LA DÉMOCRATIE DES ÉLECTIONS FACE À DES PHÉNOMÈNES INQUIÉTANTS
LE DÉFERLEMENT DE L’ARGENT ET LA SOUMISSION AUX ROULEAUX-COMPRESSEURS
Le panachage, les listes “piégées” ou “truquées”, les rumeurs, les alliances de dernière heure, rien n’a pu ébranler, en ce dimanche 3 septembre, le raz-de-marée haririen qui a déferlé sur la capitale, le “rouleau-compresseur” du tandem “Amal-Hezbollah” au Sud et les “mini-bus” de la Békaa. Dans toutes les circonscriptions des trois mohafazats, une seule liste a pu être percée par un candidat à Zahlé et partout ailleurs, les listes complètes ont passé haut la main.
Le phénomène est plutôt inquiétant et reflète un état d’esprit et une mainmise qui sont bien loin du véritable jeu démocratique. Le scrutin de ce dimanche 3 septembre tout comme celui du 27 août, s’est déroulé dans un climat de liberté et de neutralité de l’Etat tel que le président Emile Lahoud l’a promis. Mais on ne peut pas dire qu’il répondait aux normes d’une vraie démocratie, étant donné l’argent qui a été dépensé à flot pour influencer le choix de l’électorat, ainsi que le recours au langage confessionnel, notamment au niveau de l’électorat sunnite de la capitale.
La grande surprise de ce scrutin aura été la défaite du président Salim Hoss et de M. Tammam Salam. On dirait que dans son déferlement sur la capitale, l’ancien Premier ministre Hariri a voulu balayer sur son passage, tout autre leader sunnite, sans aucun respect des rapports de forces traditionnels. Alors qu’à Aley, M. Joumblatt a su préserver la tradition en réservant une place à Talal Arslan sur la liste qu’il patronnait.
Ce monopole haririen sur Beyrouth peut avoir de graves conséquences sur la vie politique au plan national.
Une autre constatation se dégage de l’ensemble des législatives 2000: l’impact des voix musulmanes dans le choix des députés chrétiens. Mises à part les circonscriptions électorales de Jbeil-Kesrouan et du Metn-Nord, partout ailleurs, les députés chrétiens ont été élus par les voix musulmanes, aussi bien à Beyrouth, qu’à Baabda-Aley, au Chouf, au Nord, au Sud et dans la Békaa. D’où la nécessité de réviser, une fois pour toutes, la loi électorale, afin d’adopter un découpage, celui au minimum à base du caza, ou même uninominal, afin de respecter l’équilibre communautaire du pays et de préserver l’entente nationale. Dernière remarque: les législatives 2000 n’ont amené à la Chambre que trois femmes: une au Nord, Nayla Mouawad; une à Beyrouth, Ghenwa Jalloul et une au Sud, Bahia Hariri.
 

La capitale avait été découpée en trois circonscriptions électorales et les Beyrouthins ont été appelés à élire dix-neuf députés de différentes communautés parmi les 84 candidats en lice. Le découpage devait permettre aux trois leaders sunnites: Hoss, Hariri et Salam, de réussir, chacun se présentant dans une circonscription différente et pour affaiblir, surtout, l’ancien Premier ministre. Le découpage a eu, cependant, un effet contraire. M. Hariri qui se présentait dans la première circonscription à la tête d’une liste complète, avait présenté des listes dans les deux autres circonscriptions, faisant face dans la deuxième à la liste patronnée par M. Tammam Salam et dans la troisième, à celle du président Salim Hoss.


M. Michel Murr au cours de sa conférence de presse.

Au terme de la journée électorale que tout le monde s’accordait à qualifier de “mère des batailles”, ce fut un véritable raz-de-marée haririen. L’ancien Premier ministre l’emportait haut la main, dans les trois circonscriptions, faisant passer les dix-huit candidats des trois listes de la “dignité”, le dix-neuvième étant le candidat chiite du “Hezbollah” qui se présentait dans Beyrouth II sur la liste de Tammam Salam. Hariri lui avait laissé une place sur sa liste.
 
