Editorial



Par MELHEM KARAM 

LA TERRE EST LA CHOSE LA PLUS CHÈRE AU MONDE

La terre est la chose la plus chère au monde. Le sol de la patrie, sa terre et sa brise. La terre du Liban est revenue au Liban. Le Liban résistant au Sud, en tout lieu et partout.
Vingt deux années sont lourdes. Lourde est l’occupation, lourde, gênante et affectant les dignités. Propagation sur le sol, grabuge dans les airs et démonstration arrogante en mer.
Ouf! Nous en avons fini. Nul ne peut dire cela, parce qu’Israël s’est habitué à se manifester toujours. Taba est encore présent aux regards, ainsi que le Golan, la Cisjordanie, Chébaa et les fermes. Le louvoiement de l’occupant est celui de gens forts, capables, sûrs d’eux-mêmes et sachant ce qu’ils veulent. Ceux-ci ont continué à agir à leur guise jusqu’à leur retrait. Ils n’ont pas été forcés de se retirer; mais ils se sont retirés. En contre-partie de quoi au plan international? Nul n’accepte quoi que ce soit dans ce domaine, jusqu’à maintenant au moins.
Ce qu’on peut dire, c’est que le retrait a beaucoup coûté à Ehud Barak, autant que le processus de paix, la paix juste et globale, affranchie des pièges. La paix des braves ayant foi dans le droit et la souveraineté de ce droit. L’Alsace-Lorraine a connu des périodes de prospérité, surtout aux XIIème et XIIIème siècles. Mais elle a été enlevée maintes fois à la France et lui revenait toujours. En 1871, elle est devenue allemande pour redevenir française en 1918. En 1940, elle est redevenue allemande et placée sous l’occupation. Mais elle s’est libérée et est redevenue française en 44-45.

