Se
plaçant dans un camp opposé à celui du président
Omar Karamé, M. Misbah Ahdab, député de Tripoli, annonce
une bataille électorale féroce dans la capitale nordiste,
étant donné les forces politiques en présence.
Lui-même se considère comme “l’allié stratégique de Rafic Hariri” et juge possible la coopération avec M. Sleiman Frangié. En ce qui concerne le problème gouvernemental, il se prononce en faveur d’un Cabinet politique, prenant en considération l’intérêt public et insiste sur la nécessité de séparer les pouvoirs pour pouvoir édifier l’Etat des institutions. |
De l’avenir des relations libano-syriennes, M. Ahdab pense qu’elles
se poursuivront sur la base de l’accord de coordination, de coopération
et d’amitié, car les intérêts des deux pays sont communs.
Aussi, les relations entre eux se perpétueront-elles au double plan
politique et stratégique.
Au plan régional, le Dr Bachar Assad marchera sur la trace de
son père, sans dévier des constantes connues de tous.
On dit que la réforme administrative serait relancée
après les législatives...
Il importe de la relancer après les élections générales,
partant de la nécessité d’extirper la corruption et d’assainir
l’administration publique, sans laquelle l’Etat de la loi et des institutions
ne peut être édifié. On ne peut aussi mettre fin à
la routine, sans cela.
A mon avis, on ne peut dissocier l’économie de l’administration,
cette dernière pouvant si elle est épurée et revigorée,
réactiver les secteurs productifs dans tous les domaines. Il nous
faut progresser au rythme de la modernité, d’autres pays de la région,
l’Egypte et Dubaï, notamment, nous ayant devancés sur ce terrain.
Qu’en est-il des alliances électorales à Tripoli?
Comme j’ai annoncé plus d’une fois mon alliance politique avec
le président Rafic Hariri, il est naturel que je m’allie avec le
coordonnateur de son courant dans la capitale nordiste, M. Samir Jisr.
Je coordonne mon action et mes contacts avec d’autres candidats en accord
avec MM. Jisr et Ahmed Karamé.
Envisagez-vous de vous allier à MM. Maurice Fadel, Mohamed
Kabbara et Sleiman Frangié?
Avec mes deux amis, nous apprécions beaucoup MM. Fadel et Kabbara.
Quant à M. Frangié il n’a pas encore pris de décision
définitive par rapport à ses options tripolitaines et rien
ne nous empêche de coopérer.
Tel n’est pas le cas avec le président Omar Karamé, nos
positions étant diamétralement opposées. C’est pourquoi,
il faut s’attendre à une bataille électorale féroce
à Tripoli, étant donné les forces en présence
qui sont presque égales.
Si je m’entends bien avec le courant haririen, rien ne me rapproche
des milieux traditionnels sunnites à Tripoli, ni de la “Jamaa islamiya”.
Comment qualifiez-vous la nature de vos rapports avec M. Sleiman
Frangié?
J’entretiens avec lui d’excellents rapports. Quant au président
Karamé, notre vision quant aux problèmes qui se posent et
à la manière de les résoudre, diffère totalement
l’un de l’autre. De toute façon, M. Karamé est en désaccord
avec M. Frangié dont le programme politique se rapproche du nôtre.
Vous formulez bien des griefs à l’égard du “Cabinet
des 16”. Pourquoi?
Parce qu’à mon avis, ce gouvernement se signale par son incapacité
de faire face à la crise socio-économique à laquelle
le pays est confronté. Puis, il ne traduit pas les aspirations des
citoyens et ne conforme pas son action aux principes définis par
le président de la République dans son discours d’investiture.
Il faut mettre sur pied un Cabinet homogène, formé d’hommes
politiques pour pouvoir être productif. On a fait appel à
de prétendus technocrates qui ne le sont pas, alors que le pays
ne manque pas d’éléments probes et compétents capables
d’assumer les responsabilités.
On prédit une amélioration de la situation économico-financière
après le retrait israélien...
Je suis optimiste de nature. Cependant, pour améliorer la situation,
nous devons d’abord changer de mentalité, adopter une politique
prenant en considération l’intérêt général,
envisager, positivement, la réforme administrative, la lutte contre
la corruption et l’arrêt effectif des abus. Les investisseurs et
même les jeunes ont peur de la situation. Aussi, devons-nous œuvrer
en vue de rassurer le potentiel jeune qui est la base du développement
du pays. Il faut, aussi, immuniser le corps judiciaire, afin qu’il soit
indépendant.
On prévoit qu’à la prochaine législature, un
grand bloc parlementaire serait loyaliste.
Le président Lahoud a un rôle d’arbitre et de dirigeant.
L’Assemblée nationale et le gouvernement ont leurs rôles respectifs.
Le principe de la séparation des pouvoirs est indispensable et important,
puisqu’il entraîne l’édification de l’Etat de la loi et des
institutions. Si chaque pouvoir assumait séparément son rôle
d’une façon efficace dans le cadre de la coopération mutuelle,
tel que dicté par la Constitution, tout irait pour le mieux et nous
aurions un Etat démocratique, moderne et évolué.
La prochaine Assemblée connaîtra-t-elle beaucoup de
nouveaux visages?
Cette question relève de la formation des listes et dépend
des électeurs. Tripoli est la deuxième capitale du Liban;
ses fils lui ont donné sa véritable dimension et l’ont rendue
influente dans la vie politique. Il ne faudra pas ramener la situation
dans cette ville à ce qu’elle était avant 1972, c’est-à-dire
à la prédominance d’une catégorie déterminée.
Le monde évolue et nous assistons à une pluralité
politique à Tripoli. L’occasion se présente donc aux jeunes
et aux éléments cultivés et compétents. Il
faut qu’il y ait une pluralité dans la représentation. La
concurrence politique nécessite une amélioration des services
et une activation du rôle du secteur privé...
Comment voyez-vous l’avenir du processus de paix?
Il est évident que le Dr Bachar Assad suivra les traces de feu
son père, le président Hafez Assad qui insistait pour une
paix juste et globale et pour le retrait israélien jusqu’aux frontières
du 4 juin 1967 sur base des principes de Madrid.
Le commandement en Syrie et le régime au Liban souhaitent la
paix, mais Israël œuvre en vue d’en entraver le processus, afin de
réaliser ses visées au Proche-Orient. La reprise des pourparlers
est conditionnée par le retour aux frontières du 4 juin.
Notre choix est clair: la concomitance des volets libanais et syrien. Nous
devons dépasser les considérations confessionnelles et tribales,
afin d’édifier un Etat moderne, favoriser l’accession des éléments
jeunes et compétents aux administrations publiques, freiner l’exode
et le chômage. Il faut réaliser le développement équilibré,
le Liban-Nord étant une région défavorisée.