Jean-Charles
Marchiani est l'un des experts les plus en vue de la
nébuleuse islamiste algérienne, notamment
les GIA et le FIS (dissout). Il a joué un rôle
capital dans l'extradition du terroriste Illitch Ramirez
Sanchez alias Carlos de Khartoum jusqu'à la prison
de la Santé en juillet 1994. Fin connaisseur
des réalités politiques iraniennes, Jean-Charles
Marchiani a joué à ce titre un rôle
capital dans la libération en 1988, des otages
français détenus au Liban, même
si d'autres émissaires ont voulu s'accaparer
le mérite notoire de cet exploit. L'homme des
missions secrètes, a tissé un certain
nombre de relations très fortes avec les dirigeants
arabes au Maghreb et au Proche Orient. Il a ainsi réussi
à exploiter ce tissu de connexions pour servir
la France. Compagnon de route de Charles Pasqua (ancien
Ministre de l'Intérieur), il a su mener ce que
l'on nomme la diplomatie parallèle.
Aujourd'hui accusé d'avoir retardé la
libération des otages pour des raisons électorales
et d'avoir perçu d'importantes sommes d'argent
de l'homme d'affaires franco-libanais Iskandar Safa,
Monsieur Marchiani s'explique et dévoile les
dessous de l'affaire.
Rencontre.
Quelles sont les raisons de ces révélations?
Sur le plan extérieur, c'est un moyen de porter
atteinte à nos amis libanais en général
et à nos amis chrétiens libanais en particulier.
Vous avez vu dans la presse les allusions sur les hommes
d'affaires libanais qui sont nos amis, allusions qui
disent : on ne sait pas de quoi ils sont coupables,
mais ils sont forcément suspects ; c'est à
dire que l'on dit sur les libanais, ce que l'ont dit
ici sur les Corses.
Il y a déjà une forme de racisme. Et sur
le plan de la lutte anti-islamistes, vous voyez bien
qu'on vise les gens qui ont toujours été
en pointe dans ce combat : la manuvre est évidente
!
Je vois mal
ce quon aurait
à me reprocher sinon davoir
servi mon pays
|
Après quinze années, il y a prescription
extinctive
Cette affaire se déroule complètement
en dehors du droit. C'est une affaire médiatico-judiciaire,
le droit importe peu, ce qui les intéresse, c'est
porter des coups politiques.
Comment allez vous vous défendre ?
Nous ne pouvons pas prouver l'inexistence de quelque
chose. Les plus hautes autorités du Gouvernement
Chirac en 1986-1988 ont complètement démenti
cette histoire de rançon, nous attendons que
l'on nous apporte un élément de preuve
contraire, nous mettons au défi quiconque de
montrer que nous avons négocié en dehors
de l'honneur et de la dignité avec les gens du
Hezbollah ; nous les mettons au défi d'apporter
le moindre élément.
Croyez-vous que le Hezbollah et l'Iran y sont pour
quelque chose, y a-t-il eu un paiement d'une quelconque
rançon ?
Il ne faut pas chercher une motivation autre que française
à cette affaire.
Toutes les autorités du Gouvernement français
de 1986 à 88 ont démenti ; Messieurs :
Edouard Balladur, Maurice Ulrich, Jacques Chirac et
François Mitterrand lui même avait démenti
en son temps. Tout le monde a condamné ces accusations,
alors depuis quelques jours on fait courir le bruit
que la dette Eurodif aurait été un peu
trop généreuse, et bien c'est à
ceux qui lancent ce genre d'accusations de le démontrer.
Qui sont les instigateurs et les exécutants
de cette opération ?
Le coup part par une note de la DST (Direction de la
Surveillance du Territoire), qui est un service dépendant
directement du Ministère de l'Intérieur
et la presse française parle de la présence
d'un Cabinet Noir à Matignon, il faut savoir
s'il existe vraiment
Ces gens ne veulent pas la tête de Monsieur
Marchiani, c'est Monsieur Chirac que l'on cherche à
atteindre
C'est ce que les observateurs disent, mais ils semble
bien que ces gens aient raté leur cible.
On veut porter atteinte
à
limage des amitiés
libanaises de Charles Pasqua et Jacques Chirac
|
Veulent-ils également atteindre Monsieur
Pasqua ?
Aussi, bien sûr, ils veulent surtout porter atteinte
à l'image des amitiés libanaises de Charles
Pasqua et Jacques Chirac, à moins de 100 jours
des élections. En ce qui me concerne, j'ai une
grande amitié pour les libanais, de toutes tendance
confondue. Rien ne me résignera à soutenir
ceux qui s'engagent pour un Liban souverain, fidèle
à ses relations séculaires avec la France.
Monsieur Marchiani, vous êtes connu pour vos
bonnes relations avec la Libye et pour nombre de missions
que l'on vous a confié là-bas. Quelles
sont vos relations avec le président Kadhafi
?
