LES DÉMOCRATES EN CONVENTION
S’APPROPRIENT À LEUR TOUR LE RÊVE AMÉRICAIN

En lever de rideau, c’est Bill Clinton qui fut la vedette de la Convention démocrate à Los Angeles, la “cité des anges”. Et bien avant encore quand il s’est confessé devant 4.500 pasteurs à Chicago, aspirant à une plus grande vie spirituelle après “la terrible faute que j’ai commise” dans l’affaire Lewinsky et quand il a été ovationné par le Tout-Hollywood à Beverly Hills. Mélangeant les genres avec brio et panache et gardant toujours la première place dans le cœur des Américains, avant d’investir la scène de Staples Centre, argentée, bleue, rouge et blanche sous les feux de 14.000 spots lumineux, devant 4.368 délégués, des dizaines de milliers de participants et quelque 15.000 journalistes.
 

Clinton s’adressant à la Convention 
démocrate.

Le ticket Gore-Lieberman veut se 
présenter comme l’incarnation de 
l’“American dream team”.

Incontestablement, le charismatique Bill Clinton fait de l’ombre à son pâle vice-président Al Gore qui, fort paradoxalement, s’investit pleinement dans les huit années de prospérité sans précédent que connaît l’Amérique depuis huit ans et veut en même temps se dissocier des scandales qui ont entaché le passage de son maître à la Maison-Blanche. Mais allant au-devant des objections et faisant fi des calculs mesquins de son dauphin, le président a souligné, dans son discours d’adieu à l’ouverture de la Convention (14-17 août), que “ nous avons travaillé ensemble depuis bientôt huit ans. Dans les jours les plus durs de ces dernières années où nous avons affronté les échéances les plus cruciales de la guerre et de la paix et servi les priorités de notre pays, il était toujours là”. Il poursuivra notre prospérité et préservera “toutes les décisions-clés de notre administration”.
Ayant étudié le discours de Ronald Reagan à la Convention républicaine de 1988, à l’issue de ses deux mandats, Clinton, dans son quatrième discours à une Convention, a précisé qu’“aucune de nos réalisations n’a été le résultat d’un accident” et que “le succès de l’Amérique n’a pas été le facteur de la chance, mais bien la conséquence d’un choix”. Les résultats concrets de cette prospérité: 22 millions de nouveaux emplois, le plus bas taux de chômage depuis trente ans, etc... “Nous sommes passés des plus larges déficits aux plus larges surplus (budgétaires) dans l’Histoire”. Mais il y a bien plus que cela. “Notre progrès dépasse de loin l’économie. L’Amérique est plus confiante, plus juste, plus sécurisée et libre, car nous avons offert une vision et nous y avons travaillé ensemble”. Reprenant le slogan de sa campagne électorale de 1996, le chef de la Maison-Blanche qui n’a pas manqué de critiquer les Républicains et leur candidat George W. Bush, a confié à un auditoire surchauffé, provoquant des tonnerres d’applaudissements: “Ce soir, nous pouvons dire avec confiance: nous avons construit notre pont vers le XXIème siècle. Nous l’avons traversé ensemble. Et nous n’allons plus reculer”.
 

A la Convention, image d’une famille unie: 
Chelsea, Bill et Hillary Clinton.

L’ex-président Jimmy Carter et son 
épouse Rosalyn présents à la Convention.

Votez donc pour Al Gore-Joe Lieberman, “ils poursuivront notre prospérité, en réduisant notre dette, investissant dans l’éducation, la santé, la réduction des taxes familiales à la différence du GOP qui veut dépenser chaque dime (un 10ème de dollar) de notre surplus escompté”. C’est tout le programme de la Convention penchée sur “la prospérité, le progrès, la paix”. Et dans une nouvelle envolée, le chef de l’Etat américain a confié que “plus que quiconque, j’ai connu Al Gore dans sa vie publique. C’est un homme qui comprend le futur”.
Bill Clinton a inscrit son discours, suivi de Hillary à la tribune, en tête d’affiche avant de quitter la convention pour éviter de voler indéfiniment la vedette à Al Gore qui sera intronisé le jeudi 17 août (et introduit par Tipper son épouse), après avoir reçu l’investiture des délégués à la Convention et qui délivrera à son tour un discours-programme. Auparavant, la grand-messe démocrate sera animée par une succession d’orateurs: le sénateur Ted Kennedy, Bill Bradley, le révérend Jesse Jackson, Caroline Kennedy-Schlossberg, Karenna Gore-Schift, un bouquet de vedettes dont Barbra Streisand, des concerts, des forums et aussi des mouvements de contestation qui seront encadrés de quelque 2.000 policiers. Quarante ans plus tôt, un cérémonial similaire avait consacré en 1960 John F. Kennedy à Los Angeles. A la fin de la Convention démocrate qui dispute aux Républicains le centre de l’échiquier politique que Clinton avait si bien conquis, le ticket Al Gore-Joe Lieberman pourrait déjà engranger des bénéfices. Avant de choisir pour colistier, le sénateur du Connecticut un juif pratiquant qui observe le Shabbat et mange casher, le vice-président était distancé de 17 points par le candidat républicain George W. Bush. A l’issue de son choix dûment réfléchi et sans précédent dans l’histoire des Etats-Unis, cet écart était réduit à 10 points. A la veille de la Convention, une enquête Reuters/Zogby le ramenait à trois points. Il était crédité de 40% des intentions de vote contre 43% à son rival républicain.
 

Curieux chapeau d’une déléguée 
appuyant Gore.

Des policiers maîtrisent une 
contestataire en colère.

Le vote juif, tout en étant hautement appréciable, ne serait pratiquement pas déterminant dans les élections du 7 novembre. En fait, les juifs représentent 2% de la population américaine et quelque 4 millions de suffrages. Ils comptent 34 parlementaires à la Chambre des représentants et 11 sénateurs sur 100. Traditionnellement et dans leur majorité, ils votent démocrate. Il n’empêche que le choix de Lieberman a revigoré la campagne de Gore et augmenté ses chances d’accéder à la Maison-Blanche, ce dont il a rêvé depuis son jeune âge.
Al Gore, né le 31 mars 1948, avait pris goût à la politique au contact de son père Albert Gore, sénateur du Tennessee et s’y était préparé en poursuivant à l’université de Harvard (où il rencontrera sa future épouse Tipper, de son vrai nom Mary Elizabeth qui lui donnera un fils et trois filles) des études de droit et de théologie avec plus tard pour centres d’intérêt l’environnement et les communications. En 1977, il a 28 ans quand il est élu député au Tennessee où il sera réélu à trois reprises avant d’occuper à 36 ans le poste de sénateur, tremplin à la vice-présidence en 1992.
De prime abord, l’éclatement du Parti de la réforme, créé en 1992 par le milliardaire texan Ross Perot, lequel avait recueilli la même année 20 millions de voix, devrait profiter à Bush vers lequel reflueraient les voix qui, initialement, revenaient aux Républicains. Mais il pourrait lui être néfaste dans certains Etats où la compétition sera féroce entre les deux candidats. Or, l’écart entre eux s’amenuise et du coup la campagne s’emballe.

EVELYNE MASSOUD

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