BATAILLE DU SÉRAIL:
LES OPPOSANTS FOURBISSENT LEURS ARMES...

Les élections législatives ont pris fin, faisant accéder au parlement, quarante-sept nouveaux députés. Tous attendent, à présent, la formation du Cabinet, en émettant le souhait qu’il soit un “facteur de rassemblement et non de division”.

Après le déroulement du scrutin dans un climat paisible, en général, les Libanais et, en particulier, les Beyrouthins, se sont réveillés à l’amère réalité ayant consisté dans l’échec du président Salim Hoss, de MM. Tammam Salam qui a tant donné à la capitale à travers l’association des Makassed et Mohamed Y. Beydoun, en service actif au double plan de la politique et de l’enseignement depuis près d’un quart de siècle. Ainsi que l’a révélé le président du Conseil depuis le début de la campagne, la “puissance de l’argent” a constitué la principale cause de son échec avec ses colistiers et d’autres personnalités de premier plan. Mais cela ne signifie pas que la troisième présidence est promise à un “présidentiable” déterminé, nul ne pouvant encore prétendre “disposer” de la majorité parlementaire. On ne sait pas pour l’heure qui fera du loyalisme ou ralliera l’opposition, toutes les parties étant soucieuses de ne pas entrer en conflit avec le régime et son chef, observe un membre en vue de l’Assemblée.
Partant de là, le dernier mot en ce qui concerne la désignation du futur Premier ministre sera au président Emile Lahoud qui a déjà tracé les grandes lignes du nouveau gouvernement, lequel aura à concrétiser les principes et constantes définis par le discours d’investiture et à aider à l’édification de l’Etat de la loi et des institutions.
Quoi qu’il en soit, une tendance se dessine, après le raz-de-marée (haririen) en faveur d’un freinage de la puissance de l’argent, par l’élaboration d’un projet de loi fixant le plafond des dépenses de chaque candidat aux législatives, pour mettre un terme à l’achat des consciences et, partant, assurer l’accès au parlement d’éléments vraiment représentatifs.
Il va sans dire que les partisans de M. Rafic Hariri vont entreprendre une campagne d’envergure pour assurer son retour au Grand Sérail, en le présentant comme “l’unique sauveur de la République”, capable de sortir le pays du marasme économique. Lui-même a effectué un périple arabe en vue de s’assurer l’appui de certains responsables arabes à sa candidature à la présidence du Conseil. Mais nul n’ignore que le retour de M. Hariri au palais du gouvernement n’est pas aussi facile qu’il l’imagine.
Pour le moment, un début de controverse est institué autour d’une idée lancée par le président Hoss, suggérant d’écourter le mandat de l’actuelle législature, afin de permettre à la nouvelle Assemblée de s’atteler à la tâche sans plus de retard et de mettre sur pied une nouvelle équipe ministérielle.
Les regards étaient tournés en début de semaine vers Msaileh où le président Nabih Berri a tenu une conférence de presse, afin de proclamer sa position envers les problèmes d’actualité, à commencer par la proposition de M. Hoss d’écourter le mandat de la Chambre et, aussi, de former le nouveau Cabinet qui préparera la tenue de la conférence des pays donateurs en octobre, le gouvernement actuel devant se contenter d’expédier les affaires courantes. Il ne faut pas perdre de vue, d’autre part, la déclaration de cheikh Naïm Kassem, vice-président du “Hezbollah”, qui a dit que les résultats des élections ne peuvent mettre en avant le nom du Premier ministre “dont la désignation suit un mécanisme politique spécial, les consultations du chef de l’Etat pouvant donner des résultats différents de ceux qu’on imagine”...
En ce qui concerne la forme du futur Cabinet, il semble qu’on s’achemine vers un gouvernement élargi, à moins de se contenter d’un nombre intermédiaire de ministres, ni trop grand, ni trop restreint.
Les hauts responsables s’emploient, à présent, à une analyse minutieuse des résultats de la consultation populaire du 27 août et du 3 septembre, non sous l’angle du nombre des sièges obtenus par les leaders sunnites, afin de dégager la “signification politique” du choix de l’électorat.
Les conclusions de cette analyse serviraient de base à la constitution du futur Cabinet au triple plan de sa forme, du nombre de ses membres et de son programme, doublé d’un ordre des priorités.
