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David en faveur de la paix. |
Les jours qui ont précédé le sommet, furent chargés
de tension pour le Premier ministre israélien. De fait, Ehud Barak
a été lâché par le “Shass”, puissant parti ultraorthodoxe
qui a 17 députés et 4 ministres; puis, par deux autres partis
de droite: le russophone “Israël Be’ Aliya” qui a 4 députés
et un ministre et le parti national religieux (PNR), porte-parole des colons
qui a 5 députés et un ministre. La coalition gouvernementale
passait, dès lors, de 68 à 42 députés et le
Cabinet était réduit de six ministres.
Barak a dû franchir un second écueil encore plus dangereux:
une motion de censure déposée par les partis de droite, visant
à faire tomber le gouvernement pour empêcher le Premier ministre
de se rendre à Washington et “de conclure des accords qui seraient
dangereux pour Israël et risquent de diviser le pays”, disent ses
détracteurs.
Mais la motion de censure n’a pas obtenu la majorité des deux-tiers
requise et Barak a été sauvé, de justesse. A la tribune
de la Knesset, il a affirmé: “Je ne vais pas seul à Washington.
A mes côtés seront les deux millions de personnes qui m’ont
désigné à la tête de ce pays, le peuple élargi
d’Israël, les citoyens qui veulent la paix et donner une chance au
changement, à l’espoir, à un Israël moderne construit
sur la sécurité”.
Dans une intervention télévisée, il avait tenu
face à la nation ce même langage, se sachant appuyé
par 52% des Israéliens, selon les derniers sondages. Et à
la foule, venue l’encourager au moment du départ, il a promis “de
défendre les intérêts de l’Etat hébreu”.
Cette assurance dont il fait preuve, est liée au fait que, depuis
1996, le Premier ministre est élu au suffrage universel direct,
ce qui laisse au vainqueur du scrutin, les coudées franches en l’affranchissant
de la pression des petits partis. Les observateurs politiques disent, aussi,
que Barak est toujours “chef de commando” dans l’âme et c’est sans
consulter la Knesset qu’il avait ordonné à son armée
de quitter le Liban en mai dernier.
UNE OPTION: ALLER DE L’AVANT
Le chef de l’Autorité palestinienne, Yasser Arafat a, lui aussi,
une marge de manœuvre limitée. S’il n’a pas de souci à se
faire du côté de sa majorité parlementaire il doit,
par contre, tenir compte de la pression de sa base qui accepte de moins
en moins de concessions. En date du 3 juillet, le Conseil central de l’OLP
a pris l’engagement de proclamer le 13 septembre, un Etat palestinien avec
ou sans l’accord d’Israël et, depuis quelques temps, on assiste à
un net durcissement du discours politique. Le mouvement intégriste
“Hamas” se montre intransigeant, demandant à Arafat de se retirer
des négociations et prône la lutte armée.
Chef d’orchestre de ce sommet de huit jours qui s’est ouvert mardi
11 juillet à Camp David, le président Clinton se dit, pour
sa part, confiant et optimiste dans les chances de succès de ces
assises. “Barak et Arafat, dit-il, ont tous deux la vision, l’intelligence,
la capacité et je crois les tripes pour faire ce qu’il faut afin
de parvenir à un accord”.
Dans une autre déclaration, il dresse l’état des lieux
disant: “Ils ont franchi le point de non-retour et n’ont plus qu’une seule
option: aller de l’avant. Les deux parties doivent résoudre leur
problème pour offrir la paix à leurs enfants. Cela demandera
de la patience, de la créativité et du courage”.
Clinton qui achève son mandat en novembre, est déterminé
à aboutir à un accord avant son départ de la Maison-Blanche.
Il a mobilisé tous ses adjoints, notamment l’infatigable secrétaire
d’Etat Madeleine Albright.
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leur appui à Abou Ammar. |
RÔLE DU RAÏS
Dans le cadre des préparatifs de ce sommet, l’Egypte a montré,
une fois de plus, qu’elle avait un rôle majeur à jouer dans
le cadre du processus de paix. Avant de se rendre à Washington,
Arafat tout comme Barak, ont rendu visite au président Hosni Moubarak
au Caire. Le Premier ministre israélien a affirmé au président
égyptien sa volonté d’aboutir à un accord avec les
Palestiniens. “Je ferais tout mon possible pour y parvenir”, aurait-il
dit, selon les déclarations de M. Oussama el-Baz, conseiller politique
du président égyptien. Interrogé sur le rôle
de l’Egypte face aux deux parties, El-Baz assure: “Nous essayons d’aider
les parties sans imposer notre point de vue, n’étant pas négociateurs.
