Les remous suscités par les accusations sur
les rançons versées en vue de libérer
les otages français retenus au Liban de 1986
à 1988, sinscrivent dans le cadre des conflits
électoraux opposant la droite gaulliste, représentée
par son symbole le plus éminent, le président
Jacques Chirac, au parti socialiste dont le chef de
file est M. Lionel Jospin, Premier ministre. Ces remous
ramènent à lesprit la réflexion
émise par André Malraux, alors ministre
de la Culture du général De Gaulle, autour
du danger que constitue la perte de la boussole
et le fait de faire prévaloir les intérêts
sectaires sur lintérêt national.

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En effet, beaucoup sinterrogent sur le timing
de réouverture dun dossier fermé
il y a près de quatorze ans, après la
libération des trois otages, le 5 mai 1988: MM.
Marcel Carton, Jean-Paul Kaufmann et Marcel Fontaine.
Ce qui peine le plus, cest que la réouverture
de ces dossiers porte atteinte à trois personnes
ayant servi la France avec ardeur et courage, contribuant
ainsi à lui redonner son prestige politique,
sans épargner aucun effort pour défendre
ses intérêts et ses ressortissants.
La première dentre elles, M. Charles Pasqua,
ancien ministre de lIntérieur, qui rassemble
les Français, en dépit de la diversité
de leurs affiliations politiques, a démantelé
les réseaux islamistes algériens, en particulier
celui de Hassan Khattab, connu sous lappellation
de Groupe islamiste pour lappel et le combat.
Ce dernier avait planifié lattentat contre
un avion français quil avait détourné
vers Marseille au moment où il survolait la tour
Eiffel, voulant par là inaugurer un nouveau procédé
terroriste, bien des années avant les attentats
du 11 septembre dernier à New York et Washington.
Il va sans dire que la fermeté de M. Pasqua et
sa connaissance des plans islamistes algériens,
ont déjoué leur plan et leur a infligé
un cuisant échec.
Létoile de Pasqua, ce Corse républicain
et souverainiste acharné, ne sest pas éclipsée
après avoir quitté lIntérieur.
Il a poursuivi son projet politique, regroupant autour
de lui bien des partisans, alors quil sapprête
à sengager dans la bataille présidentielle
au printemps prochain, entre autres candidats de la
droite française. Bien quil soit assuré
quil apportera le soutien de son parti au président
Chirac au second tour, pour lui permettre de renouveler
son mandat.
Cest pourquoi, il a pris à partie la présidence
du Conseil socialiste, laccusant de
diriger une chambre noire, ayant manigancé
un plan visant à le discréditer, avant
quil pose sa candidature aux présidentielles.
Il a attaqué, directement, Alain Christant, lun
des conseillers de lHôtel Matignon, le soupçonnant
davoir monté de toutes pièces cette
affaire rocambolesque, faisant allusion aux rapports
existant entre lui et Bernard Baucault, directeur du
bureau du ministre de lIntérieur, Daniel
Vaillant. Il a déclaré dans une interview
accordée au journal Le Monde: Dès
le moment où un haut fonctionnaire des Services
de renseignements (à savoir le directeur du DST
chargé de la protection du territoire contre
lespionnage et le terrorisme), transmet des informations
aux autorités judiciaires, le fait constitue
un précédent plus que louche.
MANUVRE SUSPECTE
Daprès un rapport de lAdministration
de la sécurité du territoire, dimportantes
sommes dargent auraient été remises
aux kidnappeurs des otages, à travers des virements
bancaires sur un compte, ouvert en Suisse, aux noms
des frères Iskandar et Akram Safa, une partie
de largent ayant été répartie
entre des proches de Pasqua.
Celui-ci a affirmé quaucune rançon
navait été versée, précisant
quil poursuivra cette bataille jusquau bout,
pour éloigner les soupçons pesant sur
sa personne dans ces circonstances délicates,
même si cela devait provoquer plus de déchirement
dans les rangs de la droite traditionnelle.
Pasqua qui préside, actuellement, le Rassemblement
pour la France (RPF), na pas caché
son désappointement de ce que cette affaire ait
été déclenchée contre lui
en pleine campagne électorale, disant quil
est en tête des personnes visées, au moment
où il sapprête à annoncer
sa candidature dans les dix prochains jours.
Interrogé sur la manière dont avaient
été relâchés les otages français,
M. Pasqua a affirmé: Leur libération
est intervenue suite à un accord entre les gouvernements
français et iranien, prévoyant lacquittement
dune partie des dettes que réclamait lIran
résultant de laffaire Eurodif.
En fait, Pasqua na pas été impliqué,
directement, dans laffaire des rançons,
mais deux de ses anciens collaborateurs ont été
cités: MM. Marie-Daniel Faure Wali, chef des
organismes de la police et de la sécurité
et Christiane, épouse du député
actuel, Charles Marchiani qui jouait des rôles
secrets dans maintes affaires délicates, telles
larrestation de Carlos au Soudan et la mise en
échec du détournement de lavion
algérien par des éléments islamistes
armés.
