LA POSITION ISRAÉLIENNE
ARBITRAIRE:
ENTRE L’ARROGANCE ET L’IMPUISSANCE
Les
paroles saisonnières, celles des élections, sont les mêmes.
Comme si les temps n’avaient pas changé. Ou comme si le Liban, le
Liban des élections, refuse de changer. Des histoires de la Chambre
des vingt-cinq, au sénat dissous une année après sa
constitution les sénateurs devenant députés, aux élections
de 1937 d’Emile Eddé et de Kheireddine el-Ahdab... à l’histoire
des vingt-cinq mille livres libanaises dont Paris payait le double pour
couvrir les dépenses électorales au Liban. Ce montant est
resté à la disposition de Kheireddine, parce que les frais
électoraux n’ont nécessité la dépense que de
la moitié de la contribution française. Le Haut Commissaire
Damien de Martel a envoyé au chef du gouvernement un reçu
pour le montant mentionné, en demandant qu’on le lui remette...
Kheireddine lui a retourné la somme de douze mille cinq cents livres
en disant à l’émissaire: Saluez Son Excellence; puis, remettez-lui
la somme en lui disant que nous ne demandons pas un reçu.
Les paroles saisonnières des élections
n’ont pas beaucoup changé. Tous les gouvernants élaboraient
la loi électorale à leur mesure... A la mesure de leurs souhaits...
et des souhaits des candidats ayant accès au train de la chance
qui les conduisait à la place de l’Etoile en tant que députés
du peuple, habilités à légiférer et à
contrôler l’exécutif. En dépit de cela, le sultan se
déclarait neutre... et à égale distance des protagonistes...
et les bienheureux ont à le croire...
La “commission des validations” ratifiait le
mandat de la Chambre, parce qu’elle ne pouvait pas se prononcer contre
les siens. Aujourd’hui, la validation relève du Conseil constitutionnel.
Mais le jeu a évolué, de manière que ce qui est proclamé
ne laisse pas de traces, à l’instar de la torture infligée
aux détenus dans nos prisons.
Il en était ainsi dans les pays du tiers
monde. Nous le disons toujours, le premier monde, par exemple, étant
exempté de ce genre de mascarades... Jusqu’à ce que “Le Monde”
eut écrit que la fraude aux élections a permis à la
droite française de maintenir sa mainmise sur Paris. Cela est-il
une consolation pour nous? C’est vraiment malheureux, même si la
consolation nous vient de Paris. Le mandat du président de la République
française, en attendant le résultat du référendum
sur le quinquennat, est devenu de cinq ans. Mais cela changera-t-il quelque
chose? De la situation française divisée presqu’à
égalité entre la droite et la gauche, le gouvernant pourrait-il
avoir un rôle en cela? La personne du président, sa “stature”,
sa prestance, son incarnation du pays qu’il gouverne, comme Gandhi incarnait
l’Inde. Abdel-Nasser représentait l’Egypte. Et Hafez Assad, la Syrie.
A tel point que l’ancien ambassadeur américain à Damas a
dit: Le sommet de Genève entre Assad et Clinton devait réussir,
car un accord approuvé par Assad signifiait beaucoup de choses à
son successeur.
L’exemple de Paris ne doit pas nous consoler.
Au contraire, il doit nous indisposer, parce que la France de la Révolution
a perdu quelque chose de sa Démocratie, deux siècles et vingt-et-une
années après la Révolution. Nous avons écouté
les paroles du président Emile Lahoud; nous l’avons cru, en raison
de notre confiance en la personne du chef de l’Etat. Mais l’important est
que les résultats des élections le croient.
Cependant, les résultats des élections
ne sont pas toujours un alibi de la conduite de l’Etat. Ceci reste, naturellement,
tributaire de la relativité de la représentation. Nous écrivons
cela en nous tournant vers Israël pour dire combien Ehud Barak a failli
à ses engagements depuis son élection. Le 17 mai 1999, Ehud
Barak a été élu chef du gouvernement avec une majorité
de 56% des voix et davantage. Ce jour-là, Benjamin Netanyahu a démissionné
du Likoud, au début; puis, de la Knesset. Les Palestiniens ont salué
le successeur de Rabin, les Américains et les Européens ayant
vu dans son accession au pouvoir, une occasion de revenir aux négociations
gelées depuis 96.
Mais, le jour même, a émergé
une vue disloquée de la Knesset. Le nombre des députés
des deux grands partis a baissé: 26 pour le parti travailliste,
moins de huit sur l’effectif de l’ancienne législature; 19 pour
le Likoud, soit 13 en moins; 17 députés pour le “Shass”,
soit 10 en plus. Pourtant, Ari Derhi, leader du parti, était en
jugement, pour avoir demandé à Netanyahu de nommer un jeune
avocat à un haut poste judiciaire en janvier 1997, à l’effet
de suspendre les poursuites engagées contre lui sous l’inculpation
d’avoir touché un pot-de-vin d’un montant de 150.000 dollars.
