L’OPPOSITION MOBILISÉE POUR LA BATAILLE DE LA TROISIÈME PRÉSIDENCE

Le premier round des législatives au Liban prouve, s’il en est besoin, qu’en dépit de tout ce qu’on dit, la vie démocratique se porte bien chez nous.

De plus, il a été prouvé que l’Etat n’a pas failli à ses engagements, en restant neutre et à égale distance de tous les candidats le jour du scrutin. Preuve en est que la liste du ministre de l’Intérieur a été percée au Metn, par son principal adversaire, le large écart des voix annoncé précédemment par le ministre entre ses colistiers et leurs concurrents s’étant avéré inexact... Les élections du Mont-Liban et du Liban-Nord ont réservé des surprises, surtout au Chouf, au Metn-Nord et au Liban-Nord (Tripoli-Zghorta), alors que la liste de l’ex-ministre Georges Frem a été percée à Kesrouan-Jbeil.
Les résultats montrent un large écart de 120.000 voix entre la liste du leader du PSP, M. Walid Joumblatt et celle de son adversaire, Me Naji Boustany.
Quant à la liste de “l’Unité de la Montagne”, tous ses membres ont été élus à Aley-Baabda, à l’exception d’un seul, Abdo Bejjani, supplanté par Pierre Hélou. Seuls de la liste adverse, l’émir Talal Arslane et Ali Ammar ont obtenu le nombre des suffrages requis. La liste joumblattiste avait laissé vacants deux sièges (druze et chiite), aux fins de sauvegarder l’unité de la communauté druze, d’une part et de ne pas rompre les ponts avec le “Hezbollah”, d’autre part.
Au Metn-Nord, la liste Murr a été percée par MM. Nassib Lahoud et Pierre A. Gemayel. Le soir du dépouillement des bulletins de vote, le bureau électoral de M. Lahoud a publié les noms de quatre de ses colistiers qui auraient obtenu le nombre des voix requis, à savoir: Michel Samaha, Rafi Madayan (en plus de MM. Lahoud et Gemayel).
A Kesrouan-Jbeil, Farès Bouez, Farid Haykal el-Khazen et Abbas Hachem ont percé la liste Georges Frem. A Tripoli-Zghorta, le président Omar Karamé et Nayla Mouawad ont pu améliorer leur score, ainsi que M. Misbah Ahdab (individuel), tous trois ayant percé la liste Frangié-Mikati. De même, cinq membres de la liste de Issam Farès ont échoué.
Ayant suivi de près le déroulement des élections, dimanche dernier, en maintenant le contact avec le ministère de l’Intérieur, le président Salim Hoss s’est dit très satisfait du climat ayant caractérisé le scrutin au cours du premier round, en souhaitant que le second - à Beyrouth, au Sud et dans la Békaa - connaîtra un climat identique.
Le chef du gouvernement a salué les citoyens qui ont accompli leur devoir national et félicité les représentants de l’ordre pour avoir assuré l’ordre et la sécurité.
Pour en revenir au scrutin à Tripoli-Zghorta, le président Karamé s’est plaint de la coupure du courant dans certains bureaux de vote à Tripoli lors du dépouillement des bulletins de vote et s’est demandé si les “fantômes” étaient entrés en action afin d’obtenir les résultats conformes à leurs souhaits!
Fait à signaler: la tension qui avait marqué la campagne électorale au cours des dernières semaines, a baissé d’une manière sensible, suite à l’action entreprise par le président Nabih Berri, à l’effet de calmer le jeu,  après la visite qu’il fit à Damas. Il y a été reçu par le président Bachar Assad qui a, également, accueilli le général Michel Sleiman, commandant en chef de l’Armée, ainsi que d’autres hommes politiques, MM. Rafic Hariri, Walid Joumblatt et le président Salim Hoss.
Le chef de l’Etat syrien a émis l’espoir de voir les législatives se dérouler dans un climat paisible, en assurant que la Syrie se tenait à égale distance de tous les candidats. D’ailleurs, le président Lahoud a rappelé la position neutre du Pouvoir envers toutes les listes, tout en invitant les moyens d’information à faire montre d’un éveil national, en arrêtant toutes les cabales pour préserver l’intérêt supérieur de la patrie. Le président de la République a, pour la première fois, accompli son devoir d’électeur, car les militaires ne peuvent pas voter. Il a refusé de déposer son bulletin dans l’urne avant de se rendre dans l’isoloir pour donner le bon exemple. Il devait déclarer, par la suite, qu’après la consultation populaire, les principes définis dans son discours d’investiture seront appliqués à la lettre. “Il n’y aura pas de retour en arrière”, a-t-il ajouté. Nous œuvrons en vue d’édifier l’Etat de droit et des institutions”. Il faut reconnaître que le déploiement en force des effectifs de l’Armée et des FSI - quelque 10.000 éléments - au Mont-Liban et au Liban-Nord le jour des élections, a contribué à rasséréner l’atmosphère et à prévenir tout incident grave.
