Après le déroulement du scrutin dans un climat paisible,
en général, les Libanais et, en particulier, les Beyrouthins,
se sont réveillés à l’amère réalité
ayant consisté dans l’échec du président Salim Hoss,
de MM. Tammam Salam qui a tant donné à la capitale à
travers l’association des Makassed et Mohamed Y. Beydoun, en service actif
au double plan de la politique et de l’enseignement depuis près
d’un quart de siècle. Ainsi que l’a révélé
le président du Conseil depuis le début de la campagne, la
“puissance de l’argent” a constitué la principale cause de son échec
avec ses colistiers et d’autres personnalités de premier plan. Mais
cela ne signifie pas que la troisième présidence est promise
à un “présidentiable” déterminé, nul ne pouvant
encore prétendre “disposer” de la majorité parlementaire.
On ne sait pas pour l’heure qui fera du loyalisme ou ralliera l’opposition,
toutes les parties étant soucieuses de ne pas entrer en conflit
avec le régime et son chef, observe un membre en vue de l’Assemblée.
Partant de là, le dernier mot en ce qui concerne la désignation
du futur Premier ministre sera au président Emile Lahoud qui a déjà
tracé les grandes lignes du nouveau gouvernement, lequel aura à
concrétiser les principes et constantes définis par le discours
d’investiture et à aider à l’édification de l’Etat
de la loi et des institutions.
Quoi qu’il en soit, une tendance se dessine, après le raz-de-marée
(haririen) en faveur d’un freinage de la puissance de l’argent, par l’élaboration
d’un projet de loi fixant le plafond des dépenses de chaque candidat
aux législatives, pour mettre un terme à l’achat des consciences
et, partant, assurer l’accès au parlement d’éléments
vraiment représentatifs.
Il va sans dire que les partisans de M. Rafic Hariri vont entreprendre
une campagne d’envergure pour assurer son retour au Grand Sérail,
en le présentant comme “l’unique sauveur de la République”,
capable de sortir le pays du marasme économique. Lui-même
a effectué un périple arabe en vue de s’assurer l’appui de
certains responsables arabes à sa candidature à la présidence
du Conseil. Mais nul n’ignore que le retour de M. Hariri au palais du gouvernement
n’est pas aussi facile qu’il l’imagine.
Pour le moment, un début de controverse est institué
autour d’une idée lancée par le président Hoss, suggérant
d’écourter le mandat de l’actuelle législature, afin de permettre
à la nouvelle Assemblée de s’atteler à la tâche
sans plus de retard et de mettre sur pied une nouvelle équipe ministérielle.
Les regards étaient tournés en début de semaine
vers Msaileh où le président Nabih Berri a tenu une conférence
de presse, afin de proclamer sa position envers les problèmes d’actualité,
à commencer par la proposition de M. Hoss d’écourter le mandat
de la Chambre et, aussi, de former le nouveau Cabinet qui préparera
la tenue de la conférence des pays donateurs en octobre, le gouvernement
actuel devant se contenter d’expédier les affaires courantes. Il
ne faut pas perdre de vue, d’autre part, la déclaration de cheikh
Naïm Kassem, vice-président du “Hezbollah”, qui a dit que les
résultats des élections ne peuvent mettre en avant le nom
du Premier ministre “dont la désignation suit un mécanisme
politique spécial, les consultations du chef de l’Etat pouvant donner
des résultats différents de ceux qu’on imagine”...
En ce qui concerne la forme du futur Cabinet, il semble qu’on s’achemine
vers un gouvernement élargi, à moins de se contenter d’un
nombre intermédiaire de ministres, ni trop grand, ni trop restreint.
Les hauts responsables s’emploient, à présent, à
une analyse minutieuse des résultats de la consultation populaire
du 27 août et du 3 septembre, non sous l’angle du nombre des sièges
obtenus par les leaders sunnites, afin de dégager la “signification
politique” du choix de l’électorat.
Les conclusions de cette analyse serviraient de base à la constitution
du futur Cabinet au triple plan de sa forme, du nombre de ses membres et
de son programme, doublé d’un ordre des priorités.
Les blocs de l’opposition commencent à se concerter, afin de
former un front uni lors des consultations présidentielles, MM.
