Editorial



Par MELHEM KARAM 

LA VOIX UNIQUE... VOIX DE L’ALLÉGEANCE DU PEUPLE

L’Amérique au Moyen-Orient... dans les problèmes du Moyen-Orient, elle ne parle pas un même langage. Même les gens de la Maison-Blanche ont des vues différentes des histoires de cet Orient et se contredisent. Hillary Clinton veut imposer des sanctions aux Palestiniens s’ils n’acceptent pas ce que dicte le bâton américain. Et Bill Clinton efface ou tente d’effacer, par la voix du porte-parole officiel: tantôt Joe Lokhart ou P.G. Crawley. Une troisième fois, d’autres parlent en son nom. A tel point que les porte-parole du Président et du ministère des Affaires étrangères sont devenus plus célèbres que les ministres. Telles Catherine Colona à Paris et Anne Gazot Sucret. Et comme Gebrane Kourieh à Damas... Clinton veut effacer la bourde de son épouse en disant, à travers ses porte-parole, que le président seul définit la politique extérieure américaine. Les autres émettent des opinions et proclament des positions en leur propre nom, sans avoir, souvent, aucune influence.
Sur les choses de cet Orient, la Maison-Blanche ne parle pas sur un même diapason, ou d’une même voix, pour reprendre l’expression chère au président français Jacques Chirac. La raison de cela sont les intérêts et la hâte de s’hypothéquer à eux. Les juifs influents en Amérique, ainsi que nous l’avons écrit dans un précédent article, sont plus nombreux qu’en Israël. Est-il besoin de le rappeler? Avec ou sans Lieberman!
La voix unique n’est que dans l’allégeance populaire qui, seule, donne à celui qui en subit le baptême, le droit de parler d’une seule voix et sur le même ton. Et l’allégeance populaire n’est pas que le succès aux élections. Le dépouillement des urnes crée le “représentant” mais, bien souvent, ne crée pas la “représentativité”. L’allégeance, elle, et seule a créé cette qualité. Au parlement libanais, les cent vingt huit députés sont des “élus”, mais tous ne sont pas représentatifs. La différence est grande entre “représentant” et “représentatif”; comme la différence entre le “député” et le “parlementaire”. Et les députés de l’an 2000, apparaissant à l’aube du IIIème millénaire, seront pour la plupart des “représentants”; sans que nous soyons nous-mêmes représentés. Car les risques du scrutin que nous encourons grandissent de plus en plus.
Ces paroles sont des paroles de principe, parce que les Assemblées parlementaires depuis que nous avons la députation et la représentation en 1926, prenaient pour elles la qualité de la représentation et toutes les autres qualités, sans que personne demande une invalidation, réclame des comptes ou contrôle. Pourtant, le contrôle parlementaire du Pouvoir exécutif est, comme le stipule la Constitution, le second devoir du parlement après le droit de légiférer.
La voix unique ne se fait qu’avec l’allégeance populaire. Par la qualité représentative et la conviction des gens que celui qui parle en leur nom porte d’eux une procuration... sujette, en permanence, à annulation. La France ne parle pas d’une seule voix au triple plan arabe, européen et international. Yasser Arafat l’a touché du doigt lors de sa dernière tournée. Il a compris, lui qui comprend d’un signe, qu’il ne lui restait à Paris que le “gaullisme” de Jacques Chirac et la “diplomatie” de Hubert Vedrine.
Et les Palestiniens ne parlent pas d’une même voix. Ni les Israéliens. Après Camp David, cette réalité était flagrante. Qui a applaudi Yasser Arafat? Qui l’a porté comme on porte les héros à leur retour d’une victoire triomphale? Qui? Les gens du refus, inquiets sur la paix, craignant de payer au-delà de leur capacité le prix de la paix tant attendre? Et Ehud Barak, qui l’a malmené en prévision, peut-être, d’élections anticipées pouvant ramener la droite au pouvoir en Israël? Ceux qui ont considéré par une étrange logique inacceptable, qu’il a accordé à Yasser Arafat beaucoup plus que ce que tolère la réalité israélienne...
Les paroles d’aujourd’hui, dans ce contexte, en l’absence de la voix unique... comme si le monde est gouverné par ceux qui manquent de représentativité... les paroles d’aujourd’hui sont des paroles libanaises, palestiniennes et israéliennes. Les paroles libanaises portent sur les pays donateurs comme sur les élections. Les pays donateurs ont imposé au Liban des conditions difficiles. C’est leur droit. Sinon que le Liban s’adresse à d’autres donateurs. Et le Liban sait que le don n’est octroyé que par la balance des intérêts; la balance des revenus. Aussi, sait-il s’adapter au grand climat. Sinon, qu’il refuse! Mais qu’il dise auparavant aux pays donateurs que les Nations Unies sont maintenant présentes aux frontières libano-israéliennes. Et comme a dit Kofi Annan après sa tournée orientale, elles sont devenues agréées, parce qu’elles jouent un rôle “neutre” et non “négociatoire”. Car le rôle négociatoire est à l’Amérique, le secrétaire général le sait, tout en ayant présent à l’esprit, les caprices que manifestait Madeleine Albright à l’égard de Boutros Ghali, au temps où elle était le délégué des Etats-Unis à l’organisation internationale et où il en était le secrétaire général... Le degré de tolérance s’est trouvé à l’étroit à Cana, Boutros Ghali ayant payé le prix de son attitude courageuse et équitable... Ce qui l’a éloigné vers la côte de la francophonie qui l’a accueilli avec empressement, elle qui n’oublient pas les relations cordiales avec l’Egypte depuis Champollion.
