J’ai
visité le Liban pour la première fois en 1968; puis, en 1970-1973
après la guerre d’octobre rendant visite aux troupes royales marocaines
stationnées au Golan. La quatrième fois, en 1976-1978 pendant,
avant et après la guerre civile. Je suis pratiquement revenu par
la suite presque régulièrement pour assister à l’assemblée
générale annuelle de la FANA, qui siège à Beyrouth.
C’est un pays que j’affectionne particulièrement, j’admire le génie du peuple libanais qui a pu se relever de ses épreuves comme le phénix renaît de ses cendres. J’ai vu le Liban dans son apogée, je l’ai vu sous les décombres et au moment de se reconstruire, après la guerre. Je connais très bien votre pays. J’ai pu mesurer le courage et la persévérance avec lesquels le peuple libanais a su panser ses blessures et reprendre le rôle qu’il a toujours joué. J’arrive au Liban au moment où la situation est marquée par deux faits politiques: le retrait des troupes israéliennes et les préparatifs des élections législatives, fin août-début septembre. Cette situation au Liban est exceptionnelle, du fait que la presse libanaise écrite et audiovisuelle fournit, quotidiennement, à l’opinion publique libanaise et internationale, des analyses et des commentaires de très haut niveau reflétant cette particularité libanaise, mosaïque vivante qui traduit son pluralisme et son particularisme au Proche-Orient et dans le monde arabe, en général. |
LIBAN-MAROC
Y aurait-il quelque contentieux entre le Maroc et le Liban et quelle
est la nature des relations entre le Maroc d’une part, le Liban et le monde
arabe d’autre part?
Les relations entre le royaume du Maroc et le Liban sont excellentes
depuis que nos deux pays ont recouvert leur indépendance. Ces relations
ne s’arrêtent pas aux simples rapports diplomatiques au sens conventionnel,
du terme; elles englobent divers domaines, notamment sur les plans politique,
culturel et social, ce qui engendre entre nos deux pays des rapports empreints
de respect et d’un esprit de fraternelle coopération. Dans cet ordre
d’idées, il faut souligner que nos deux pays ont en partage une
culture méditerranéenne commune qui se distingue par son
ouverture sur l’extérieur.
Sur le plan politique, il faut souligner plus particulièrement
que le Maroc s’est toujours tenu aux côtés du Liban. Dans
les dures épreuves qu’il a traversées durant de longues années
tout comme il l’a toujours soutenu face aux agressions israéliennes.
La meilleure illustration de ce soutien permanent et infaillible du Maroc
au Liban frère est le rôle déterminant joué
par feu S.M. le roi Hassan II, que Dieu ait son âme, au sein du comité
tripartite qui est parvenu à mettre un terme à seize années
de souffrances du peuple libanais. Tout ceci fait que les relations maroco-libanaises
reflètent une profonde estime réciproque et un remarquable
esprit de solidarité jamais démentis.
Où en est le conflit avec le Polisario sur le Sahara Occidental?
Un dialogue direct entre Rabat et Alger, comme le préconise le président
du Sénégal, peut-il aider à son règlement?
La position du Maroc est on ne peut plus claire à ce sujet:
notre pays reste attaché au plan de paix onusien prévoyant
l’organisation d’un référendum qui ne fera que confirmer
la “Marocanité du Sahara”.
Cependant, comme vous le savez, ce plan est confronté à
des difficultés inhérentes à l’identification des
personnes habilitées à voter lors du référendum
et au retour à la mère-patrie des populations séquestrées
dans les camps de Tindouf. Ce sont là deux questions à résoudre,
sans compter les multiples obstacles dressés devant le plan onusien
par les adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc
et ceux qui les soutiennent.
Je voudrais, également, préciser, ici que ce qu’on appelle
le “Polisario” est une création de l’Algérie et que le litige
sur le Sahara marocain se situe, en fait, entre ce pays et le Maroc.
LE RETRAIT DU MAROC DE L’OUA
Le Maroc a quitté l’OUA en 1984 (après l’admission
par cette organisation de la République arabe Sahraouie démocratique
en son sein); compte-t-il la réintégrer?
Le Maroc figure parmi les pays fondateurs de l’Organisation de l’unité
africaine. Son retrait de cette organisation est la conséquence
d’une faute gravissime commise par cette organisation, quand elle a admis
en son sein une entité artificielle. L’OUA doit donc dépasser
cette faute et revenir à la légalité.
