Un regard de chercheur en sciences de linformation,
un journaliste ayant grandi en Méditerranée,
une soixantaine de quotidiens et dhebdomadaires
francophones dAfrique du Nord, dEgypte et
du Liban, littéralement épluchés
Il nen faut pas plus pour décortiquer une
presse hybride dans des sociétés en mutation
comme celles du Maghreb et du Proche-Orient.
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Né en Egypte, Gilles Kraemer est connu des Libanais
notamment pour être chargé de la coopération
internationale au Centre de formation et de perfec-tionnement
des journalistes (CFPJ, Paris) et pour ses cours à
lUniversité libanaise. Dans son dernier
ouvrage: La presse francophone en Méditerranée,
paru aux éditions Maisonneuve & Larose-Servedit,
il livre un précieux outil danalyse qui
a fait dailleurs lobjet de sa thèse
de doctorat en sciences de linformation et communication.
Dans une approche lucide et quelquefois intimiste, lauteur
brosse un rapide panorama dune presse nationale,
mais rédigée dans une langue étrangère.
Il en étudie ses relations avec les élites,
les logiques daction de ses rédacteurs
en chef, sinterroge sur le rôle politique
de cette presse au sein des sociétés,
sur sa conscience méditerranéenne,
ce quelle apporte de différent par rapport
à ses concurrents en langue nationale et ses
projets davenir. Il constate que cest un
véritable espace dexpression de léconomie,
de la modernité, de la tradition, de la mondialisation
et de la liberté.
ANALYSE CRITIQUE ET RÉALISTE DE LA PRESSE
FRANCOPHONE LIBANAISE
Se basant sur des monographies détudiants,
sur des statistiques nombreuses, sur létude
fouillée du Père Salim Abou sur les francophones,
sur ses entrevues avec les rédacteurs en chef
notamment de La Revue du Liban, de LOrient
Le Jour et Magazine, Gilles Kraemer
porte une vision objective de la réalité
journalistique francophone au Liban. Constatant quil
y a un élément identitaire dans la pratique
du français et que la majorité de la presse
francophone est chrétienne, il relève
que le marché des jeunes reste à conquérir
au Liban (et pas seulement parmi les chrétiens).
En effet, 50% des titres francophones achetés
aujourdhui nexistaient pas en 1989. Ils
représentent, pratiquement, le tiers des publications
nationales, notamment avec léclosion des
magazines mensuels. Ils sont surtout des supports
de publicités et leur projet éditorial
demeure assez maigre, essentiellement orienté
vers une cible spécifique de consommateurs fortunés
Leurs tirages oscillent entre 3.000 et 7.000 exemplaires.
Concernant les périodiques féminins, de
variété ou même les news-magazines,
lauteur relève quune lecture
rapide
met en lumière de façon flagrante
cette tendance très libanaise à consacrer
de pages pleines en couleurs à des photos systématiques
de toutes les réceptions, soirées mondaines,
cocktails privés
Ils nous bluffent.
Ils sont techniquement parfaits, mais quand on commence
à entrer dedans, on voit quils charrient
toujours cette tendance très libanaise des mondanités.
A ce titre, ils ne sont que très peu exportables.
Notant que les féminins libanais en français
coûtent plus cher que les féminins importés
de France, Kraemer en déduit que la concurrence
est rude et cest donc bien sur le terrain des
mondanités qu(ils) peuvent faire la différence,
dautant plus que 36% des lecteurs de presse locale
lisent dans les deux langues dont 11,4% uniquement en
français! Une langue qui protège
et permet daborder des sujets tabous, qui expose
une vitrine internationale.
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