Saturnale


Par MARY  YAZBECK AZOURY

LAMENTO FINAL
Ils sont venus en gémissant; ils quittent la scène en geignant encore plus!
Ce ministère sera connu comme celui du LAMENTO. Dès son premier jour au Pouvoir, le Libanais a eu droit à la rengaine du lourd héritage qui était le sien.
Dans ce lourd héritage, il y avait un passif et un actif. Ces ministres se sont concentrés sur le passif et ont ignoré l’actif, parmi lequel des indemnités faramineuses et de nombreux bonus en sus. Or, on ne peut être sélectif dans une succession!
Pourtant, aucun d’eux n’a songé à démissionner ou à refuser les indemnités.
Le temps a passé, les semaines; puis, les mois, enfin plus que vingt mois. Ils vivaient dans le passé et agissaient en hommes du passé, sans construire le présent.
A force de se lamenter, ils ont érodé le capital de sympathie dont ils ont bénéficié à leur entrée en scène.
Et, surtout, de ce passé, messieurs les ministres ne tiraient pas des leçons pour construire l’avenir, mais plutôt un appel au “Haïssez-vous les uns les autres”, qui a trouvé son crescendo dans la campagne indigne, ubuesque infâme, livrée à travers la soi-disant télévision officielle contre tout ce qui n’était pas “eux”.
Que c’est triste, un départ comme le leur!

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MANQUE D’ARGENT OU MANQUE DE PSYCHOLOGIE?
Au lieu d’accuser l’argent d’avoir été l’outil de la défaite, les responsables (pour si peu de temps encore) devraient, en toute honnêteté, accuser la loi électorale, le “gerrymandering” pratiqué à outrance qui est la véritable raison de leur défaite.
Cette loi a été le boomerang qui les a anéantis. Car il ne s’agit pas seulement d’un échec, mais bien d’une motion de censure du peuple libanais.
Ce qui a manqué le plus à ce ministère et à leurs amis, c’est une absence totale de la psychologie des foules. Ils ont oublié le bon sens populaire. Ils se sont gargarisés de mots, ont ennuyé ou assommé des Libanais de leurs tirades sur l’Etat de Droit, alors qu’ils ont pratiqué à outrance les vengeances personnelles, ont cultivé les contradictions, ont fait courber le peuple sous le poids des taxes tout en promettant aux Libanais avec leurs sourires de circonstances un radieux avenir. En conclusion, jamais le pauvre Libanais n’a été aussi pauvre, jamais les jeunes n’ont tant émigré, même pendant la guerre. (On parle des jeunes). En semblant déclarer la guerre à la corruption, ils ont en profité pour se débarrasser de leurs ennemis politiques.
En conclusion, ils se sont tant démenés, que jamais de mémoire de Libanais, une telle pagaille, avec une telle immixtion des “services” de tous les “services” ne se sont vus au Liban!
Et surtout, ils ont pris les Libanais pour des imbéciles, des débiles mentaux, avec leurs vidéo-clips où on entend parler des responsables débitant leurs sottises.
Ces responsables ont oublié, ou peut-être n’ont-ils jamais connu le principe cher à Abraham Lincoln:
“On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps”.
Telle est la véritable raison de cette débâcle, de cette déroute, de cette déconfiture, de ce véritable dimanche noir pour le gouvernement.

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NASSIB LAHOUD OU NASSIB “CHRYSOSTOME”
“Chrysostome” veut dire, en grec, “Bouche d’Or”. Or, nul mieux que Nassib Lahoud ne mérite ce surnom au Liban.
Provoqué, calomnié, dénigré, combattu, il a su tout en se défendant, rester digne et parfaitement maître de ses nerfs... d’acier, certainement.
Futur ministre des Affaires étrangères?
On le souhaite de tout cœur, non pas tant pour lui que pour les Libanais qui méritent de se retrouver sur l’échiquier mondial.
L’essence des interviews données, des discours prononcés par Nassib Lahoud, c’est que le plus souvent, alors qu’on se croit divisés par des différences irrémédiables de situations sociales, d’intérêts, d’opinions, de croyances, on s’aperçoit qu’il n’y a là que des étiquettes factices, des malentendus et qu’il suffit de causer, de s’entendre en pleine lumière pour s’apercevoir qu’on est d’accord sur les points essentiels.
Nassib Lahoud croit qu’il existe entre les hommes, bien plus souvent qu’on ne le pense, un dénominateur commun.
Il semble que dans toutes les choses qui divisent, il doit être facile de trouver ce dénominateur. Surtout quand on se sait d’avance, d’accord sur les points essentiels, qu’on est de bons Libanais et de loyaux serviteurs de la République.
Le pire mal vient de cette méconnaissance que les hommes ont les uns des autres.
Nassib Lahoud lance un appel à une véritable réconciliation nationale, à fermer le dossier du passé, tout en en tirant des leçons.
En l’écoutant, on ne peut que constater, que c’est consolant et beau l’intelligence et le self-control!

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ARGENT ET RUMEURS
L’argent a, semble-t-il, circulé énormément au cours des récentes élections législatives et les rumeurs encore plus.
Au sujet de l’argent distribué par le “grand vainqueur” (Hariri), on raconte que de nombreuses familles sunnites de Beyrouth ont reçu des assurances-maladie, des bourses scolaires et universitaires, sans compter une certaine somme en liquide d’une importance variable selon les cas.
On pourrait ajouter que Hariri a suppléé, en quelque sorte, aux nombreuses carences de l’Etat.
Ce qu’on pourrait reprocher à Hariri, c’est que ces largesses ont touché, principalement non pas exclusivement, les sunnites de Beyrouth en premier et quelques autres recommandés par ses colistiers.
On évalue à 200 ou 300 millions de dollars l’argent distribué (Hariri a avoué en avoir dépensé 2 millions pour sa campagne).
On comprend que cet argent n’a pas été investi à fond perdu. Ce que Hariri a payé, il aura tout le loisir d’en encaisser l’usufruit, quand la confiance revenue, les actions de Solidere (dont il détient environ les 30%) reprendront ou dépasseront leur valeur initiale.
Hariri applique l’axiome “je fais ton intérêt, tu fais le mien”, en véritable homme d’affaires.
A se rappeler, aussi, que la Fondation Hariri a fait étudier au Liban et à l’étranger plus de 33.000 jeunes Libanais. Plusieurs richards libanais et de toutes les confessions pourraient l’imiter. Il est vrai que certains font la charité plus discrètement, mais sur une bien plus petite échelle!
S’il est vrai que l’argent a faussé le jeu de la démocratie, il faut se rappeler que cette démocratie était bafouée dès le départ par l’inique loi électorale et le découpage des circonscriptions.
 
“INFORTUNIOS”
Très attristée par l’absence dans le nouveau parlement de personnalités telles que Nadim Salem, Fouad Turk, Massoud Achkar, Habib Zoghbi, Habib Sadek, Riad el-Assaad et bien d’autres.
Un brin de nostalgie, aussi, pour Salim Hoss et Tammam Salam!

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