Je n'ai plus beaucoup de relations depuis que je suis
rentré au Parlement Européen et que je
suis membre de la Commission des Affaires Etrangères,
je suis également membre de la délégation
parlementaire européenne pour le Maghreb, et
à ce titre, j'ai conservé un certain nombre
de contacts à Tripoli, mais pour nous maintenant,
les relations entre la Libye et l'Europe sont entré
dans la voie de la normalisation.
Quelles sont vos relations avec Monsieur Iskandar
Safa ?
La famille Safa est une famille amie, une vieille et
honorable famille chrétienne du Liban, ce sont
des gens francophiles, francophones. Ce sont des hommes
d'affaires dynamiques, entreprenants et dont l'intégrité
n'a jamais été mise en cause. Ils ont
rendu de grands services à l'industrie française,
ils ont remonté les chantiers navals de Cherbourg.
J'ai pour eu beaucoup d'estime et d'amitié.
En tant que député vous n'avez rien
à craindre
Oui mais peu importe, en France on peut poursuivre les
députés, ils ont une immunité qui
empêche qu'ils soient mis en détention
ou sous contrôle judiciaire, mais ils peuvent
être jugés ou condamnés
ça
arrive souvent, comme pour Dominique Strauss-Khan ou
le président du groupe socialiste à l'Assemblée,
Monsieur Emmanuelli
Tout est possible, mais je vois mal ce qu'on aurait
à me reprocher sinon d'avoir servi mon pays.

Le député Jean-Charles Marchiani
en compagnie de Saër Karam.
|
Où en sont les relations franco-iraniennes
?
Elles sont en voie de normalisation et le Parlement
Européen a voté un projet de résolution
qui souhaite que cette normalisation s'étende
au rapport avec l'Europe et attire l'attention sur les
problèmes liés aux droits de l'Homme.
Pensez-vous que cette manuvre puisse aboutir
ou qu'elle va se terminer en queue de poisson ?
Je crois que l'opération est en train de se dégonfler.
Cette opération consiste à mettre en doute
l'intégrité de nos amis libanais et je
pense que la famille Safa, peut prouver très
facilement - si le droit français est respecté
- que leur réputation d'honnêteté,
d'intégrité et de patriotisme repose sur
des faits solides et concrets, ainsi tout s'arrêtera.
Vous possédez bien le dossier franco algérien.
Qu'en est-il des relations entre la France et l'Algérie
?
Depuis le dernier voyage de Jacques Chirac, elles se
sont réchauffées, du moins sur le plan
symbolique. Un certain nombre de problèmes demeurent,
en particulier celui du terrorisme islamiste de même
que la situation économique et sociale en Algérie.
Mais sur le plan des problèmes bilatéraux,
il n'y a à ma connaissance aucun contentieux
sérieux.
C'est la première fois dans ce genre d'affaires
qu'un rapport concernant la sécurité est
publié dans son intégralité dans
les journaux
Ce rapport est un rapport de basse police qui repose
sur un indicateur anonyme !
Il ne faut pas chercher
une motivation autre que française à
cette affaire
|
Le président Chirac est-il toujours favori
?
Oui, il est en tête des sondages actuellement.
Les réactions de la gauche
Ils sont très gênés et n'exploitent
pas plus l'affaire
Cette affaire ne peut bénéficier d'une
procédure accélérée ?
Non, car ce sont les socialistes qui sont au pouvoir,
ce sont eux qui contrôlent le Parquet, par conséquent,
ils feront durer au moins jusqu'aux élections.
On attend toujours qu'ils apportent un début
de preuve à leurs affirmations.
Les Etats-Unis affirment que dans l'affaire des
otages, il y avait une personne très influente
au Hezbollah qui a été récemment
élue comme responsable sécuritaire dans
ce parti, il s'agit du célèbre Imad Maghnié,
qui s'appelle maintenant Jawad Nourredine. C'est lui
qui a été le plus efficace dans cette
affaire, es-ce vrai ?
Pas du tout.
Pourquoi cette cabale contre vous ?
Il faut voir aussi que depuis le 11 septembre, nous
sommes dans une nouvelle phase de la lutte contre le
terrorisme islamiste et que les positions du directeur
de la DST ne sont pas du tout les nôtres et cela
doit jouer aussi.
BIO EXPRESS
Né
le 6 août 1943 à Bastia, Jean-Charles
Marchiani a poursuivi ses études à
Ajaccio avant de rejoindre, à l'âge
de 19 ans, les services secrets français
1995-97 : Préfet du Var
1997 : Préfet et secrétaire général
de la zone de Défense de Paris
1999 : Membre du comité de la politique
de sécurité et de défense
commune des droits de l'homme au Ministère
des Affaires Etrangères
1999 : Membre de la délégation parlementaire
européenne pour le Maghreb et le Maghreb
Arabe
2000 : Député Européen
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Voir également RDL n°3827
http://www.rdl.com.lb/2002/q1/3827/3sujcouv.html
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