L’ONU RÉUNIT TOUTE LA PLANÈTE AU SOMMET DU MILLÉNAIRE
Tout New York est sur les dents. Des milliers de policiers y sont déployés plus précisément à Manhattan autour du palais de verre qui, en dominant l’East River, cultive l’illusion de gérer les affaires du monde. Ces deux semaines, les sommets s’y sont succédé à une allure vertigineuse pour enfin donner place du 6 au 8 septembre au sommet du millénaire, l’un des plus grands jamais organisé dans l’histoire de l’organisation qui veut annoncer, dans la perspective d’un nouveau millénaire, des temps nouveaux pour un meilleur partage des richesses à travers un univers clément et pacifié.


Adresse du révérend James Forbes au sommet spirituel du millénaire.

C’est par un sommet d’un millier de chefs spirituels (25-28 août) que le coup d’envoi de ce vaste rendez-vous planétaire a été donné. Sous la houlette d’un pacifiste indo-américain, Bawa Jain, soutenu financièrement par Ted Turner, patron de la CNN, dans la mise sur pied de ce rassemblement, se sont retrouvés moines, prêtres, cheikhs, rabbins, bonzes appartenant à une quinzaine de confessions issues de tous les horizons spirituels du monde. Ils ont chanté, prié et réfléchi ensemble, afin que la paix soit le ciment des nations et que le bruit des armes s’estompe au profit du dialogue entre les peuples. Une fausse note dans ce sommet: l’absence du dalaï-lama due à l’intervention de la Chine et vivement critiquée par des organisations de défense des droits de l’homme.  Les parlementaires ont emboîté le pas aux chefs religieux et tenu un discours similaire. Lors de cette première conférence mondiale des présidents de parlements nationaux de 141 pays organisée par l’Union interparlementaire (UIP), Kofi Annan, a défendu la cause d’une “justice indépendante, de(s) partis politiques viables”, de même que la liberté d’expression afin que chacun puisse “s’exprimer sans crainte ni représailles”.
Le sommet du millénaire a de bien plus grandes ambitions. Il porte, notamment, sur un plan proposé depuis avril dernier, par Kofi Annan pour réduire d’ici à 2015 les inégalités dans le monde. Le secrétaire général des Nations Unies l’avait déjà soumis aux sept pays les plus industrialisés et la Russie (G8) réunis en juillet dernier à Okinawa qui en ont retenu les grandes lignes, sans toutefois lui donner entièrement satisfaction. Les 160 chefs d’Etat et de gouvernement présents à New York, sont pressés d’examiner ce plan pour s’accorder à réduire la pauvreté dans le monde et y assurer un partage plus équitable des bénéfices de la mondialisation. Actuellement, près de la moitié des six milliards d’habitants de la planète subsistent avec moins de 2 dollars par jour et n’ont pas accès à l’éducation. Les plus pauvres sont les plus vulnérables. C’est donc à leur secours qu’il faut, selon le plan Annan, se porter en premier. D’autres problèmes relatifs à la sécurité et aux conflits armés, aux maladies et à l’environnement sont à l’ordre du jour et doivent être traités, tout comme les premiers, dans le cadre de quatre tables rondes ou groupes de travail. Le plus en vue et le plus recherché est naturellement le groupe de travail de Bill Clinton, en principe maître de l’univers jusqu’en janvier 2001 qui doit plancher sur plus d’un dossier aux côtés des dirigeants de la Chine, de la France, de la Grande-Bretagne et de la Russie, également membres permanents du Conseil de Sécurité. Ceux-ci réunis, par ailleurs, en sommet avec les dix autres membres du Conseil de Sécurité - et ce sera la seconde fois en l’espace de 55 ans - doivent étudier les moyens de renforcer les capacités d’intervention de l’ONU en zones de conflit. A ce jour, les soldats de la paix se sont vu confier des missions qu’ils n’étaient en mesure ni moralement, ni militairement, d’assumer.
Le dernier grand rassemblement de ce genre, le sommet du cinquantenaire de l’ONU s’était tenu en 1995, mais n’avait pas eu l’impact de ce sommet qui réunit outre 160 chefs d’Etat et de gouvernement, 188 pays désireux tous de faire entendre leurs voix. Seulement, les dirigeants et représentants de la planète qui n’auront pas droit à “des événements de gala”, mais (“seule concession à la tradition”), à une photo de famille, ne disposeront que de 3 à 5 minutes pour faire entendre leurs voix à la tribune des Nations Unies. En revanche, ils auront l’opportunité de s’exprimer longuement à travers des centaines de rencontres bilatérales que favorisera le sommet où les anciens et les nouveaux vont se croiser: Bill Clinton, Vladimir Poutine (dont c’est la première visite à New York comme président), Jiang Zemin, etc... et Fidel Castro dont c’est la troisième visite au continent américain depuis 1959, date de sa prise du Pouvoir, la seconde datant de 1995, à l’occasion du cinquantenaire.
L’impressionnant sommet du millénaire laissera-t-il des traces durables? En tout cas, beaucoup plus qu’une photo de famille.

PAR EVELYNE MASSOUD

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