Editorial



Par MELHEM KARAM 

LES ÉLECTIONS DU LIBAN ET LA “CAISSE À SPECTACLE”

Les élections sont pareilles à une “caisse à spectacle”. On y trouve tout, sauf les principes. Les principes sont, certes, des paroles d’orientation; celui qui les prononce oublie et œuvre dans un sens contraire dès sa descente de la tribune et une fois éloigné du micro.
La “caisse à spectacle” existait au temps où le cinéma était cher, surtout pour les enfants. Cette fois, les élections sont une “caisse à spectacle” pour les grands. Tout y etait prêt, comme s’il s’agissait du destin, bien que rares soient les méritants. Ceux qui sont héritiers d’un leadership populaire, et tous les leaders de chez nous ne le sont qu’à titre d’héritiers réservataires, sont, à ce titre, et malgré tout des chefs imposés aux gens. A la Chambre des députés. Au gouvernement et à la chose publique, en tant que noms inscrits depuis le temps de la féodalité... dans la “dévolution successorale nationale”. Chez nous, la féodalité est de deux sortes: la féodalité de gens possédés, comme la terre sur laquelle ils résident. Et la féodalité de l’argent possédant les gens sans la condition de s’approprier la terre. Ne disons rien dans ce domaine sur le confessionnalisme, le second mal libanais après la féodalité.
Féodalité et confessionnalisme. Le Liban n’a pas changé. A tel point que les partis se sont tenus au seuil de “l’esprit partisan”, celui de la famille de père en fils. La féodalité de l’argent est, aussi, non confessionnelle. Mais elle se différencie avec la féodalité de la terre, en ce sens qu’elle est plus moderne. Elle pousse, nul ne sait comment et engendre des gens dont nul n’a entendu parler, ni vu en personne. Ni entendu leur opinion par un mot écrit ou parlé. Malgré cela, ils sont entrés sur la scène, par la photo, le slogan. Et les dires désuets en politique. 
Féodalité, confessionnalisme et argent. Telles sont, malheureusement, les élections. Ce trio, dans certains pays, est l’un des éléments de la bataille, mais non toute la bataille, comme c’est le cas chez nous. Et l’on peut se demander quel serait, dans ce cas, le rôle des principes! Ceux qui avaient prôné la discorde sanglante au Liban peuvent se transformer, pour les besoins de la cause, en prédicateurs de l’Unité nationale, de l’ouverture et de la compréhension. Et, depuis les événements de 1860 jusqu’aux événements de 1958, jusqu’à nos jours, que de paroles au cours de cent quarante ans, sans que les parleurs, eux, soient restés les-mêmes, jugeant aisé, en permanence, le fait de passer de l’acte d’abjuration à l’acte de contrition.
La situation est-elle la même, aujourd’hui? Les incrédules ont, une fois de plus, reconnu qu’ils se doivent de réciter l’acte de foi, de reconnaître la différence entre l’extrémisme et la modération.
Dieu pourrait rassembler les antagonismes après qu’ils aient cru ne plus pouvoir se rencontrer. Il en est ainsi dans les vers et dans la vérité, car les vers approchent, des fois, de la vérité.
Tout cela est circonstanciel. C’est vrai et il est justifiable, car notre ambition s’est rétrécie... pourvu que le circonstanciel devienne une ligne de conduite, une politique suivie. Charlemagne a créé un royaume beaucoup plus grand que la France. Ce roi des Francs guerroyait en été, l’hiver, il s’adonnait à l’administration de l’Etat tout en planifiant pour une invasion future. Réaliste dans sa manière de penser, l’échec de sa tentative d’envahir l’Andalousie musulmane ne l’a pas empêché de s’ouvrir, commercialement, sur l’Orient. Ce “roi des Romains”, a su magistralement rallier le circonstanciel à la politique suivie.