Première circonscription de Beyrouth: Achrafieh, Mazraa, Saïfi
Electeurs inscrits: 127604 dont 67.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 6, répartis comme suit: 2 sunnites, 12 candidats; un maronite, 8 candidats; un grec-orthodoxe, 5 candidats; un grec- catholique, 4 candidats et un protestant, 3 candidats.
Total: 32 candidats
Candidats élus:
Rafic Hariri (sun): 34.820 voix.
Adnane Arakji (sun): 27.943 voix.
Michel Pharaon (g.-c.): 36.014 voix.
Ghattas Khoury (mar): 29.717 voix.
Atef Majdalani (g.-o.): 32.807 voix.
Bassel Fleyhane (pro): 32.147 voix.
Candidats malheureux:
Fouad Makhzoumi (sun), Michel Sassine (g.-o.), Massoud Achkar (mar) et Abraham Dédéyan (pro).
Taux de participation: Achrafieh: 30%; Mazraa: 51%; Saïfi: 19%.

Deuxième circonscription de Beyrouth: Mousseitbé, Bachoura, Rmeil
Electeurs inscrits: 128.700 dont 68.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 6, répartis comme suit: 2 sunnites, 12 candidats; un grec-orthodoxe, 3 candidats; un chiite, 5 candidats; un arménien-orthodoxe, 3 candidats et un pour les minorités, 6 candidats.
Total: 29 candidats.
Candidats élus:
Walid Eido (sun): 25.065 voix.
Bassem Yammout (sun): 23.721 voix.
Béchara Merhej (g.-o.): 28.076 voix.
Mohamed Berjaoui (chi. Hez): 28.391 voix.
Yeghia Djerdjian (arm-orth): 26.175 voix.
Nabil de Freige (mino): 26.351 voix.
Candidats malheureux:
Tammam Salam (sun), Mihran Séférian (arm-orth), Habib Frem (mino) et Mohamed Machnouk (sun).
Taux de participation: Mousseitbé: 43%; Bachoura: 39%; Rmeil: 18%.

Troisième circonscription de Beyrouth: 
Aïn Mreissé, Ras-Beyrouth, Zokak el-Blatt, Médawar, Port, Mina el-Hosn
Electeurs inscrits: 114.913, dont 69.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 7, répartis comme suit: 2 sunnites, 10 candidats; un druze, 4 candidats; un chiite, 3 candidats; 2 arméniens-orthodoxes, 4 candidats et un arménien-catholique, 2 candidats.
Total: 23 candidats.
Candidats élus:
Ghenwa Jalloul (sun): 24.845 voix.
Mohamed Kabbani (sun): 23.403 voix.
Ghazi Aridi (dru PSP): 27.117 voix.
Serge Toursarkissian (arm. orth.): 26.062 voix.
Jean Oghasabian (arm. - orth.): 26.088 voix.
Hagop Kassardjian (arm.-cath.): 26.233 voix.
Nasser Kandil (chi): 28.887 voix.
Candidats malheureux:
Salim Hoss (sun), Mohamed Youssef Beydoun (chi), Issam Naaman (dru) et Arthur Nazarian (arm.-orth.).
Taux de participation: Aïn Mreissé: 43%; Ras-Beyrouth: 39%; Zokak el-Blatt: 41%; Medawar: 28%; Port: 38%; Mina el-Hosn: 24%.

Dès le début de la nuit du dimanche 3 septembre, les résultats étaient connus et ce fut une véritable explosion de joie devant la résidence de Hariri à Koraytem.
 

M. Fouad Makhzoumi.

Le député élu Ghenwa Jalloul.

Mme Nazek Hariri votant.

Comment peut-on, dans une première lecture, expliquer cette victoire fulgurante de Hariri? Il y a, tout d’abord, la puissante machine électorale et médiatique dont il dispose, doublée de moyens financiers énormes. D’ailleurs, le président Hoss n’a fait que dénoncer tout au long de la campagne “l’usage abusif de l’argent”.
 
M. Tammam Salam entouré des membres de sa liste.
Devant un bureau de vote à Achrafieh

La crise socio-économique que le gouvernement n’a pu endiguer ou atténuer, a renforcé les courants d’opposition, sans que ces derniers aient apporté une quelconque réponse à ces mêmes problèmes. Ajouter à cela, les faiblesses, erreurs et failles de la campagne médiatique menée par les candidats “loyalistes” qui a servi, en fin de compte, leurs adversaires.
Certains parlent, aussi, de l’utilisation de slogans confessionnels et sectaires au sein d’une même communauté pour mobiliser les foules.