Puis, les opposants semblent avoir conclu un “pacte d’honneur” qui pourrait être maintenu après la fin des législatives. Ceux-ci formeraient une force de pression, surtout quand il s’agira de nommer le futur Premier ministre.
On peut dire, cependant, que l’Etat a été le premier gagnant, pour la raison qu’il est resté neutre, tout en assurant un scrutin libre et dans le pur style démocratique. C’est, d’ailleurs, ce qu’a souligné M. Michel Murr, ministre de l’Intérieur, durant la conférence de presse qu’il a tenue lundi en fin d’après-midi, pour proclamer les résultats officiels de l’opération électorale. Il apparaît de son exposé que la “Jamaa islamiya” et le parti Al-Waad (Hobeika-Ghanem) ont été les principaux perdants dans la bataille, alors que le président Karamé, Mme Nayla Mouawad (au Nord) et l’émir Talal Arslan à Aley-Baabda ont beaucoup perdu de leur assise populaire.
Quant à M. Murr, il a expliqué le succès de deux de ses principaux adversaires: MM. Nassib Lahoud et Pierre A. Gemayel au Metn-Nord, par le rapprochement intervenu in extremis, entre l’ex-président Amine Gemayel et Walid Joumblatt, ce qui a amené les membres du PSP au Metn à accorder leurs suffrages aux deux “opposants” metniotes, alors que près de mille cinq cents électeurs “Tachnag” n’ont pu voter à Bourj Hammoud, à cause des incidents qu’y ont provoqués les supporters de la liste adverse.
Cela dit, il y a lieu de faire état de la déclaration faite par M. Walid Joumblatt dès la proclamation des résultats: le leader du PSP a pris violemment à partie le Pouvoir et l’a invité “à tirer les leçons du scrutin pour rectifier sa gestion de la chose publique”. Et d’ajouter: “Nous ne nous exprimons pas, aujourd’hui, avec la griserie de la victoire, mais avec calme et loin des tensions auxquelles nous étions soumis avant les élections... Le Liban ne peut survivre qu’à l’ombre d’un système démocratique. Cela suppose une loi électorale équilibrée et l’adoption des petites circonscriptions, en vue de rendre possible l’entente nationale véritable... Le peuple nous a accordé sa confiance avec Nassib Lahoud, Pierre Gemayel et Omar Karamé, tout en condamnant d’anciens symboles qui ne représentent plus rien. Aussi, appelons-nous le président de la République à mettre sur pied un Cabinet d’entente nationale à la lumière des résultats du scrutin de dimanche dernier”.
Invité à expliquer le ton de son discours d’aujourd’hui différent de celui d’hier, M. Joumblatt a répondu: “Je n’avais pas précédemment le même éveil de la conscience.” Enfin, il importe de faire état des rencontres que le président Bachar Assad a eues avec plusieurs personnalités politiques libanaises: le président Nabih Berri, MM. Rafic Hariri, Walid Joumblatt, le commandant en chef de l’Armée et le président Salim Hoss, avec lesquelles il a échangé les vues sur les questions d’intérêt commun. Sur le chemin du retour, ces personnalités ont fait une halte à Anjar où elles ont conféré avec le brigadier Ghazi Kanaan, chef des services de renseignements des forces syriennes stationnées en territoire libanais. Le président Hoss qui est allé dans la capitale syrienne à l’invitation du président Assad, a rendu compte au chef de l’Etat de la teneur de son entretien avec M. Assad. Le chef du gouvernement s’est dit très satisfait de son entrevue avec le président Assad, autant que du climat dans lequel le scrutin s’est déroulé au Mont-Liban et au Liban-Nord.
Sur un autre plan, il y a lieu de signaler les entretiens que le président Berri a eus au début de la semaine à Saïda, partant de son souci de maintenir de bonnes relations avec Mme Bahia Hariri et M. Moustapha Saad, la première ayant offert en l’honneur du chef du Législatif un dîner en sa résidence de Majdalioun à laquelle ont assisté son frère, M. Rafic Hariri et plusieurs personnalités et notabilités sudistes.
A présent, tout est mis en branle en prévision du second round du scrutin dimanche prochain à Beyrouth, dans la Békaa et au Liban-Sud. Les opposants mobilisant tout leur potentiel matériel et humain pour faire échouer le président Hoss et même M. Tammam Salam, deux principaux concurrents de M. Hariri pour la présidence du Conseil.

NADIM EL-HACHEM

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