A ces derniers de présenter des idées”.
La France est appelée à jouer un rôle dans cette
phase délicate et décisive des négociations, d’autant
plus que depuis le premier juillet elle préside, pour six mois,
l’UE. Arafat, puis, Barak ont eu des entretiens, il y a peu de temps avec
le président Chirac à Paris. Barak a de même rencontré
à Londres le Premier ministre Tony Blair.
COMMENT DÉPASSER LES “LIGNES ROUGES”?
Camp David ne sera pas un sommet facile et les deux parties devront
faire preuve de “courage et de créativité” pour aboutir à
un accord, tel que l’a dit Bill Clinton. Ils sont appelés à
s’accorder des concessions et des compromis difficiles, étant donné
le fossé qui sépare toujours Israéliens et Palestiniens.
En se rendant à Camp David, les deux parties campaient encore
sur des positions diamétralement opposées concernant cinq
points épineux qualifiés de “lignes rouges”:
1 - L’entité palestinienne: Israël a, implicitement, accepté
la création d’un Etat palestinien à Gaza et en Cisjordanie,
mais réclame sa “démilitarisation”, un contrôle de
son espace aérien et de la Vallée du Jourdain. Les Palestiniens
veulent créer un véritable Etat palestinien souverain, sans
aucune restriction.
2 - Les frontières: Israël exclut un retour aux frontières
de juin 1967 qu’exigent les Palestiniens et veut annexer les zones de Cisjordanie
où ont été construites les principales colonies juives
de peuplement.
3 - Le sort des colonies juives: Les Palestiniens exigent que les colonies,
au nombre d’environ 150, soient démantelées ou placées
sous la souveraineté du futur Etat palestinien. Israël, pour
sa part, veut annexer les grands blocs de colonies où vivent près
de 80% des quelque 200.000 colons implantés en Cisjordanie. Les
colonies isolées seraient évacuées.
4 - Le sort des réfugiés de 1948: Les Palestiniens veulent
que l’Etat hébreu admette la responsabilité de ce problème
et reconnaisse le droit de retour aux 3 millions et demi de réfugiés
établis dans les territoires occupés, en Jordanie, en Syrie
et un demi million au Liban.
Israël est opposé à un retour en masse des réfugiés
“qui transformerait l’Etat juif en Etat binational”. Il propose leur indemnisation
par la communauté internationale et admet le retour en Israël
de quelques milliers dans le cadre du “regroupement des familles”.
5 - Reste le nœud gordien de ces négociations: le statut de
Jérusalem. Israël qui a annexé la partie orientale de
la ville en 1967 et y a installé plus de 180.000 de ses ressortissants,
refuse de façon catégorique que la Ville Sainte soit coupée
à nouveau en deux et clame haut et fort que “Jérusalem restera
à jamais unifiée sous sa souveraineté et capitale
éternelle de l’Etat hébreu”.
Les Palestiniens exigent, en revanche, que Jérusalem-Est devienne
la capitale de leur futur Etat.
Il est fort probable que cette question ne soit pas tranchée
à Camp David pour être renvoyée à une date ultérieure.
Car, tel que le souhaite le parrain américain, le sommet de
Camp David ne peut pas et ne doit pas échouer.
Camp David, ce lieu chargé d’histoire, exercera-t-il une influence
positive sur ce sommet dit de la “dernière chance”?
En réunissant Ehud Barak et Yasser Arafat en cette résidence secondaire officielle d’été des présidents américains depuis 1942, le président Bill Clinton a voulu, sans doute, recréer le climat chaleureux ayant permis la signature du premier accord de paix entre Arabes et Israéliens, il y a 21 ans. En septembre 1978, un sommet tripartite de onze jours avait réuni à Camp David les présidents américain Jimmy Carter; égyptien, Anouar el-Sadate et le Premier ministre israélien, Menahem Begin. Ce sommet avait débouché, six mois plus tard, sur un traité de paix. Vaste propriété s’étendant sur près de 50 hectares de forêts dans le Maryland, Camp David est à une demi-heure d’hélicoptère de la Maison-Blanche. Elle abrite une vingtaine de châlets rustiques et le cadre dégage “une atmosphère à la fois d’isolement, d’intimité et favorise l’apaisement des tensions”, disait Jimmy Carter. C’est ce que recherche M. Clinton pour l’actuel sommet. Même les journalistes seront tenus à l’écart à quelques kilomètres des lieux. |