FAIBLE PARTICIPATION DE L’ÉLECTORAT CHRÉTIEN
Concernant le déroulement du scrutin dans les trois circonscriptions de Beyrouth, on relève la faible participation de l’électorat chrétien tant à Achrafieh, qu’à Rmeil, Saïfi et Médawar.
Pourtant, l’animation dans les rues d’Achrafieh est vive: convois de supporters circulant dans les rues, présences massives de délégués devant les bureaux de vote, distribuant les listes des candidats. A l’intérieur des bureaux, la situation est plutôt calme, les électeurs n’arrivant pas en masse.
Les listes électorales comportent des erreurs et l’électeur doit se déplacer d’un centre de vote à un autre, pour trouver son nom. Je croise, ainsi, une nonagénaire, dont le nom ne figure pas parmi les électrices. Elle refuse de dire qu’est-ce qui la motive de la sorte, alors qu’elle se traîne et s’essouffle sur les marches d’un centre électoral, pour aller glisser son bulletin dans l’urne.
Un chef de bureau de vote réservé aux femmes, m’explique que les erreurs sont dues des fois au changement du rite de l’épouse après son mariage, la femme devant suivre celui de son mari.
L’électorat chrétien opte, aussi, pour le panachage, même si son vote, ne pourra en rien changer le raz-de-marée haririen.
Massoud Achkar, candidat indépendant au siège maronite de Beyrouth I, obtient un vote massif à l’Est de la capitale sans que cela lui assure la victoire.
Du côté de l’électorat musulman sunnite à Mazraa, Mousseitbé et chiite, à Bachoura, le vote est bien plus massif, le panachage est plutôt réduit et ceux qui votent Hariri, le clament haut et fort.
Un fait commun à tous les secteurs de la capitale: les listes piégées ou truquées n’auront aucun impact sur les résultats.
L’électorat arménien se démarque pour ces législatives 2000 de son attitude traditionnelle.
Les partis Tachnag et Henchag ont leurs candidats sur les listes présidées par le président Hoss (Beyrouth III) et par M. Tammam Salam (Beyrouth II). Le parti Ramgavar et des candidats arméniens indépendants sont alliés à M. Hariri. Ils ont réussi non pas tant grâce au vote des Arméniens, que des sunnites. D’ailleurs, dans les bureaux de vote des Arméniens, l’affluence est faible.
Le vote du 3 septembre consacre M. Hariri en tant que leader incontesté de la capitale, mais la défaite du Premier ministre, M. Salim Hoss et du leader beyrouthin, M. Tammam Salam crée, un certain malaise et soulève une multitude de questions sur le rapport des forces politiques dans la phase à venir.
Par sa victoire, M. Hariri a-t-il assuré son retour à la présidence du Conseil?

LE MOHAFAZAT DE LA BÉKAA
La Békaa a été découpée en trois circonscriptions électorales où près de 450.000 électeurs inscrits, se rendent aux urnes le dimanche 3 septembre, pour élire 23 candidats parmi cent en lice.
Dans chaque circonscription, plusieurs listes s’affrontent, les unes dites “loyalistes” ou “principales”, les autres “d’opposition”. Plusieurs candidats se présentent à titre indépendant. Mais l’impression qui se dégage d’avance est que les “mini-bus” vont passer.
Il en est ainsi, malgré le panachage, les listes piégées ou truquées, la guerre des rumeurs, le retour sur scène de Toufaïly à Baalbeck, l’activisme des communistes dans la Békaa-Ouest... Rien à faire! Les trois listes principales passent à une seule exception: celle de Zahlé est percée par un candidat.
 