Nous devons nous affranchir du circonstanciel quand nous récitons l’acte de contrition; être convaincus du fait que le Liban est et se perpétuera; que la décision saine ne vient pas de l’extérieur, mais de nous. George Bush allant vers la Maison-Blanche, a réalisé que la grande orientation américaine ne vient pas de Washington, surtout après avoir vu comment Newt Gingrich est tombé, lui et Bob Dole, vainqueurs aux élections du premier mi-mandat de Clinton, défiant le président américain... comment le premier a sombré dans les circonstances qui l’avaient réduit au silence et comment le second a perdu la présidentielle de 96 qu’il était supposé gagner... Comment Clinton, lui-même, était la victime de sa braguette. qu’il a défié avec des histoires ayant atténué sa voix jusqu’à la faire disparaître. 
George Bush a vu et touché tout cela, pour sortir d’une adolescence l’ayant plongé dans l’alcool et la drogue. Il est même sorti de son père, lui qui en porte le crédit dans une bataille à laquelle celui-ci l’avait précédé en vainqueur. Le père n’est pas toujours le modèle. Yakov, fils de Staline, s’est suicidé pour protester contre les atrocités de son père. On a dit qu’il avait été assassiné pour avoir tenté de s’évader de sa prison. Mais les connaisseurs affirment que les balles trouvées dans son corps avaient été tirées sur lui après sa mort. Johnson s’est affranchi du fantôme de Kennedy. Sadate s’est reposé après avoir été débarrassé du fardeau de Manchiat Al-Bakri. John Major a repoussé l’image de Margaret Thatcher qui a senti qu’elle était devenue persona non grata au 10 Downing Street. Al-Gore, même au moment où ses chances étaient faibles, s’est détaché de Bill Clinton à l’heure où il a choisi Joseph Lieberman comme vice-président dans la bataille de la présidence.
George Bush a pris conscience de tout cet antagonisme. Il s’est tourné vers Mervine Olaski, un nom qu’on doit retenir. Une jeunesse pleine d’aventures. Communiste dans son jeune âge, il s’est repenti et a embrassé le christianisme, philosophant la “pitié” incarnée en Jésus-Christ. A l’instar de Clinton, d’Al-Gore, de Lieberman et George Bush, tous sont les étudiants de l’université de Yale, Olasky a prêché, Bush lui emboîtant le pas, la “générosité conservatrice” ou le “conservatisme à visage humain”. Comme s’il récupérait au parti républicain fondé par Abraham Lincoln, les principes humanistes qui ont été jusque-là l’apanage du parti démocrate, les principes de la tolérance opposée à l’esclavage... Cette opprobre que Rome n’a pu abolir, l’esclavage ayant été attaché à l’empire du tsar... le plus vieux tsar du monde.
Al-Gore a pris la parole au congrès des démocrates; de même que Joseph Lieberman, Jesse Jackson et la famille Kennedy qui appréhende que les Bush occupent la case de la “dévolution successorale nationale” aux côtés des Kennedy ou à leurs dépens. Mais les Américains sont encore sous l’influence du discours de George Bush, malgré les emplois créés par Clinton et le renflouement du Trésor après ce qu’il a subi sous le mandat de George Bush père.
La volonté du changement ou le rappel de la braguette du président? C’est l’affaire des Américains. Ce qui nous intéresse, nous autres, dans tout cela, c’est que les Républicains et les Démocrates sont pareils, tous deux faisant prévaloir l’intérêt d’Israël sur tout autre intérêt.
Quoi qu’on dise que George Bush est proche des gisements du pétrole, George Shultz, ministre des Affaires étrangères de Ronald Reagan, après Alexander Haig, était proche de cet Orient. Il était avec Becktel et, de son temps, les choses étaient restées les mêmes que sous le temps des prédécesseurs.