Ce jour-là, le rabbin Ovadia Yossef a
réagi violemment en prenant le parti du rabbin Derhi. La voix du
vieux rabbin s’est élevée le jour où Ehud Barak refusa
de nommer Derhi ministre représentant le parti “Shass” qui a eu
pour leader une autre personne. Elie Ichay qui est parvenu, au cours de
la dernière crise, à éloigner “Meretz”, le parti laïc,
du pouvoir. Et Ovadia Yossef, le guide spirituel de “Shass”, a dit que
Ari Derhi a pu évincer Shalomet Aloni... Et Ichay a éloigné
“Meretz” tout entier. Ces paroles sur “Shass” ont été dites
avant la démission de ses quatre ministres du “Shass”. Les autres
partis, les petits partis, ont un nombre restreint de députés...
Mais ce nombre a augmenté dans l’actuelle Knesset élue le
17 mai 99, le jour de l’élection de Ehud Barak.
5 Juillet 1999. Barak a présenté
à la Knesset un Cabinet de coalition avec une majorité de
75 voix. Il s’est engagé à appliquer les accords conclus
avec les Palestiniens et à organiser un référendum
à leur sujet. De plus, il a promis de reprendre les négociations
avec la Syrie et de se retirer du Liban-Sud.
Que s’est-il passé? Israël n’a
rien appliqué de ses accords avec les Palestiniens. Pourtant, Ehud
Barak a dit à Yasser Arafat le 11 juillet 99 à Eretz et il
le rencontrait pour la première fois en sa qualité de chef
de l’Autorité palestinienne, qu’il appliquera les accords de Wye
Plantation signés en 1998.
La reprise des négociations avec la Syrie
est restée l’une des bonnes histoires, bien que le président
américain ait annoncé le 8 décembre la relance des
négociations entre la Syrie et Israël qui s’étaient
arrêtées en 1996. Le 9 décembre, Barak promet de se
retirer du Liban-Sud. Les 15-16, Farouk Chareh et Ehud Barak évoquent
quatre sujets en Amérique: le retrait du Golan, le tracé
des frontières entre les deux pays, les eaux, la sécurité
au Liban-Sud et la neutralisation de la Résistance.
Parmi les quatre questions, une seule a été
résolue... et encore! C’est le retrait du Sud libanais sous la pression
de la Résistance.
Et quoi encore durant une année et davantage?
Des choses d’apparence que Barak a considérées comme inévitables.
Le 24 juin fut perpétré le pire raid israélien sur
le Liban. Israël a bombardé, détruit et frappé
“l’accord d’avril” 1996. Barak ne rompt pas le silence. Netanyahu est responsable.
Ce fut sa dernière cartouche... Tous les mauvais coups ont été
inscrits à son actif. Barak est allé en Amérique entre
les 15 et 20 juillet pour réparer les torts de son prédécesseur...
Et quoi encore? La mauvaise relation avec le
Vatican quatre mois avant la visite du Saint-Père en Orient, le
Saint-Siège s’étant opposé, le 23 novembre 1999, à
la construction d’une mosquée à Nazareth, près de
l’église de l’Annonciation, parce que ceci affecte les susceptibilités
chrétiennes et musulmanes.
Ce qui sortait du cadre de la logique alors,
c’est le prétexte d’Israël selon lequel le droit de culte est
sauvegardé à tous. Et le 14 février 99, les Israéliens
doivent se souvenir, deux cent cinquante mille ont manifesté parce
que la Cour suprême a permis aux hommes de religion libéraux,
peu nombreux, d’être membres des conseils religieux municipaux. Ce
fut la plus grande manifestation en Israël contre une initiative de
tolérance et une lueur d’ouverture. Le droit de culte est sauvegardé
à tous... et “Shass” éloigne “Meretz” à cause des
millions réclamés pour l’enseignement religieux? Qui peut
croire que la tolérance religieuse émane d’une société
partagée, de plus en plus, entre les partis religieux extrémistes
aux dépens des laïcs? Et qui croit que le respect des résolutions
des Nations Unies peut être une conviction en Israël? Pas de
positivismes dans le bilan d’une année.
Quelle pression doit faire face à la position
israélienne arbitraire, une fois par arrogance et une fois par impuissance,
pour qu’Israël change ce qu’il affronte dans les volets palestinien
et syrien? Est-ce vrai que camp David changera quelque chose? Et qu’un
accord politique sur la sécurité et l’eau est à portée
de la main, comme le dit, une fois encore, Edouard Jéréjian?
Et Clinton veut-il... ou peut-il... être plus ferme dans l’affrontement
des parties antagonistes et plus déterminé à les convaincre
d’une solution juste? En d’autres termes, Clinton supportera-t-il le fardeau
des risques d’une politique pareille à celle supportée par
Nixon et Kissinger en 1974; à celle qu’a supportée Jimmy
Carter à camp David et de ce qu’ont supporté George Bush
et James Baker en 1990?
Il faut exercer une pression sur Israël,
faute de quoi, nous resterons face aux bilans israéliens négatifs,
comme celui de 1999. Etant entendu que juillet est le dernier mois où
le président américain, même à Camp David, a
la possibilité de... “convaicre”! |
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