Circonscription électorale de Baalbeck-Hermel
Electeurs inscrits: 210.610, dont 137.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 60%. Les électeurs sont répartis comme suit:
Caza de Baalbeck: 177.704 dont: chiites, 117.165; maronites, 18.171; catholiques, 14.703; sunnites, 243; divers: 2.422.
Caza du Hermel: 23.129 dont: chiites, 21.716; sunnites, 829; maronites, 580.
Nombre de sièges: 10, répartis comme suit: 6 chiites, 32 candidats; 2 sunnites, 9 candidats; 1 maronite, 8 candidats et un grec-catholique, 3 candidats.
Total: 52 candidats.
Candidats élus:
Hussein Husseini (chi): 50.625 voix.
Ghazi Zéaïter (chi-Amal): 52.139 voix.
Assem Kanso (chi-Baas): 40.153 voix.
Ammar Moussawi (chi-Hez): 56.326 voix.
Hussein Hajj Hassan (chi-Hez): 57.657 voix.
Mohamed Yaghi (chi-Hez): 48.048 voix.
Ibrahim Bayan (sun): 51.375 voix.
Massoud Houjeiri (sun): 43.777 voix.
Marwan Farès (g.-c.-PSNS): 42.862 voix.
Nader Succar (mar-Kataëb): 35.765 voix.
Candidats malheureux:
Tarek Habchi (mar) et Albert Mansour (g.-c.).
Taux de participation: 40%.

Circonscription électorale de Zahlé
Electeurs inscrits: 131.000 dont 79.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 70%.
Nombre de sièges: 7, répartis comme suit: 2 grecs-catholiques, 5 candidats; un maronite, 4 candidats; un grec-orthodoxe, 4 candidats; un chiite, 5 candidats; un sunnite, 5 candidats et un arménien-orthodoxe, 3 candidats.
Total: 26 candidats.
Candidats élus:
Elie Skaff (g.-c.) 28.467 voix.
Nicolas Fattouche (g.-c.): 27.513 voix.
Khalil Hraoui (mar): 24.013 voix.
Mohsen Dalloul (chi): 23.117 voix.
Mohamed Meiss (sun): 25.027 voix.
Youssef Maalouf (g.-o.): 26.493 voix.
Georges Kassardji (arm. orth.): 27.027 voix.
Candidats malheureux
Fouad Turk (g.-c.) et Mikhaël Debs (g.-o.).
Taux de participation: 35%.

Circonscription électorale de la Békaa-ouest et de Rachaya
Electeurs inscrits: 102.000 dont 56.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 6, répartis comme suit: 2 sunnites, 7 candidats; un maronite, 3 candidats; un grec-orthodoxe, 3 candidats; un chiite, 4 candidats et un druze, 5 candidats.
Total: 22 candidats.
Candidats élus:
Robert Ghanem (mar): 18.314 voix.
Elie Ferzli (g.-o.): 22.026 voix.
Sami Khatib (sun): 18.874 voix.
Abdel-Rahim Mrad (sun): 17.114 voix.
Mahmoud Abou-Hamdane (chi-Amal): 22.757 voix.
Fayçal Daoud (druze): 16.505 voix.
Candidats malheureux:
Henri Chédid: (mar), Farouk Dahrouje (sun-communiste) et Assaad Serhal (druze-PSP). 
Taux de participation: Békaa-ouest: 45%; Rachaya: 40%.

ZAHLÉ: FAIBLE TAUX DE PARTICIPATION
Les deux listes complètes, l’une présidée par M. Elie Skaff député; l’autre, par l’ambassadeur retraité Fouad Turk, ainsi que les listes incomplètes et les candidats indépendants ne réussissent pas à secouer les Zahliotes pour les amener aux urnes. La “fiancée de la Békaa” offre un visage plutôt calme en cette journée électorale et les délégués des candidats sont plus nombreux que les votants.
Passées les premières heures du vote, les listes piegées font aussitôt leur entrée en scène, doublées d’une guerre de rumeurs et d’accusations. M. Skaff dénonce vivement le recours au billet vert: “L’argent achète les décisions et la patrie”, dit-il. Pour montrer la cohésion de sa liste, il se rend aux urnes en compagnie du député-candidat Nicolas Fattouche (en 96, ils étaient sur deux listes opposées).
Le panachage a quand même pour effet, de permettre au candidat M. Youssef Maalouf, colistier de M. Turk, de percer la liste Skaff, prenant la place de M. Mikhaël Debs.
A Zahlé, l’ex-chef d’Etat Elias Hraoui, venu voter dans sa ville natale, affirme qu’il “restait neutre” dans cette bataille, appuyant le Liban dans sa liberté, son indépendance et sa dignité”. J’espère, ajoute-t-il, que chaque Zahliote aura la liberté de désigner le candidat qui le défendra le plus fermement à la Chambre”.
Le calme de la journée électorale est troublé par quelques incidents. Un bédouin naturalisé libanais est tué par balles dans une permanence relevant de Youssef Maalouf. Selon certaines sources, la victime serait venue avec d’autres naturalisés réclamer leur “dû”.
 

