tribune
DEUX LEÇONS ET UNE TROISIÈME
Au moment où ces lignes sont écrites, le Liban-Sud est encore en pleine euphorie. Il célèbre sa libération et le Liban, tout entier représenté par des délégations venues de tous les coins du pays et de toutes les communautés, se presse dans tous les villages libérés pour manifester sa joie, sa solidarité et son unité. C’est comme une surenchère aux bons sentiments.
Le gouvernement libanais n’est pas en reste et témoigne de sa volonté d’apporter aux populations éprouvées par plus de vingt ans de malheurs et de ruines, les services essentiels pour la reconstruction et la restauration des conditions de sécurité et de vie normale. De leur côté, les organisations de résistance et singulièrement le Hezbollah, tiennent des discours rassurants: leur victoire est celle du Liban et le cheikh Nasrallah proclame que son parti n’entend pas exploiter la situation pour se substituer à l’Etat libanais.
Ainsi, tout est bien et, en ces jours historiques, les Libanais ont fait la preuve de leur maturité et de leur capacité à maîtriser leurs problèmes, infligeant un démenti retentissant aux prophètes de malheur. C’est une leçon pour nous-mêmes et pour tous ceux qui nous observent à travers le monde.
Il n’y a plus qu’à prier pour que la raison continue de triompher malgré les énormes problèmes qu’il reste à résoudre pour effacer les séquelles de vingt-deux ans d’occupation, avec les risques de frictions et de dérapages dans un pays où l’esprit de vendetta et l’outrance verbale réveillent facilement les passions.

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Israël ne se tire pas à son honneur de son aventure libanaise.
Mais saura-t-il tirer la leçon de son échec aussi bien militaire que politique pour apprendre, enfin, à vivre en paix avec ses voisins?
Trouvera-t-il jamais cette capacité de compréhension sur le plan humain sans laquelle il ne pourra pas espérer bâtir les véritables conditions de sa propre sécurité qui demeure sa hantise? Est-il capable de reconnaître que la sécurité et la paix ne peuvent pas être fondées uniquement, ni principalement sur la puissance militaire et les menaces de représailles?
Pendant vingt-deux ans, il n’a pas cessé d’exercer ces représailles sur les populations libanaises semant la ruine et les deuils, provoquant l’exode de familles entières, vidant les villages et les champs... pour aboutir à quoi? A ramasser, finalement, ses cliques et ses claques et se retirer à la faveur de la nuit derrière une frontière de barbelés électrifiés.
L’échec de ses armes se double d’un échec sur le plan moral. Cet Etat qui veut passer aux yeux du monde pour un modèle de démocratie respectueux des droits humains, a dévié vers une forme d’impérialisme militaire et du terrorisme d’Etat. Rien n’en témoigne mieux que cette prison de Khyam qu’il a laissée derrière lui en se retirant.
Dans ses relations avec les Arabes, Israël n’a su jusqu’ici que cultiver la méfiance et la haine. Rien n’est plus significatif, à cet égard, que les manifestations de bonheur des populations du Liban-Sud heureuses de se retrouver enfin débarrassées de la présence de l’armée israélienne.
Si Israël n’est pas en mesure de tirer la leçon de cette expérience tragique, l’avenir demeurera sombre. Ses difficultés à s’entendre avec les Palestiniens sur la Cisjordanie, sur Jérusalem, sur le droit au retour, en sont les prémices.

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On mesure déjà à quel point M. Yasser Arafat redoute l’exemple libanais. Découragé par des négociations qui n’aboutissent jamais qu’à des engagements qu’il faut indéfiniment renégocier, le chef de l’Autorité palestinienne a peur d’une réaction populaire violente qui ne se limiterait plus cette fois-ci à des lance-pierres, mais s’organiserait en guerilla sur le modèle libanais. C’est bien ce qui explique l’étrange déclaration qu’il a faite à la fin de la semaine dernière: prenant le contre-pied des félicitations qui affluent au Liban de tous les pays arabes, il a tout simplement dénié à la Résistance libanaise le moindre mérite dans la libération du Liban-Sud. Il a repris à son compte, mot pour mot, la thèse de M. Barak selon laquelle l’armée israélienne ne s’est retirée que parce que lui-même en avait décidé ainsi il y a plus d’un an.
Mais pourquoi justement avait-il pris cette décision?... Il y a un an ou il y a deux semaines, quelle importance?...
Vaine polémique. Quand donc les divers protagonistes de ce très vieux conflit de Palestine se résoudront-ils à reconnaître les faits pour ce qu’ils sont et à en tirer les conséquences, sans se payer de mots? n
 

Les Faits du Jour de “L’Orient”
1957: Le tournant
par René Aggiouri
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