Rafic Hariri et Walid Joumblatt devant être les premiers à
se retrouver dans les jours à venir, aux fins d’établir leur
plan et leur stratégie.
Au cours de la conférence de presse qu’il a tenue mardi, l’ancien
Premier ministre s’est montré conciliant, se disant prêt “à
tendre la main à tout le monde et à coopérer avec
les leaderships politiques, en vue de remettre le pays sur les rails”.
Ceci avait tout l’air d’une déclaration ministérielle, en
plus d’un programme qu’il s’engagerait à réaliser s’il était
chargé de former le nouveau gouvernement. Cependant, il a posé
comme condition, pour accepter d’assumer les charges du Pouvoir, que le
gouvernement forme un groupe de travail homogène et fort, pour pouvoir
concrétiser l’entente nationale.
En réponse à une question portant sur le montant des
sommes qu’il a dépensées pour sa bataille électorale,
M. Hariri a dit que celles-ci n’avaient pas excédé le dixième
des vingt millions de dollars qu’on le soupçonne d’avoir dépensé
(soit 2 millions de dollars).
Et tout en se félicitant de l’attitude neutre de l’Etat, du
gouvernement et de la manière exemplaire dont les forces sécuritaires
se sont acquittées de leur mission, M. Hariri a assuré qu’aucun
conflit d’ordre personnel ne l’opposait au président Lahoud.
Justement, le président de la République a fait dimanche
soir, dès la fermeture des bureaux de vote, une déclaration
par laquelle il s’est prononcé en faveur d’un Cabinet d’entente
capable de redresser la situation surtout au plan économique et
de permettre au Liban de jouer son rôle au plan extérieur.
Ceci a été au centre de sa rencontre hebdomadaire mardi avec
le président Hoss.
Le second et dernier rounds des législatives ayant eu lieu dimanche
dernier à Beyrouth, au Liban-Sud et dans la Békaa ont complété
la nouvelle législature, dont le mandat s’étendra jusqu’en
mai 2005, étant élue pour quatre ans et huit mois. Principal
perdant, le président Hoss a déclaré au cours de sa
conférence de presse tenue lundi dans son bureau au Sérail:
“Je ne peux que souscrire à la volonté des gens, si faible
que soit notre démocratie... Je tourne une page de ma vie politique,
après avoir consacré un quart de siècle au service
de la patrie”. Et après avoir remercié ceux qui lui ont accordé
leurs suffrages avec ses colistiers, il a conclu: “Je resterai aux côtés
des habitants de Beyrouth, comme je l’ai toujours été, dans
les bons comme dans les mauvais moments”.
Le président du Conseil a mis l’accent sur la “puissance de
l’argent”, disant que l’argent et d’autres armes utilisées dans
la bataille - dont le “sectarisme” - ont faussé le cours du scrutin...
“C’est pourquoi, je suis inquiet sur le caractère démocratique
des élections et leur liberté, comme sur la dignité
de l’homme dans ce pays, autant que sur les valeurs morales, humaines et
sociales. Je regrette de dire que ces élections ont été
les plus féroces et les plus sales. Certes, l’opération en
elle-même a été régulière, mais non démocratique,
parce qu’elle a été dévoyée par les espèces
sonnantes. En somme, la liberté au Liban est devenue prisonnière”.
Dès la fin de la conférence de presse, le président
Lahoud a pris contact, téléphoniquement, avec le président
Hoss, afin de le féliciter “pour sa position foncièrement
démocratique et constitutionnelle envers les résultats du
scrutin” et, aussi, pour “son histoire honorable que les Libanais sont
unanimes à reconnaître”.
Fait à signaler: M. Hoss a adressé au Conseil constitutionnel
une lettre dans laquelle il révèle les sommes qu’il a affectées
à sa campagne électorale, celles-ci se montant à 273932
dollars, en s’excusant de ne pouvoir citer les noms des donateurs qui tiennent
à garder l’anonymat.
Il s’agit, à présent, de s’atteler à la formation
du nouveau gouvernement qui, selon le chef de l’Etat, aurait à se
conformer aux principes et constantes définis par le discours d’investiture.
Or, M. Walid Joumblatt a dit qu’il était en désaccord avec
le président Lahoud sur les termes de ce discours.