Les longues veillées du président Clinton |
avec Arafat et Barak: rien de concluant. |
Les dernières heures du sommet ont été laborieuses.
La délégation israélienne avait bouclé ses
valises, déterminée à quitter mais avait fini par
rester pour une ultime tentative d’entente. La veille, Arafat et sa délégation
avaient, aussi, menacé de partir. Quant au président
Bill Clinton, il a retardé de 24 heures son départ pour le
Japon, redoublé d’efforts et passé des nuits blanches. Il
a essayé, vainement, jusqu’à la dernière minute d’arracher
un accord.
Par ailleurs, selon une source officielle israélienne, M. Barak
aurait adressé une lettre au président Clinton dans laquelle
il fait part “de sa tristesse d’être arrivé à la conclusion
que la partie palestinienne ne négocie pas en toute bonne foi et
ne veut pas négocier de façon sérieuse et substantielle
une paix permanente entre nous”.
Evidemment, les Palestiniens avancent la thèse contraire, disant
que le blocage provient du côté israélien.
Le fait est que les dossiers à traiter, notamment celui de Jérusalem,
étaient fondamentaux et décisifs pour les deux parties qui,
malgré tous les efforts de M. Clinton, n’ont pu céder sur
cette question.
Les tractations vont se poursuivre et les journaux israéliens
ont publié les propositions de Barak sur Jérusalem: “En échange
de l’extension de la souveraineté israélienne sur des colonies
juives situées à la périphérie de Jérusalem,
en Cisjordanie, Israël accepterait un contrôle palestinien sur
des quartiers arabes de la Ville Sainte”, écrit le quotidien “Haaretz”.
Cette proposition, a-t-on appris, aurait été refusée
par Arafat qui réclame une souveraineté sur Jérusalem-Est.
Comment trancher ce nœud gordien?
DÉBUT DU SOMMET DANS LA BONNE HUMEUR
Le sommet avait démarré dans un climat de bonne humeur,
soutenu par la détermination du président Clinton d’aboutir
à un accord historique avant la fin de son mandat. Evidemment, nul
n’ignorait la difficulté de la tâche et le chef de la Maison-Blanche
avait d’emblée appelé Israéliens et Palestiniens à
saisir cette “occasion historique” et à faire preuve d’esprit de
compromis “pour parvenir à un accord sur les questions-clés
qui les divisent depuis un demi-siècle”.
C’est en cela, d’ailleurs, que résidait toute l’importance de
ce sommet et, en même temps, les difficultés auxquelles il
allait faire face durant les pourparlers. Car pour la première fois
les deux parties, sous l’égide américaine, ont abordé
des questions cruciales, tels le statut de Jérusalem et la question
des réfugiés. Chacun savait, aussi, “qu’un échec serait
lourd de conséquences”.
Très peu d’informations ont filtré de Camp David, entouré
d’un black-out quasi-total tel que l’avait souhaité, dès
le départ, le président Clinton. Les journalistes ont été
tenus à distance, devant se contenter des points de presse fournis
par Joe Lockhart, porte-parole de la Maison-Blanche.
Mais au fil des jours, alors que la fumée blanche ne sortait
toujours pas, les spéculations s’intensifiaient. Un climat de pessimisme
a entouré ces négociations de la dernière chance,
tel que l’ont reflété les médias israéliens
et palestiniens. Au septième jour des pourparlers, le quotidien
israélien “Yédiot Aharonot” titrait: “Echec à Camp
David - Barak revient sans accord”.
Les journaux soulignent tous que “la question de Jérusalem constitue
le point insoluble à ce stade” et pour le quotidien palestinien
“Al-Qods”, “les discussions traversent une vraie crise, les divergences
entre les deux parties étant encore très profondes”.
Le président Bill Clinton exprime lui-même la difficulté
de ces négociations en s’exclamant devant un journaliste du “New
York Daily News”: “Dieu, que c’est dur! C’est la chose la plus dure que
j’ai vue”, faisant allusion aux multiples négociations qu’il a déjà
parrainées en Irlande, au Vietnam et au Kosovo...
M. Clinton s’est, d’ailleurs, pleinement impliqué dans ce sommet
et n’a quitté sa résidence d’été qu’une fois
pour quelques heures durant les neuf jours, mettant les bouchées
doubles pour tenter d’arracher un accord. Pour cela, il a retardé
de 24 heures son voyage au Japon où il doit participer au sommet
du G8. Le porte-parole de la Maison-Blanche a exprimé cet état
de fait en disant: “Les dossiers figurant sur la table des négociations
étaient les plus durs auxquels M. Clinton ait jamais été
confronté dans une négociation. Les deux parties savent,
clairement, quels sont leurs intérêts et il est très
difficile d’éliminer leurs divergences”.
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LES COLONS ET LA DROITE CONTRE UN ACCORD
Alors que les Etats-Unis tentaient d’arracher un accord aux Israéliens
et Palestiniens à Camp David, des dizaines de milliers de colons
et de sympathisants de la droite israélienne manifestaient à
Tel-Aviv, dénonçant d’éventuelles concessions que
pourrait faire Ehud Barak à ce sommet.
L’immense place portant le nom de l’ancien Premier ministre, Yitzhak
Rabin où celui-ci a été assassiné en 1995,
était envahie par une foule de plus de 100.000 personnes hostiles
à d’éventuels accords à Camp David qui porteraient
atteinte à Eretz Israël, accusant Barak “de conduire le pays
à sa perte”. Sur les banderoles et calicots, on pouvait lire: “Démanteler
des implantations, c’est déchirer le peuple”, ou bien: “Nous voulons
une autre paix” - “Il faut changer le Premier ministre”.
Parmi les orateurs qui ont pris la parole sur une estrade décorée
aux couleurs bleu et blanc du drapeau israélien, avaient pris place:
le chef du Likoud, Ariel Sharon et les leaders de deux des trois partis
qui ont quitté la coalition avant le sommet: Yitzhak Lévy
(parti national religieux) et Nathan Tcharansky (Israël Be’Alya).
UN SOMMET INUTILE
Le “Hamas”, principal groupe d’opposition, a dénoncé
plusieurs fois le sommet de Camp David, qu’il a qualifié “d’inutile”.
Le guide spirituel de ce mouvement de résistance islamique, cheikh
Ahmed Yassine, a appelé la délégation palestinienne
à quitter le sommet, pour rejoindre les rangs de la “résistance”
à Israël et du “Jihad” (guerre sainte).
Le FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine)
de Nayef Hawatmeh a, lui aussi, demandé à Arafat de quitter
Camp David “parce que le sommet se déroule sous la pression
américaine”, affirme le porte-parole du parti avant d’ajouter: “Les
Américains veulent amener les Palestiniens à faire davantage
de concessions à Israël sur Jérusalem et la question
des réfugiés”.
En tout cas, MM. Arafat et Barak seront sans aucun doute confrontés
à leur retour, à une opposition interne farouche. En effet,
aussi bien la droite israélienne que les islamistes palestiniens,
tenteront par tous les moyens de saper toute démarche sérieuse,
visant à instaurer un accord définitif, quitte à provoquer
de nouveaux troubles dans les territoires autonomes et en Israël.
Une nouvelle “Intifada” n’est pas donc à écarter, d’autant
que la date de la proclamation de l’Etat palestinien indépendant
approche, ce qui risque même de remettre en question les accords
d’Oslo de 1993.
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