Que le Liban dise aux pays donateurs en octobre prochain, que le “développement équilibré” est son objectif depuis longtemps. Depuis le temps d’Emile Eddé adressant au Haut commissaire français de l’époque, Damien De Martel, deux lettres: l’une portant le nombre 6 et, la seconde, le nombre 7, toutes deux ayant porté toutes deux l’appellation 6 et 6 réitérés. Dans la première, il était question d’assurer une représentation juste aux différents éléments du pays dans l’attribution des fonctions de l’Etat. Dans la seconde, il s’agissait de créer des conseils de caza pour promouvoir une action au plan du développement sur tout le territoire libanais.
Que le Liban dise cela aux pays donateurs, si cela est suffisant pour l’octroi des dons. Quant aux paroles libanaises sur les élections, elles ne procurent rien de tranquillisant. Le conseil des évêques a été en abordant la question. Il a appelé à la participation au scrutin, si cela favorise l’accès des éléments valables au parlement. Certains candidats ont été beaucoup plus durs et ont échangé avec les gouvernants des propos graves qu’on n’entend que dans les jours sombres.
Et les paroles palestiniennes après Camp David équivalent aux applaudissements ayant accueilli Yasser Arafat dans les territoire placés sous le régime d’autonomie et dans les autres territoires des Arabes. Comme dans les espaces où se manifestent la pensée, la raison et l’équité. Mais est-il vrai que Jérusalem, tout Jérusalem, est la capitale de la Palestine, en définitive? Non et elle n’est pas non plus la capitale unifiée et éternelle d’Israël. Même quand Ehud Barak dit qu’il se sent “l’émissaire de la chose publique plutôt qu’un politicien. Et si les Israéliens renient les prophètes et les messages, et s’attachent davantage à la “terre d’Israël?”. Jérusalem a refusé que le Christ réunisse ses fils, comme la poule rassemble ses poussins. Il en est ainsi dans l’évangile. Que dit le “prophète” Ehud Barak?
Les paroles après Camp David sont presque les mêmes depuis la fin des années quarante; les paroles décisives et imminentes; celles des autorités intouchables et du durcissement. Pas de renonciation à la sécurité, ni à la Ville sainte et encore moins à l’unité de la nation, a dit Barak. Arafat peut en dire de même, car il n’a pas renoncé aux réfugiés, ni à Jérusalem et à l’Etat, entité et frontières.
Jérusalem et les réfugiés sont les questions de base. Yasser Arafat, quoiqu’il tente d’entrer dans le jeu de la souplesse et de la compréhension et quoiqu’il garde le silence, en tant que sage, à propos des paroles du président américain autour du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem... peut-il renoncer à Jérusalem-Est en tant que capitale de la Palestine? Non. Peut-il accepter moins que le retour des réfugiés en Israël et leur reconnaissance par l’Etat hébreu? Ce dernier niant avec force être la cause de leur fuite de l’assassinat et de la persécution politiques?
Barak peut-il reconnaître une souveraineté palestinienne sur Jérusalem-Est? Non, naturellement. Peut-il remplacer la qualité “humaine” sur l’affaire des réfugiés par la qualité “politique”? Certainement pas.
Quoi, alors? Plus de violence, d’assassinat et de destruction? Et un homme de plus en plus maltraité; des dignités de plus en plus bafouées? Jusqu’à quand tout cela? Jusqu’à ce que vienne l’Esprit-Saint. Le Paraclet, selon le langage chrétien et l’archange Gabriel, d’après le langage musulman... Ou jusqu’à ce que Yossi Beilin et Schlomo Benami traduisent leur proposition noir sur blanc?
Les heures décisives, il est vrai, exigent de la modération de se renforcer par l’extrémisme... sans se passer de la sagesse. Ehud Barak a voulu profiter de l’expérience de son maître, Yitzhak Rabin qui s’est contenté, à Oslo, de l’appui de la gauche et de l’approbation des Arabes israéliens. Il a essayé de gagner “Shass”, mais le rabbin Hovadia Yossef l’a abandonné, ainsi que Tcharansky et tous les extrémistes durs.
Comme en 1989. A Taëf, les députés chrétiens ont tourné le regard vers Georges Saadé, leader des Kataëb à l’époque; et Georges Saadé s’est tourné vers Bkerké pour prendre conseil.
Ehud Barak persiste sur la voie de la paix, dit-il, en dépit de tout. Malgré le fait pour la Knesset d’avoir élu Moshé Katzav à la place de son candidat. Et en dépit de la minorité parlementaire qui l’appuie. Avec cela il a pu, dans le dernier quart d’heure, éviter la chute de son gouvernement et se maintenir jusqu’à fin octobre, car la vacance de la Knesset se poursuivra jusqu’à cette date. Cependant, le 13 septembre est une autre date déterminée par de nombreux accords, dont les lettres sont effacées par des secousses plus grandes que les pactes et les engagements. Barak persiste. Les délais se raccourcissent. Le fardeau s’alourdit et les responsabilités grandissent. Mais... n’est-ce pas le temps des “courageux messagers”? 

Photo Melhem Karam

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