Des éléments de l’Armée assurant 
la sécurité dans la Békaa.

M. Elie Skaff.

M. Khalil Hraoui.

À BAALBECK-HERMEL
Pour les dix sièges que se disputent 52 candidats, trois listes s’affrontent dont, en tête, la liste de coalition groupant “Amal”, le “Hezbollah”, le parti Baas, le PSNS et même un Kataëb imposé, dit-on, par Damas.
La deuxième liste est menée par Ali Sabri Hamadé, fils de l’ancien président de la Chambre et, la troisième, appuyée par cheikh Sobhi Toufaïly, dissident du “Hezbollah” et recherché par la justice.
Faible le matin, l’affluence aux urnes augmente en cours de journée et s’intensifie à partir de 16 heures, suite aux directives de la machine électorale du “parti de Dieu” qui demande de voter liste, pour contrer tout panachage.


M. Ghazi Zéaïter.

Le vote des chrétiens reste limité, sauf à Deir el-Ahmar où les électeurs se rendent aux urnes en grand nombre, du fait que quatre des huits candidats maronites en lice pour un siège, sont originaires de cette localité ou du caza. “Mes chances de réussite reposent sur la volonté des électeurs”, affirme le Dr Tarek Habchi, ancien député qui ne pourra pas disputer sa place à Nader Succar, candidat sur la liste de la coalition.
Il en est de même, pour Albert Mansour, ancien député, candidat au siège grec-catholique et colistier de M. Habchi. Mais rien à faire face au mini-bus et c’est ce qu’exprime Jihad Taha, fils de l’ancien président de l’Ordre de la Presse, Riad Taha. Candidat chiite sur la liste soutenue par Toufaïly, Jihad Taha affirme: “Les citoyens ont un sentiment de frustration, car ils sentent que le sort de ces élections a été fixé et les noms des élus sont connus à l’avance”.

DANS LA BÉKAA-OUEST ET À RACHAYA
Les six députés qui représentent cette circonscription au parlement de 1996, font liste commune et retrouveront tous leur place sous l’hémicycle. N’empêche que la bataille que l’on croit a priori calme et même banale se révèle par moments assez vive, car les candidats indépendants réussissent à mobiliser leurs partisans. Le panachage et les rumeurs réussiront même à faire planer, à certains moments, l’incertitude sur l’issue du scrutin. Les candidats Henri Chédid, maronite et, surtout, Farouk Dahrouje, sunnite-communiste et Assaad Serhal, druze-PSP, espèrent pouvoir percer la liste. Peine perdue. La coalition, très forte, fait face aux rumeurs et demande de voter liste “afin que les voix du peuple permettent aux membres de la liste entière d’assurer les services nécessaires à la région”, affirme M. Robert Ghanem, député-candidat.
Dans l’ensemble, le scrutin se déroule dans un climat calme et de liberté, malgré certaines irrégularités sur les listes électorales qu’on retrouve dans les différentes circonscriptions.