***

Le retrait du Liban était lourd pour Ehud Barak; du pays qu’ils ont considéré, en 1948, comme le premier Etat arabe à vouloir signer un traité de paix avec l’Etat hébreu. On lui a fait grief de n’avoir pas été fidèle à ceux qui ont combattu dans les rangs d’Israël; en plus de ce que les juifs durs lui ont reproché.
“Abou Dis” et les deux autres localités ne lui ont coûté qu’une démission, celle du ministre de l’Habitat, chef du parti national religieux, Yitzhak Lévy. Le gouvernement de Ehud Barak l’a échappé, de justesse, avec cinquante six voix contre quarante-huit, parce que le parti “Shass” très orthodoxe et de droite est entré dans le jeu, sur la base d’un compromis. Aussi, a-t-il réparti les risques: ses députés ont voté contre la prise d’Abou-Dis par les Palestiniens et ses ministres se sont absentés de la séance de la Knesset, après avoir entendu de la coterie du Premier ministre des paroles non plaisantes aux auditeurs.
Et ce, après que soient tombés cinq personnes et quatre cents blessés, le jour où a été commémorée la catastrophe du 15 mai 1948. La catastrophe et non le revers, comme on appelle ce qui s’est passé le 5 juin 1967; le revers que la résolution 242 a tenté d’occulter.
Les Palestiniens ne sont pas seuls responsables du jeu sanglant de 1948, ni de la guerre de 1948-49, la première des guerres arabo-israéliennes. En passant par les guerres de Suez, du 5 juin 1967 et du 6 octobre 1973, jusqu’à la guerre du Liban-Sud.
L’occupation du Liban-Sud en 1978 et jusqu’à l’occupation de Beyrouth. Oui, Beyrouth, en 1982. Ni les Palestiniens, ni les Arabes. Bien qu’on parlerait longuement du fait pour eux de n’avoir pas assumé la charge nationale en soutenant la cause centrale. Ils ne sont pas seuls responsables. Israël, de l’avis des penseurs de la ligne de Nahoum Goldman et Eilan Babi... supportent la grande responsabilité d’avoir ambitionné d’obtenir une patrie. Comme si les parties s’édifient sur les décombres d’autres patries. Ou comme si les nationalismes, même au temps de la globalisation, doivent se créer aux dépens de nationalismes en voie de perdition.
Et Harry Truman, président américain à l’époque, est responsable, parce qu’il s’est soucié de sa réélection davantage que de ceux qui terrorisaient les camps palestiniens. Le 15 mai 1948, l’armée israélienne a envahi la terre de Palestine et David Ben Gourrion proclamait, le 14 mai 1948, l’Etat hébreu à 4 heures de l’après-midi, prêtant serment sans ajournement, ni complaisance.
Les Britanniques, eux aussi, sont responsables du “festival du sang qui n’en finissait pas”... parce que leur mandat ne s’est achevé que le jour de la proclamation d’Israël en tant qu’Etat “au nom du droit naturel et historique”... Comme dans les propos du “vieux” - ainsi appelait-on Ben Gourion en 1948: le droit du peuple juif à un Etat juif en Palestine, conformément à la résolution de l’Assemblée générale des Nations-Unies. 
L’Etat d’Israël a été proclamé au musée de Tel-Aviv et David Ben Gourion est resté chef du gouvernement israélien de 1948 à 1962, sauf de 1953 à 1955. A cette date, a eu lieu sa première exclusion occasionnée par “l’affaire Lafont”. Le président du parti “Mapaï”, fils d’un des fondateurs des “Passionnés de Sion”, est revenu au Pouvoir pour ne le quitter qu’en 1963. Comme s’il n’avait pas voulu assumer la responsabilité de la guerre du 5 juin, laissant son successeur, Lévy Eshkol, supporter ce lourd fardeau.
De Lévy Eshkol à Menahem Begin et entre eux Golda Meir, l’histoire de l’antisémitisme était ouverte, comme si la vengeance juive du IIIème Reich était du ressort des innocents! Etant entendu que les juifs ne cessent, jusqu’aujourd’hui, de revendiquer les “dettes” que leur doit l’Allemagne. Les Allemands aisés ne payent pas et l’antisémitisme est devenu, à un moment donné, une honte. Il l’est jusqu’à ce jour. Ceux qui y sont acquis, voient avec anxiété ce qui s’est passé en Autriche après l’élection de Joerg Haider. 
L’antisémitisme, que signifie-t-il? Il signifie que le sémitisme est devenu quelque chose du peuple élu de Dieu. C’est-à-dire un nouveau racisme. Que laisserons-nous dans ce cas à la race aryenne?
En est-il ainsi au Liban? Nous ne voulons pas jouer le jeu de ceux qui ravivent l’histoire des événements qui nous ont affaiblis et ont tout coupé devant nous, sauf l’espoir. Ces paroles étaient les nôtres avant les événements. Nous pourrions les avoir proférées d’une manière improvisée, parce que nous ne connaissons pas l’histoire de la préparation en tant que peuple et non que particuliers. Car il en est parmi nous qui excellent dans la planification et l’exécution, tout en cachant les empreintes.
Cependant, en dépit de leur gravité, les événements ne doivent pas constituer une excuse pour justifier la négligence. La campagne de nettoyage qu’est-elle devenue? Le nettoyage appelé réforme politique après avoir été appelée réforme administrative; puis, la campagne d’épuration? Cette dernière s’est-elle arrêtée, parce que nous vivons dans l’Etat de la propreté? Ou bien parce que la propreté est un rêve gênant? Un rêve, parce qu’il ne se réalise pas et, gênant, parce qu’il est préférable de ne pas le voir?
Le sultan ne doit pas avoir peur. Il en est de même du Pouvoir chez nous: il est excessivement courageux, n’ayant peur de rien. C’est pourquoi, nous lui demandons d’en arriver à des finalités rassurantes. Ainsi, nous marchons sur la voie de l’Etat du droit et des institutions. Charles Debbas, premier président de la République libanaise, a accompli deux choses: la première peu populaire, a été le “règlement du 9 mai” qu’il a élaboré en accord, à l’époque, avec Henri Ponsot, second Haut commissaire civil après Henri de Jouvenel et avant Damien De Martel. La seconde qui était populaire, fut “l’épuration”. Et les deux se sont retournées contre lui.
Le sultan qui engage le processus de l’épuration peut dire que “l’impropreté” est le cachet permanent qui ne s’arrête pas. La politique fait face à l’épuration; les partis, aussi. De même que l’arme la plus forte au Liban: le confessionnalisme.
Le Liban est le pays des communautés qui sont intouchables. Si les féodalités sont touchées, ce n’est nullement dans le but d’éliminer le féodalisme, mais pour remplacer une féodalité par une autre... On dirait que la globalisation est la nouvelle féodalité internationale; autrement dit la volonté de l’argent.
Il en est ainsi du Liban. Et la terre sudiste qui était occupée, est revenue au Liban. Ah! si cela pouvait se produire sans féodalité!
Mais la réalité est plus forte que nous. Sauf si nous entamons - et je ne sais d’où vient mon optimisme? - le processus de la libération. De l’occupation et de la féodalité, celle des hommes et de l’argent, en faveur d’un peuple qui mérite le bien-être, pour lequel les croyants doivent déployer les efforts nécessaires en vue de l’instaurer. 

Photo Melhem Karam

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