EN ATTENDANT LE DÉPLOIEMENT DE L’ARMÉE
POURSUITE DE LA CAMPAGNE DE PACIFICATION AU LIBAN-SUD

La “fête de la libération” bat son plein et se poursuivra longtemps encore: une “séparation” de vingt-deux ans ne mérite-t-elle pas des manifestations de joie d’une telle ampleur? Que la Chambre des députés transpose le lieu de sa séance extraordinaire de la Place de l’Etoile à Bint Jbeil? Et que la commission ministérielle chargée d’élaborer un plan de réhabilitation des régions libérées tienne une réunion dans cette localité sudiste?

Naturellement, il faut déplorer l’incident qui s’est produit à Rmeiche, dont a été victime le regretté Georges Khalil el-Hajj “qui était un fervent partisan de la paix, fermement attaché au Liban et à sa famille”, pour reprendre les propres termes de Mgr Maroun Sader. Dans son oraison funèbre, l’éminent prélat a rappelé que les parents de la victime avaient été assassinés par l’ennemi israélien, au moment où ils vaquaient à leurs occupations sur leur champ de tabac. Cependant, Mgr Sader a assuré que “cet incident n’affectera nullement le climat de fraternité et d’unité que tous les habitants sudistes tiennent à sauvegarder à tout prix”. Il y a lieu de signaler, également, les quelques vols ou tentatives de cambriolages de maisons, dont les auteurs étaient des “éléments étrangers”, comme on l’a vu sur le petit écran. Ainsi que le rassemblement de Palestiniens près de la “porte de Fatima”, pour soi-disant “libérer la Palestine spoliée par l’ennemi sioniste”...
En tout cas, dès la fin du retrait de
“Tsahal”, l’attention a été entièrement braquée sur l’étape d’après la libération, l’action devant être axée sur deux points prioritaires: Primo, l’intégration des régions libérées à tous les niveaux, afin de les rattacher au pays dans tous ses secteurs. Secundo, la consolidation de la sécurité et de la stabilité dans la zone frontalière, de manière à garantir les droits du Liban dans sa terre et ses eaux. A cet effet, M. Terjé Roed-Larsen, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, est venu une fois de plus à Beyrouth, dans le cadre d’une nouvelle tournée proche-orientale qui l’a conduit à Tel-Aviv; puis, à Damas, pour revenir par la suite dans la capitale libanaise.
L’émissaire de M. Kofi Annan a précisé aux responsables libanais que sa mission consistait, principalement, à s’assurer du retrait israélien et, partant, à définir le rôle dont doit s’acquitter la FINUL dans la région frontalière, tout en aidant l’Etat libanais à étendre sa souveraineté à l’ensemble de son territoire jusqu’aux frontières internationalement reconnues. Ses interlocuteurs officiels ont fait part de leur intention d’exiger d’Israël des dédommagements pour le préjudice énorme causé par ses agressions contre le Liban depuis 1978. A la fin de ses entretiens à Beyrouth, M. Larsen a précisé que l’affaire de Chébaa résultait de l’absence d’un tracé international des frontières séparant le Liban de la Syrie, un tel document n’étant pas enregistré auprès des Nations Unies. Il a ajouté que cette question était d’ordre “technique” plutôt que “politique”, l’unique ligne indiquée sur la carte, étant celle fixée en 1978, sur la base de laquelle a été déployée la force - tampon internationale sur les hauteurs du Golan, avec l’approbation des gouvernements libanais et syrien, en accord avec le Conseil de Sécurité. M. Larsen a conféré longuement avec le président Nabih Berri, car le chef du Législatif a exhibé des documents irréfutables, confirmant la “libanité” des fermes de Chébaa, des modifications ayant été apportées à la carte après 1974. “L’application de la résolution 425 demeurera incomplète, a dit M. Berri, tant que les Israéliens n’auront pas évacué les hameaux de Chébaa”. Tout en réaffirmant la détermination du Liban à coopérer avec l’organisation internationale et en se faisant l’écho de l’appréciation, par les Sudistes, de son rôle dans le passé et à l’avenir. Le président de la Chambre a mis l’accent, d’autre part, sur la nécessité de procéder au déminage des zones évacuées par “Tsahal” et, aussi, de procéder à la remise en état des infrastructures des villages sudistes au plan de l’électricité, de l’eau, des routes, du téléphone et de l’environnement.