Les blocs de l’opposition commencent à se concerter, afin de former un front uni lors des consultations présidentielles, MM. Rafic Hariri et Walid Joumblatt devant être les premiers à se retrouver dans les jours à venir, aux fins d’établir leur plan et leur stratégie.
Au cours de la conférence de presse qu’il a tenue mardi, l’ancien Premier ministre s’est montré conciliant, se disant prêt “à tendre la main à tout le monde et à coopérer avec les leaderships politiques, en vue de remettre le pays sur les rails”. Ceci avait tout l’air d’une déclaration ministérielle, en plus d’un programme qu’il s’engagerait à réaliser s’il était chargé de former le nouveau gouvernement. Cependant, il a posé comme condition, pour accepter d’assumer les charges du Pouvoir, que le gouvernement forme un groupe de travail homogène et fort, pour pouvoir concrétiser l’entente nationale.
En réponse à une question portant sur le montant des sommes qu’il a dépensées pour sa bataille électorale, M. Hariri a dit que celles-ci n’avaient pas excédé le dixième des vingt millions de dollars qu’on le soupçonne d’avoir dépensé (soit 2 millions de dollars).
Et tout en se félicitant de l’attitude neutre de l’Etat, du gouvernement et de la manière exemplaire dont les forces sécuritaires se sont acquittées de leur mission, M. Hariri a assuré qu’aucun conflit d’ordre personnel ne l’opposait au président Lahoud.
Justement, le président de la République a fait dimanche soir, dès la fermeture des bureaux de vote, une déclaration par laquelle il s’est prononcé en faveur d’un Cabinet d’entente capable de redresser la situation surtout au plan économique et de permettre au Liban de jouer son rôle au plan extérieur. Ceci a été au centre de sa rencontre hebdomadaire mardi avec le président Hoss.
Le second et dernier rounds des législatives ayant eu lieu dimanche dernier à Beyrouth, au Liban-Sud et dans la Békaa ont complété la nouvelle législature, dont le mandat s’étendra jusqu’en mai 2005, étant élue pour quatre ans et huit mois. Principal perdant, le président Hoss a déclaré au cours de sa conférence de presse tenue lundi dans son bureau au Sérail: “Je ne peux que souscrire à la volonté des gens, si faible que soit notre démocratie... Je tourne une page de ma vie politique, après avoir consacré un quart de siècle au service de la patrie”. Et après avoir remercié ceux qui lui ont accordé leurs suffrages avec ses colistiers, il a conclu: “Je resterai aux côtés des habitants de Beyrouth, comme je l’ai toujours été, dans les bons comme dans les mauvais moments”.
Le président du Conseil a mis l’accent sur la “puissance de l’argent”, disant que l’argent et d’autres armes utilisées dans la bataille - dont le “sectarisme” - ont faussé le cours du scrutin... “C’est pourquoi, je suis inquiet sur le caractère démocratique des élections et leur liberté, comme sur la dignité de l’homme dans ce pays, autant que sur les valeurs morales, humaines et sociales. Je regrette de dire que ces élections ont été les plus féroces et les plus sales. Certes, l’opération en elle-même a été régulière, mais non démocratique, parce qu’elle a été dévoyée par les espèces sonnantes. En somme, la liberté au Liban est devenue prisonnière”.
Dès la fin de la conférence de presse, le président Lahoud a pris contact, téléphoniquement, avec le président Hoss, afin de le féliciter “pour sa position foncièrement démocratique et constitutionnelle envers les résultats du scrutin” et, aussi, pour “son histoire honorable que les Libanais sont unanimes à reconnaître”.
Fait à signaler: M. Hoss a adressé au Conseil constitutionnel une lettre dans laquelle il révèle les sommes qu’il a affectées à sa campagne électorale, celles-ci se montant à 273932 dollars, en s’excusant de ne pouvoir citer les noms des donateurs qui tiennent à garder l’anonymat.
Il s’agit, à présent, de s’atteler à la formation du nouveau gouvernement qui, selon le chef de l’Etat, aurait à se conformer aux principes et constantes définis par le discours d’investiture. Or, M. Walid Joumblatt a dit qu’il était en désaccord avec le président Lahoud sur les termes de ce discours.

NADIM EL-HACHEM

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