LIBAN-SUD: LE ROULEAU-COMPRESSEUR
Nul ne se fait le moindre doute sur l’issue du vote dans les mohafazats du Liban-Sud, en présence d’une liste de coalition de 23 membres réunissant les mouvements chiites “Amal” et le “Hezbollah”. Pouvoir percer ce “rouleau-compresseur” tient absolument du miracle; pourtant, plusieurs candidats téméraires, soit à titre individuel, soit sur des listes incomplètes affrontent les “23”, notamment l’ancien président de la Chambre Kamel el-Assaad, MM. Elias Abou-Rizk, président de la CGTL; Habib Sadek, ancien député ou le député sortant, Nadim Salem, éloigné de la coalition, pour avoir pris la défense de Jezzine après le retrait de l’ALS de ce secteur en 1998.
Les élections au Liban-Sud revêtent une importance particulière, du fait que la bande frontalière participe, pour la première fois, au scrutin, suite au retrait israélien.
L’autre spécificité ayant marqué le scrutin dans cette région par rapport à toutes les autres, est le fait que le Sud forme une circonscription électorale unique, vu qu’il était encore sous occupation au moment où la loi électorale a été promulguée.
Son découpage aurait pu très facilement être adopté pour les législatives 2000, vu que la partie méridionale du pays a été libérée, il y a plus de trois mois. Mais le maintien de la région en une seule circonscription, fait l’intérêt aussi bien du mouvement “Amal” que du “Hezbollah”.
86 candidats sont en lice pour les 23 sièges et près de 600.000 électeurs sont appelés aux urnes.
 
Caza de Saïda
Electeurs inscrits: 119.960, dont 88.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 60%.
Nombre de sièges: 2 sièges sunnites que se disputaient: 5 candidats.
Candidats élus:
Bahia Hariri (sun): 182.314 voix.
Moustapha Saad (sun): 211.575 voix.
Taux de participation: 50%.

Caza de Zahrani
Electeurs inscrits: 75.802 dont 60.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 70%.
Nombre de sièges: 3, répartis comme suit: 2 chiites, 6 candidats; un grec-catholique, 3 candidats.
Total: 9 candidats.
Candidats élus:
Nabih Berri: (chi-Amal): 183.450 voix.
Ali Osseirane (chi): 176.830 voix.
Michel Moussa (g.-c.): 175.815 voix.
Taux de participation: 55%.

Caza de Tyr
Electeurs inscrits: 124.000 dont 76.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 60%.
Nombre de sièges: 4 sièges chiites que se disputaient 13 candidats.
Candidats élus:
Abdallah Cassir (chi-Hez) 176.650 voix.
Mohamed Abdelhamid Beydoun (chi-Amal): 176.550 voix.
Ali el-Khalil (chi): 175.155 voix.
Ali Khreiss (chi-Amal): 166.871 voix.
Taux de participation: 47%.

Caza de Bint-Jbeil
Electeurs inscrits: 94.000 dont 46.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 3 sièges chiites que se disputaient 8 candidats.
Candidats élus:
Mohamed Fneich (chi-Hez): 200.840 voix.
Ayoub Hmayed (chi-Amal): 174.190 voix.
Ali Bazzi (chi-Amal): 166.796 voix.
Taux de participation: 50%.

Caza de Nabatieh
Electeurs inscrits: 95.000 dont 72.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 75%.
Nombre de sièges: 3 sièges chiites que se disputaient 10 candidats.
Candidats élus:
Mohamed Raad (chi-Hez): 200.901 voix.
Abdellatif el-Zein (chi): 173.891 voix.
Yassine Jaber (chi-Amal): 170.012 voix.
Taux de participation: 55%.

Caza de Jezzine
Electeurs inscrits: 48.000 dont 21.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 40%.
Nombre de sièges: 3, répartis comme suit: 2 maronites, 10 candidats et un grec-catholique, 5 candidats.
Total: 15 candidats.
Candidats élus:
Georges Najm (mar): 192.402 voix.
Samir Azar (mar): 170.633 voix.
Antoine Khoury (g.-c.): 165.960 voix.
Taux de participation: 33%.

Cazas de Marjeyoun et Hasbaya
Electeurs inscrits: à Marjeyoun: 78.000 dont 32.000 ont retiré leur carte électorale, soit près de 40%.
A Hasbaya: 35.000 dont 17.000 ont retiré leur carte, soit près de 50%.
Nombre de sièges: 5, répartis comme suit: 2 chiites, 7 candidats; un sunnite, 9 candidats; un druze, 6 candidats et un grec-orthodoxe, 4 candidats.
Total: 26 candidats.
Candidats élus:
Nazih Mansour (chi): 187.860.
Anouar el-Khalil (dru): 170.866.
Kassem Hachem (sun): 166.537.
Ali Hassan Khalil (chi-Amal): 165.278.
Assaad Hardane (g.-o. PSNS): 161.959.
Taux de participation:
Marjeyoun: 40%; Hasbaya: 30%.