LES RAPPORTS MARCHIANI-SAFA
Charles Marchiani est la seconde personne quon
tente dimpliquer dans laffaire des rançons.
Ce Corse qui connaît bien le monde arabe, a joué
des rôles extrêmement importants, sauvant
la vie de bien de citoyens français. Il a réussi
là où dautres ont échoué.
Beaucoup perdent de vue que Marchiani est membre du
Parlement européen et quil a été
lartisan de la normalisation des relations franco-libyennes,
après lincident de lavion de lUTA
abattu dans le désert du Niger. Il a réussi,
grâce à ses contacts, à son expérience
et sa souplesse diplomatique, à clôturer
le dossier de lavion de lUTA et à
obtenir des dédommagements aux familles des victimes
évalués à près de 30 millions
de dollars.
De plus, il a permis à maintes firmes françaises
de traiter avec le marché libyen dans divers
secteurs. On lui fait grief, notamment, dentretenir
de bons rapports avec lhomme daffaires libanais,
Iskandar Safa, qualifié de soudoyeur.
Le fait de mêler le nom de lhomme daffaires
libanais, Iskandar Safa à la question des rançons
et de décerner à son encontre un mandat
darrêt, na pas manqué de surprendre.
Beaucoup de Libanais vivant à Paris se demandent:
Pourquoi veut-on en faire un bouc émissaire?,
alors que cest le modèle de lhomme
ayant réussi, après avoir été
contraint de quitter son pays natal. Cest le propriétaire
de la société Constructions mécaniques
en Normandie (CMN) ayant son siège social à
Cherbourg, assurant du travail à plus de mille
employés et ouvriers.
Cette entreprise se signale par ses industries militaires
et civiles, telles les frégates électroniques,
les vedettes navales utilisées pour la surveillence
du littoral, les yachts, etc... Partant de là,
M. Safa a noué des relations avec des pays arabes
et asiatiques, gagnant de ce fait la confiance des responsables
arabes qui apprécient la qualité et le
service quil leur assure.
Aussi, pense-t-on que les poursuites engagées
contre M. Safa sont le tribut du succès.
Il est de notoriété publique quil
a joué un rôle fondamental dans la libération
des otages français au Liban. Il sest acquitté
de cette mission humanitaire à la demande de
lEtat français qui la considéré
comme la personne la plus qualifiée pour la réussir.
On apprenait le 28 décembre à Paris, que
le Parquet avait décerné à son
encontre un mandat darrêt international,
ainsi que contre son frère Akram. Cependant,
M. Adnan Addoum, procureur général (libanais)
près la Cour de Cassation, a précisé
que ce mandat na pas été confié
à lInterpol et ne peut être exécuté
par le Liban.
M. Addoum a dit encore que M. Safa sétait
mis à la disposition de la Justice libanaise
et lui a appris quil se trouvait en dehors de
France quand le mandat darrêt a été
décerné. Il a toutefois chargé
son avocat de le représenter auprès du
Parquet français, en attendant son retour à
Paris.
Au cours de son entretien avec M. Addoum, M. Safa a
estimé quIsraël était derrière
cette affaire et que lEtat hébreu semployait
à le discréditer, comme il le fait pour
chaque Libanais ayant réussi dans le monde. De
plus, il a réfuté toutes les accusations
portées contre lui et son frère, se disant
prêt à demander la levée du secret
bancaire sur ses virements vers le Liban et la France,
afin de prouver sa bonne foi et de faciliter la tâche
de la Justice.
De toute manière, M. Safa se dit rassuré
quant au rôle quil a joué dans la
libération des otages en 1988, rendant un service
insigne à ces derniers, à leurs familles
et à leurs proches, ainsi quà la
France... Cette libération, affirme-t-il,
a été effectuée dans les meilleures
conditions sans être entachée par quelque
opération suspecte. Je suis disposé à
comparaître devant le juge dinstruction
français dès mon retour à Paris,
car je respecte la Justice, sans me préoccuper
du jeu politico-électoral. Je continuerai à
fournir à lopinion publique libanaise et
française tous les renseignements concernant
cette affaire.
Enfin, il a nié avoir soudoyé les services
qualifiés pour obtenir la nationalité
française. Je suis établi en France
depuis plus de dix ans et jy ai investi de largent;
plus de mille employés et ouvriers mapportent
leur collaboration et nous acquittons les impôts
et taxes sans aucun retard, conclut-il.
Dans les milieux politiques français, on estime
que cette affaire se dissipera comme une tempête
dans un verre deau, car elle a été
soulevée en période électorale
qui se caractérise, généralement,
par des campagnes de cette nature, lesquelles nhonorent
ni ne grandissent ceux qui les déclenchent.
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