Toutefois, malgré le retrait du Maroc de l’OUA, ses relations
avec les Etats africains demeurent très étroites dans de
nombreux domaines politique, économique et culturel. Ce qui confirme
l’authenticité de l’appartenance du Maroc au continent, ce sont
les nombreuses initiatives prises, dans ce sens. La toute récente
constitue une éclatante illustration de l’attachement du Maroc à
ses racines africaines et a été l’œuvre de S.M. le roi Mohamed
VI, lorsque le Souverain a annoncé devant le sommet euro-africain
du Caire (3-7 avril 2000) l’annulation, par le Maroc, des dettes des pays
africains les moins développés envers notre pays et la levée
des barrières douanières en faveur de produits provenant
de ces pays.
A quels problèmes requérant des solutions urgentes,
le gouvernement marocain est-il confronté?
Le principal problème auquel est confronté, actuellement,
le Maroc est la sécheresse. Ce fléau sévit depuis
deux ans dans le pays et provoque, vous vous en doutez, des perturbations
considérables en matière de production agricole et d’alimentation
en eau potable avec comme corollaire un exode rural vers les grandes villes
pour y faire face et en atténuer les effets néfastes. L’Etat
a consacré une enveloppe de six cent cinquante millions de dollars
destinée à soutenir la politique de l’emploi dans les zones
rurales, en priorité, l’emploi des jeunes, notamment les lauréats
des universités et instituts supérieurs et la lutte contre
la pauvreté de façon générale.
LE TRAVAIL DES ENFANTS
Vingt-sept Etats dont le tiers est africain, ont ratifié
la convention de l’Organisation internationale du Travail (OIT) interdisant
les pires formes de
travail des enfants. Le Maroc l’a-t-il signée ou dispose-t-il
d’une législation régissant ce domaine?
Le Maroc est considéré comme un membre éminent
de l’Organisation internationale du Travail dont il a ratifié de
nombreuses conventions, parmi lesquelles celle définissant l’âge
minimum de l’emploi! Quant à la convention relative au travail des
enfants, la procédure de son approbation par le Maroc suit actuellement
son cours conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur
dans notre pays et ne tardera pas à aboutir.
Rabat a-t-il prévu des structures spéciales à
l’intention des personnes du troisième âge, telle l’adoption
de l’assurance-vieillesse?
Le Maroc accorde une attention particulière à cette frange
de la population, en favorisant son intégration dans les régimes
de la sécurité sociale et de la retraite, ainsi que dans
ceux assurant une couverture et une protection sociales. Un texte de loi
relatif aux personnes âgées, en voie d’élaboration
selon les procédures réglementaires, verra bientôt
le jour.
Les islamiques posent-ils quelques problèmes au Maroc. Comme
c’est le cas en Algérie et quelle politique, le Maroc a-t-il à
leur égard?
S.M. le roi Mohamed VI, en tant que commandeur des croyants, est le
garant de l’Islam et des musulmans, au Maroc. C’est un fait que vous rencontrez
dans la rue des femmes voilées et des hommes barbus. Il en a, du
reste toujours été ainsi au Maroc, pays tolérant qui
respecte la différence et bannit la violence.
CONTRE L’EMBARGO SUR L’IRAK
Quelle est la position du Maroc envers la crise irakienne, les frappes
aériennes et l’embargo imposé à l’Irak?
La position du Maroc vis-à-vis de la question irakienne est
claire: Notre pays n’a jamais cessé d’appeler à mettre fin
aux souffrances du peuple irakien et à la levée de l’embargo
économique imposé à ce pays, tout en soutenant sa
souveraineté, son unité et son intégrité territoriale.
C’est une position immuable du Maroc qui n’a jamais ménagé
aucun effort pour la défendre devant les instances tant arabes qu’internationales.
Du vivant du roi Hassan II, le Maroc présidait le comité
“Al-Qods”, la capitale marocaine joue-t-elle encore un rôle actif
sur ce plan?
Appuie-t-elle l’intention prêtée au chef de l’Autorité
palestinienne de proclamer l’Etat palestinien indépendant en automne?
Le soutien de S.M. le roi Mohamed VI à la cause palestinienne,
en général, est constant. Il l’est de façon particulière
s’agissant d’Al-Qods Acharif dont il est président du comité,
c’est ce même rôle qu’incarnait S.M. Hassan II, que Dieu ait
son âme. Il avait consacré des efforts considérables
pour la préservation de l’identité arabe et islamique de
ce premier lieu saint de l’Islam contre les tentatives continuelles de
“judaïsation”.
