en a fait la preuve: c’est en se battant sur son propre sol qu’on parvient à le libérer.
Elle a prouvé, aussi, aidée par la population du Sud, que l’on peut réussir une “libération propre”, dans l’ordre, la discipline et le sens des responsabilités.
Dans le dictionnaire, le mot “libanisation” est défini comme “un processus de fragmentation d’un Etat, résultant de l’affrontement entre diverses communautés ou confessions”.
Les Sudistes, épaulés par la Résistance, ont su - contrairement à Sarajevo, au Kosovo, au Timor Oriental et à bien d’autres - redonner au mot libanisation ses lettres de créance. Désormais, “libaniser une libération” sera pour le monde entier synonyme d’humanité, de tolérance, de civilisation et d’exemple.
Messieurs les responsables, faites en sorte que nous restions à la hauteur du “message” que nous sommes. Assumez votre rôle sans arrière-pensées, sans lorgner sans cesse du côté de l’autre frontière par peur de vous faire taper sur les doigts. Faites face à vos responsabilités (une fois n’est pas coutume) et, surtout, ne gâchez pas la libération. 

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