Au cours de sa tournée, jeudi dernier, dans les villages libérés, le président Salim Hoss a promis l’aide de l’Etat aux habitants de ces localités, alors que la commission ministérielle ad hoc siégeait au sérail de Nabatieh, sous la présidence de M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur. Elle devait tenir une autre réunion mardi et délibérer durant près de cinq heures sur les moyens à mettre en œuvre pour hâter la reconstruction du Liban-Sud. D’ailleurs, la visite effectuée par le président Emile Lahoud, le lendemain du retrait israélien, a eu pour conséquence de redonner confiance aux habitants et, aussi, de réactiver les organismes étatiques chargés de réhabiliter les services locaux en vue d’assurer l’eau, l’électricité dans un premier temps et, par la suite, le téléphone et les moyens de communication, afin de sortir le Sud de l’isolement dans lequel l’avait placé l’occupation ennemie. Fait à signaler: c’était la première visite d’un chef de l’Etat dans la partie méridionale du pays depuis l’avènement de l’indépendance.
Le président de la République a donné ses instructions pour mettre fin aux vols qui se sont produits les premiers jours, surtout à Kleyha et Marjeyoun. A cet effet, l’Armée a dressé des barrages où il était procédé à la vérification de l’identité des personnes se rendant aux villages libérés et à la fouille des camions chargés de mobilier ou tous autres objets qui auraient pu faire l’objet de vol. Il faut dire que les rencontres entre les hommes de religion chrétiens et mahométans ont contribué à calmer les esprits et à dissiper les craintes, en attendant le déploiement de l’Armée, après que la FINUL se sera assurée du retrait israélien de la zone frontalière. Les experts des Nations Unies, notamment les cartographes ont procédé, de leur côté, à un constat sur le terrain du tracé de la frontière, en coopération avec des spécialistes libanais. Et ce, après que le président de la République eut refusé la logique de ce qu’on appelle “les frontières pratiques” (ou du fait accompli). Le chef de l’Etat a, également, insisté sur la nécessité de libérer les fermes de Chébaa faute de quoi, le retrait israélien serait considéré comme incomplet. Le président Lahoud a réclamé la libération des Libanais détenus dans les geôles israéliennes, en tête desquels cheikh Abdel-Karim Obeid et Hajj Moustapha Dirani ainsi que la remise des dépouilles de neuf résistants tombés lors d’affrontements avec l’armée israélienne au Liban-Sud. Cela dit, il nous faut revenir à la séance que la Chambre des députés a tenue mercredi à l’école secondaire de jeunes filles à Nabatieh, en présence de MM. Mohamed Baalbaki et Melhem Karam, présidents des Ordres de la Presse et des journalistes, l’ordre du jour ayant comporté un point, sans plus: l’examen du plan gouvernemental pour la reconstruction des régions libérées. Le Liban, apprenons-nous, s’attend à recevoir une aide arabe, celle-ci étant venue, tout d’abord de l’Emir de Qatar, cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani qui a fait don de sept millions de dollars. L’Etat des émirats arabes unis lui emboîtera le pas. En effet, au terme d’une tournée au Sud, cheikh Mohamed Ben Rached Al-Maktoum, ministre émirati de la Défense, a appelé les Etats frères à venir en aide au Liban dans les circonstances présentes. Il y a lieu de signaler que la Banque islamique pour le développement prévoit une assistance financière substantielle dont a été notifié le chef du gouvernement. En ce qui concerne le déploiement des Casques Bleus dans la région frontalière, il fait l’objet de consultations entre les Nations Unies et les responsables libanais. A cet effet, M. Kofi Annan a contacté, téléphoniquement, le président Lahoud, à propos du nouveau rapport qui devra être présenté à la fin de cette semaine au Conseil de Sécurité, sur la base des renseignements qui lui auront été communiqués par M. Larsen.
Il va sans dire que les citoyens attendent, non sans impatience, le déploiement de l’Armée, bien que les FSI aient dressé un barrage fixe à Nakoura, pour interdire le déplacement vers la zone frontalière de toute personne, hormis les habitants des villages sudistes, afin de prévenir tout débordement.
Pendant ce temps, le président Hoss et Mme Randa Berri sont revenus au Sud, à l’effet de rassurer les habitants, en promettant le renforcement des forces légales dans un délai relativement court. D’ailleurs, au cours du meeting monstre de Nabatieh, cheikh Hassan Nasrallah, secrétaire général du “Hezbollah”, a dissipé les appréhensions, en affirmant que son parti “n’avait nullement l’intention de se substituer à l’Etat au plan de la sécurité” et se souciait, au contraire, “de préserver, en la consolidant, l’unité nationale”.

NADIM EL-HACHEM

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