SAÏDA: BATAILLE POUR LE LEADERSHIP
A Saïda, à quelques jours du scrutin, le chef du Législatif, M. Nabih Berri a parrainé la réconciliation entre les députés Bahia Hariri et Moustapha Saad, tous deux candidats sur la liste de coalition. On connaissait, dès lors d’avance, le résultat du vote. L’enjeu de la bataille de Saïda sera de savoir, qui des deux allait recueillir le plus grand nombre de voix et affirmer son leadership sur le chef-lieu du Sud. Moustapha Saad recueillera le plus de voix.
A noter, par ailleurs, que les Bizri qui ont un certain poids électoral dans ce secteur, n’ont pas présenté de candidat et une partie de leur électorat a préféré s’abstenir.
 
M. Moustapha Saad.
Mme Bahia Hariri.

À TYR ET BINT-JBEIL, CLIMAT CALME
Les Sudistes de la bande frontalière dans le caza de Bint-Jbeil votent, pour la première fois, dans leurs villages depuis vingt-huit ans. La famille et le clan jouent un rôle dans ce vote et les jeunes qui se rendent aux urnes, prêtent oreille aux conseils des aînés. On note, certes, un peu partout une présence massive des supporters du “Hezbollah” et de “Amal”, ce qui n’empêche pas le panachage.
L’électorat chrétien de Aïn Ebel, Débel et Rmeich, vote quoiqu’en plus faible proportion que les chiites, conscient sans doute de l’importance à se placer sous le giron de la légalité. Tout en affirmant leur appui à la liste de coalition, les électeurs biffent des noms pour les remplacer par ceux de Kamel el-Assaad, Habib Sadek et Nadim Salem.
A Tyr, le climat électoral est, également calme et l’un des objectifs des délégués des candidats est de pourchasser les listes “piégées”.
 
Le président Nabih Berri acclamé par la foule.
MM. Mohamed A. Beydoun et Abdallah 
Cassir, entourés de leurs partisans.

À NABATIEH, MARJEYOUN ET HASBAYA: PANACHAGE ET FAIBLE AFFLUENCE
A Nabatieh, la situation est plutôt calme et, le matin, le taux de participation est faible. C’est à partir de trois heures de l’après-midi que les partisans d’“Amal” et du “Hezbollah” affluent aux urnes. Le panachage ne constitue aucune menace pour le “rouleau-compresseur”, étant donné que les opposants n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour former une liste forte face à celle des “23”. Entre eux déjà, il y a trop de contradictions et cela les affaiblit.
Du côté de Hasbaya et de Marjeyoun, les électeurs se rendent pour la première fois aux urnes dans leurs villages depuis 28 ans. Le scrutin se déroule dans un climat paisible. Il y a peu d’affluence et cela est dû au fait qu’une bonne majorité des habitants de l’ex-zone de sécurité ne se sont pas donné la peine d’aller voter.
Klaïa constitue un cas à part et l’affluence des votants y est surprenante. Un habitant affirme: “Nous devrions voter pour la liste Berri, parce que nous espérons que ces candidats tiendront leurs promesses en ce qui concerne les Libanais exilés en Israël ou emprisonnés”.
 
M. Nadim Salem.
M. Georges Najm.

JEZZINE: NON, AU ROULEAU-COMPRESSEUR
Jezzine réagit vivement contre le découpage électoral qui l’a rattaché à Nabatieh et contre la formation d’une liste de coalition, où les deux candidats maronites et le candidat grec-catholique qui la représentent au parlement, lui sont imposés par le tandem “Amal-Hezbollah”. Jezzine choisit de voter pour dire “non” au “rouleau-compresseur”, tout en sachant qu’elle ne pourra pas changer le fait accompli. Son vote plébiscite Nadim Salem, écarté de la liste des “23” pour avoir défendu sa ville et sa région lors des réunions de Mar Roukos et constitue un rejet du candidat maronite, Georges Najm, imposé par le “Hezbollah”.
Espérons que ce vote contestataire de Jezzine (de 33%) aura son écho dans les milieux politiques et que la réforme électorale qu’on évoque déjà à la lumière des effets du scrutin 2000, sera plus juste et plus équitable, pour celui de mai 2005.

NELLY HELOU

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