SERGUEI PARADJANOV...
CE MAGICIEN A ENSORCELÉ LA BANALITÉ DE SON
ENVIRONNEMENT POUR LUI OFFRIR LA FLAMBOYANCE DE SON GÉNIE

Une importante exposition a lieu actuellement au Musée Sursock de Beyrouth, à l’initiative des ambassades d’Arménie et de France au Liban, le Mutawalli, le comité du Musée Sursock, avec le soutien de la Société Générale Libano-Européenne de banque, consacrée aux dessins, collages et assemblages de l’artiste arménien disparu, Sergueï Paradjanov.


“La Joconde qui pleure”.

Le vernissage a groupé tout ce que Beyrouth compte de personnalités politiques, culturelles et religieuses, parmi lesquelles les ambassadeurs de France et d’Arménie au Liban MM. Lecourtier et Navassartian, Fouquet, Voisin, Sarkissian, directeur du Musée Paradjanov à Erevan, l’évêque des Arméniens orthodoxes du Liban, Mgr Khatchérian...
Par ailleurs, en parallèle à cette manifestation, le CCF a présenté au public l’un des films-cultes du cinéma contemporain international, signé par le cinéaste-plasticien : “Les chevaux de feu”, un film en noir et blanc, une pure poésie épique.
Rappelons ici que, durant tout le temps de cette manifestation, les visiteurs pourront visionner durant la journée et l’après-midi, les différentes réalisations du célèbre cinéaste.
 

MM. Lecourtier, Baalbaki, 
Navassartian et Sarkissian.

On contemple ces extraordinaires chapeaux.

Les cinquante quatre pièces exposées au Musée proviennent du Musée Paradjanov d’Erevan.
Nous avons pu lire sous la plume de l’ambassadeur de France au Liban au sujet de l’œuvre de ce grand artiste: “Une manifestation consacrée aux activités plastiques de ce grand maître ne pouvait mieux trouver sa place qu’à Beyrouth, dans une période où la vie culturelle renaissante renoue avec les traditions artistiques du Liban, pont culturel séculaire entre l’Orient et l’Occident... La France qui offrit à l’artiste dans les moments les plus éprouvants de la vie torturée de ce créateur, son aide et l’engagement de ses intellectuels comme Paul Eluard, Elsa Triolet et bien d’autres, devait s’associer à cette initiative... Cette coproduction s’inscrit dans la continuité d’un respect et d’une admiration partagés, sur une terre amie et proche qui a su intégrer, à sa façon, les deux cultures.”
Toujours au sujet de cette exposition, M. Armand Navassartian ambassadeur d’Arménie, au Liban écrit : “Paradjanov, un grand nom qui marqua l’Art aussi bien en Arménie que dans le monde entier et mérite le titre de Maestro, vu l’importance de ses réalisations cinématographiques et plastiques...
C’était un Arménien extrêmement lié à sa patrie pour laquelle il vouait un culte particulier. Ceci lui a inspiré la réalisation de l’un de ses chefs-d’œuvre, le film “Couleur Grenade-Sayat Nova” qui appartient au patrimoine de la Culture Universelle.
Son langage artistique et ses idées paradoxales novatrices ont influencé et continuent à influencer non seulement la cinématographie contemporaine, mais aussi bien toutes les formes de l’art...
Maestro Paradjanov n’est pas mort ! Si l’homme a trouvé le repos, son esprit et son art ont retrouvé l’Eternité, donc l’immortalité.”
Est-il besoin de présenter Sergueï Paradjanov, ce touche à tout de génie?
Est-il besoin de parler de ses œuvres cinématographiques applaudies dans le monde entier; est-il vraiment besoin de présenter des chefs-d’œuvre cinématographiques comme “Les chevaux de feu”, “Couleur grenade-Sayat-Nova”, “La légende de la forteresse de Souram”, “Arabesques sur le thème de Pirosmanie”, “Achik Kérib”...?
Autant de films où l’on décelait son lyrisme flamboyant, son approche originale des sujets, sa magie, son sens du merveilleux, son non- conformisme, son esprit libre, parfois provocateur qui lui avait valu d’ailleurs d’être condamné à des années de réclusion, durant le régime soviétique...
 

Maestro Paradjanov..

“Autoportrait de style gothique”.

Un cinéaste qui compte parmi les figures majeures de la création contemporaine.
Peut-on vraiment en quelques colonnes cerner l’immense personnalité de ce créateur, parler de son œuvre graphique, de ses réalisations dont l’originalité résidait, surtout, dans l’esprit jubilatoire de la création et l’humour?
Au Musée Sursock, le visiteur pourra apprécier l’organisation des tableaux de Paradjanov, l’utilisation d’objets disparates comme ces coupures de papiers- journaux, tissus, plumes, photos, coquillages, feuilles d’étain. Rappels du monde réel, rappels d’autant plus nécessaires, que l’emploi de ces éléments favorisait les recherches d’organisation par plans colorés, par “images” cumulées de l’artiste, accentuant en un sens le divorce entre peinture et réalité virtuelle. Assemblages qui mettaient à nu, les plaies béantes ou mal cicatrisées d’une civilisation.
Faisant preuve d’un véritable génie dans la manière, Paradjanov employait, alors qu’il était incarcéré dans une prison, accusé d’homosexualité, d’incitation au suicide et pour trafic d’objets d’art, des objets de récupération qu’il découpait, pour leur donner, en détournant l’ordre de la syntaxe, un contenu ambigu, provoquant des non-sens d’une force et d’une saveur étonnantes.
Il faut voir de près ces photos tirées de ses films, ces dessins, ces tableaux-assemblages, établis avec patience, ces étonnants chapeaux, ces objets-témoins utilisés avec un raffinement rare, associant le processus de la destruction et de la création à une dialectique spatio-dynamique.
Il faut regarder de plus près encore cet “Autoportrait à Istanbul”, ces esquisses pour la pièce de “Hamlet”, ses projets de costumes pour “Sayat-Nova”, cette composition magnifique intitulée: “Golgotha”, “L’anniversaire d’Andersen”, “La lettre de Fellini”...
Il faut voir et revoir ces œuvres baroques, surréelles, issues de la réalité quotidienne d’un homme mal compris du régime soviétique qui avait cherché en vain à l’isoler.
Mais son génie avait dépassé les frontières...
Paradjanov le provocateur, l’indomptable, le magicien, à travers ses compositions, avait ensorcelé la banalité de son environnement pour la sacraliser, en lui offrant la flamboyance de son génie.

Par SONIA NIGOLIAN

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