LE SOMMET DU G8 À OKINAWA
UNE POIGNÉE DE VEDETTES ET DES AMBITIONS PLANÉTAIRES

Le sommet des huit pays les plus industrialisés à Okinawa dans le sud du Japon (21-23 juillet) a déjà eu deux préambules et aura un épilogue comme un livre qu’on ouvre et qu’on referme, avec la sensation de posséder le monde. Aussi, chacun des huit chefs d’Etat et de gouvernement l’abordera-t-il avec ses ambitions propres et son aura personnelle?
 
Tournesols plantés dans les 
champs pour accueillir le G8.
Sur les bouteilles de brandy d’Okinawa, 
les portraits des Huit.

Le plus motivé sera, sans doute, le Premier ministre japonais, Yoshiro Mori dont le pays (qui avait déjà accueilli le G7 en 1993) croule sous les dettes et qui voudrait redorer son image qu’il peine à imposer dans son propre pays depuis son accession à la tête du gouvernement en avril dernier alors qu’il avait été désigné à la hâte par le Parti libéral démocrate (PLD) pour succéder à Keizo Obuchi tombé dans le coma et décédé deux mois plus tard. Certes, il a été reconduit dans ses fonctions depuis les élections du 25 juin, mais le PLD, au Pouvoir depuis pratiquement 55 ans, a perdu 38 sièges à la Diète. C’est donc dans cette grand-messe annuelle des pays les plus riches qu’il se propose de se trouver une nouvelle légitimité. Il n’aura rien épargné pour rendre l’accueil du Japon fastueux et impérial.
La véritable vedette de ce sommet sera, sans contexte, le président russe Vladimir Poutine qui y fait son entrée auréolé de la guerre féroce qu’il vient d’engager contre les oligarques, lesquels se sont appropriés, à la faveur des privatisations, les principales ressources du pays.
En vertu de la “dictature de la loi”, la Justice russe a engagé des enquêtes à l’encontre de nombre d’entre eux: Vladimir Potanine, président d’Interros qui serait redevable à l’Etat de 140 millions de dollars pour avoir bénéficié de la privatisation de Norilsk Nickel en 1997; Vladimir Goussinki, patron de Media Post, dont l’arrestation provisoire avait suscité des remous dans le monde; Avtovaz, qui aurait dissimulé au fisc la vente de 200.000 voitures; Mikhaïl Fridman, Vaguit Alekperov, etc... et même le tout-puissant Anatoli Tchoubaïs, Saint-Pétersbourgeois comme Poutine qui fut à l’origine de son ascension en le faisant venir à Moscou en 1996 pour l’introduire au Kremlin. Prenant les devants, le milliardaire Boris Berezovski a annoncé sa démission de son mandat de député, protestant contre les “attaques totalement destructrices” du président Poutine concernant les gouverneurs régionaux et les milieux d’affaires.


5.000 manifestants anti-US protestant contre
la présence, à la base de Ginowan à Okinawa,
de 25.000 soldats américains.

Le président russe qui entend arrêter la fuite des capitaux et le blanchiment d’argent, pour continuer à mettre de l’ordre chez lui et gagner la confiance des Occidentaux et des grands organismes internationaux, entend discuter à Okinawa avec ses pairs occidentaux “des problèmes mondiaux sur un pied d’égalité” et engager une coopération “tous azimuts” avec ses partenaires japonais, désireux de régler le contentieux qui oppose leurs deux pays depuis la Seconde Guerre mondiale au sujet des îles Kouriles. Il s’entretiendra entre autres de ce sujet avec Yoshiro Mori, lors de son passage à Tokyo le 20 juillet. Auparavant, il se sera arrêté à Pékin “véritable partenaire stratégique” de Moscou, aura rencontré Jiang Zemin, faisant même un détour par la Corée du Nord.
Une autre grande vedette d’Okinawa, le président Bill Clinton qui arrivera avec les espoirs déçus ou comblés de Camp David et a fait trembler les Japonais qui craignaient son abstention en dernière minute.
Egalement en vue, le président Jacques Chirac qui a annoncé la couleur, lors de son intervention télévisée du 14 juillet, en abordant le sujet de “la mondialisation (qui) exige qu’on la maîtrise et ne peut être maîtrisée que par un accord international que tout le monde accepte. Faire des progrès, a-t-il observé, est tout à fait légitime, mais cela n’autorise pas tout et cela sera un des thèmes de mes interventions la semaine prochaine à Okinawa”.
Les Huit (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon et Russie) aborderont, également, le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la crise dans les Balkans... Leurs ministres des Finances et des Affaires étrangères ont déjà planché sur une multitude de sujets à Fukuoka et à Kyushu, balisant la voie des compromis et même des initiatives en faveur des pays les plus pauvres.

Par EVELYNE MASSOUD

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