Dans le droit fil de cette continuité, S.M. le roi Mohamed VI
a présidé la première réunion du conseil d’administration
de l’agence “Beit Mal Al-Qods” qui s’est tenue à Marrakech en février
dernier et au cours de laquelle, le Souverain a remis une somme de trois
millions de dollars comme contribution du Maroc à cette agence.
La récente visite officielle du président Bouteflika
à Paris renforce les relations franco-algériennes. Comment
se présentent les rapports entre Paris et Rabat?
Les relations entre le Maroc et la France se distinguent par la pérennité
et la profondeur des rapports historiques et civilisationnels liant les
deux pays. On peut dire, de ce fait, qu’elles revêtent un caractère
exceptionnel.
Quel est votre meilleur souvenir de diplomate?
Mon meilleur souvenir remonte au 19 avril dernier, quand S.M. le roi
Mohamed VI a bien voulu me nommer son ambassadeur au Liban, pays pour lequel
je porte une affection et une estime toutes particulières depuis
de longues années.
CURRICULUM VITAE
Né à Rabat, le 5 août 1938, M. Abdel-Jalil Fenjiro a fait ses études primaires à Fès; puis, secondaires, au collège Moulay Youssef à Rabat et Moulay Driss à Fès. Diplômé de l’Institut des hautes études marocaines, il a effectué des études de journalisme et des moyens de communication de masse (mass communication) au Centre international de l’Enseignement supérieur du Journalisme de l’université de Strasbourg en France, après trois années passées à l’agence “Maghreb Arabe Presse” où il est entré en 1962. Il y a travaillé, d’abord, comme reporter avant de gravir tous les échelons de la hiérarchie professionnelle du secrétariat de rédaction à la direction générale, en passant par la rédaction en chef des départements arabe et français. Il a occupé, de janvier 1974 (date de la reprise de la Société MAP par l’Etat) à novembre 1999, les fonctions de directeur général de l’Agence qui a connu une impulsion remarquable sous sa direction, avec l’ouverture d’une vingtaine de représentations dans de grandes capitales mondiales et la couverture d’une partie importante du territoire national. Ce qui, avec l’utilisation de quatre langues d’émission, place la MAP à l’avant-garde du monde arabe, de l’Afrique et des pays émergents de façon générale. Fervent défenseur du Nouvel Ordre mondial de l’Information et de la Communication, M. Fenjiro est partie prenante, durant plus de trente années, à tous les forums qui s’y consacrent de par le monde, se fait le chantre infatigable du dialogue Nord-Sud et, surtout, Sud-Sud qu’il privilégie et pour lequel il a toujours milité. Il a ainsi contribué activement à la fondation de l’Agence panafricaine de Presse, PANA (1979), de l’Agence Islamique internationale de Presse IINA (1970), du Pool des Agences de Presse des Pays non-alignés NANAP (1975), de la Fédération des Agences de Presse arabes FANA (1974), du Pool des Agences de Presse des Pays de l’UMA (1989), ainsi qu’à la création de l’Alliance des Agences méditerranéennes de Presse AMAN (1992). M. Fenjiro fut élu à trois reprises président de la FANA au début des années 80 et 90 et une quatrième fois en novembre 1999, lors de la 27ème assemblée générale de la FANA qui l’a consacré Président d’honneur à vie et consultateur permanent. A son initiative, fut organisée en octobre 1989, à Rabat, une conférence des directeurs généraux des Agences de Presse maghrébines qui décida la création du Pool des Agences de Presse des pays de l’UMA (Pool-UMA) dont il assura, également, la présidence. En juillet 1994, il fut réélu, pour la deuxième fois, président du Pool-UMA. M. Fenjiro a assuré en 1995-1996 la présidence de l’Alliance des Agences méditerranéennes de Presse (AMAN) qui regroupe des agences de presse des pays européens et arabes du bassin méditerranéen. Maître de Conférence à l’Institut supérieur de Journalisme à Rabat pendant quatre ans, il contribua, dès la création de cet établissement universitaire au début des années 70, à l’élaboration des programmes d’études, tout en y enseignant le journalisme d’agence. Toutefois, plus praticien que théoricien, il a collaboré tout le long de sa carrière, parallèlement à ses activités et fonctions à la MAP, avec de grands organes de presse mondiaux, tels l’agence “Associated Press” (AP) de 1965 à 1996; l’hebdomadaire américain “Newsweek” dans les années 60-70; la revue américaine “Continental Press” qui a cessé de paraître au début des années 70, ainsi que l’ex-Office de Radiodiffusion et Télévision Française (ORTF), sans compter des médias nationaux (journaux, radios et télévision). |