Chez nous, revenons chez nous, rien ne change avant que nous changions nous-mêmes. Nous sommes réfractaires au changement. Combien de fois, il nous a été dit, que l’Histoire nous a appris que notre salut est dans l’entente nationale. Et combien de fois avons-nous détruit notre entente! Pour qu’au cas où des circonstances extérieures l’ont exigé, nous y sommes revenus, portant les germes de notre renonciation à cette entente. Parce que l’Histoire, le meilleur des instructeurs, ne nous importe pas. Il nous importe de rester des impulsifs, d’accepter les propos de l’extérieur quand ils répondent à notre impulsivité. Au cours des derniers événements, l’extérieur nous a conseillé, au nom de la France et même du Vatican, de cesser de nous entre-tuer. Nous n’avons pas accepté et avons continué à saigner jusqu’à ce que Taëf nous a secoués. Nous avons cessé de nous entre-tuer; mais notre impulsivité a vécu compromettant toute tentative d’entente. Une nouvelle saison pour l’acte de contrition et avec cela, pas de contrition, mais une impulsivité permanente dont l’un des aspects est le boycottage du scrutin, exactement à l’instar des gens du Montenegro dans la Yougoslavie de ce temps. Ils boycottent les élections, parce que Slobodan Milosevic a élaboré une loi électorale lui permettant de revenir à la présidence de la Serbie, tout en constituant les listes électorales de manière à assurer le succès de ceux qu’il veut faire réussir. Tout l’Occident s’emploie à convaincre les gens du Montenegro, vainement; ils boycottent et que Milosevic revienne. Nous boycottons; et les élections ont lieu; nous boudons et nous nous coffrons dans nos maisons, attendant avec la marche du temps, un discours du père Salim Abou ou un article dans un journal ou une revue.
Pourtant, le devoir exige de dire le “non” positif; c’est-à-dire le “non” participant au lieu du “non” à la participation; et que soit dit le “oui” écrasant. Nous aurions au moins le mérite des gens du refus qui agissent. Est-ce une honte que l’exemple nous vienne du Montenegro que Joseph Broz Tito a pu, par un acte génial, rassembler à la Croatie et à la Serbie pour en faire avec trois autres entités, l’Etat ayant vécu ce qu’a vécu le maréchal?
Et quoi encore? Un nouveau Camp David? Peut-être, à condition que Washington prépare le dossier de Jérusalem, sans improviser. Le Serviteur des deux saintes mosquées et le président du comité “Al-Qods, les rois Fahd et Mohamed VI devant s’associer aux préparatifs et à la décision. De même que l’Egypte, la Syrie et les autres.
Churchill n’a pas préparé son dossier à Yalta et Potsdam. Pourtant, à Potsdam il a dû quitter après avoir appris son échec aux élections et la victoire de Clement Attlee. “Al-Qods”... “Al-Qods”, a dit Fahd Ben Abdel-Aziz à Yasser Arafat. Tout Arabe le dit et ne peut accepter moins que cela. Si les Arabes, après la tournée de Arafat et le périple d’Edward Walker, se trouvent perplexes, qu’Abou-Ammar reste sur sa position: Il est plus facile pour moi d’être assassiné par un Israélien pour avoir récupéré Jérusalem, que d’être tué par un Palestinien pour ne lui avoir pas restitué Jérusalem.
Ce sont des propos sains, parce que Jérusalem est la Palestine... sa moitié, après que la superficie de la Palestine ait été ramenée à moins que sa moitié. Telle est la légalité? Quelle légalité? La légalité avalée par les colonies ou la rancune contre les Arabes et l’alignement américain sur Israël. Et encore les rancunes émanant des “guides”: Barak est sans cerveau, parce qu’il a voulu donner Jérusalem aux Palestiniens... et nous rapprocher des serpents. Comme si l’Evangile a adressé ces paroles: “O fils des serpents...” nul ne sait à qui?
Une chose manque, c’est la bravoure, surtout chez ceux qui, en Israël, ont parlé de la paix des braves! 

Photo Melhem Karam

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