Dans un pays où le discours
officiel est creux, les propos ineptes, les tartarinades aussi abondantes
que ridicules, il nest pas étonnant dentendre nos responsables
vanter le Liban de 2002 comme le phare de la démocratie, non seulement
au Proche et au Moyen-Orient, mais aussi dans lensemble du continent
asiatique et au-delà.
Nous ne parlerons pas du meurtre ciblé de la MTV, ni des tribulations
de Gabriel Murr, ni de Toufic Hindi, ni des étudiants, ni des divers
courants de lopposition. Sur ce plan-là, il semble quil
y ait une trêve tacite en faveur de Paris II qui, au dire de Sanioura,
va nous sortir de la m... mouise. Sainte Rita, patronne des cas impossibles
et des causes désespérées, priez pour nous.
Nos dévotions terminées, il serait peut-être opportun
de jeter un regard sur la condition de la femme au Liban, sans encourir,
toutefois, le courroux des gardiens de lorthodoxie sécuritaire.
Je ne suis pas une suffragette ni une féministe à tout crin.
Je viens, simplement, de lire dans la presse une information selon laquelle
le Bahreïn vient de nommer à son Conseil consultatif, six
femmes. Six femmes sur 40 membres, une proportion de 15%, alors que chez
nous la proportion plafonne à 2,84%, avec 3 sur 128 élus,
ou supposés lavoir été.
Faut-il rappeler, puisque nous parlons de lAsie, quil existe
un fort contingent de femmes députées et ministres en Chine,
au Japon, en Corée, au Vietnam. Mieux encore, plusieurs Etats de
ce continent ont mis des femmes à leur tête: le Pakistan,
lInde, le Sri Lanka, le Bangladesh, lIndonésie, les
Philippines. Les mâles dans ces pays ne se sont pas senti diminués
pour autant. Pourquoi donc nos néandertals locaux doivent-ils
considérer le phénomène comme portant
atteinte à leur dignité, voire à leur virilité?
Bien entendu, il serait inutile de perdre le temps en digressions pour
évoquer la parité (hommes, femmes) telle quelle est
en train dêtre appliquée en Union européenne.
A titre dexemple, elle serait actuellement de 50% pour la Suède,
35% pour lAllemagne, 34,5% pour la France, 22% pour la Grande-Bretagne.
Cependant, cela ne semble nullement satisfaire les Françaises dont
lune des plus célèbres, Françoise Giroud, a
laissé tomber: Les femmes seront égales aux hommes
lorsque lon nommera à un poste important une femme incompétente.
Mais, arrêtons de parler politique. Au Liban, cest malsain,
sans compter que nous risquons de tomber sur Nasser Kandil ou Adnan Addoum.
Parlons plutôt de démocratie sociale. Ne sommes-nous pas
à la pointe de lévolution dans ce domaine? Ainsi,
chez nous autres avant-gardistes du progrès, les femmes ont parfaitement
le droit de montrer leurs cuisses, dexhiber leurs fesses (béni
soit linventeur du string), de déverser leurs seins à
propos et hors de propos sur tout ce qui bouge, mais pas de donner leur
nationalité à leur mari et à leurs enfants.
Au Liban, un Libanais marié à une étrangère
a le droit de donner sa nationalité à ses enfants et à
sa femme, la Libanaise non. Il existe un nouveau projet de loi dans ce
domaine, encore plus scandaleux, qui octroie à une étrangère,
devenue libanaise par le mariage, divorcée du mari libanais et
remariée à un étranger, le droit de donner la nationalité
libanaise aux enfants de ce second mariage si le mari vient de décéder.
Faut-il dans ce cas, pour obtenir justice, mettre de larsenic dans
lassiette des maris?
Autre aberration qui contrevient au principe constitutionnel de légalité
des droits et des devoirs entre tous les citoyens sans discrimination
de sexe, de race ou de religion: loctroi de lautorité
parentale au seul père. Ainsi, une veuve ne peut obtenir la curatelle
de ses enfants quà travers un recours au tribunal.
La femme adultère. Ce nest pas bien joli, cest même
assez moche. Mais il faut deux pour danser le tango. Ce nest pourtant
pas là lavis du législateur, car une femme qui commet
ladultère est passible de lourdes peines, alors que lhomme,
lui, nest pénalisé que pour la forme et à condition
que lacte ait lieu au domicile conjugal.
Les crimes dhonneur. Si un homme soupçonne sa sur,
sa femme, sa fille ou sa mère de mauvaise conduite et entreprend
de la ou de les massacrer, il bénéficiera, lors de son procès,
de circonstances atténuantes sinon dexcuse absolutoire. Alors
que la femme qui surprend son mari en flagrant délit est jugée
pour assassinat.
Où est la notion dégalité devant la loi stipulée
par la Constitution? A cette question, un autre sexiste, mais sympathique
celui-là, Sacha Guitry répondait jadis par une boutade:
Je conviendrais bien volontiers que les femmes nous sont supérieures,
si cela pouvait les dissuader de se prétendre nos égales.
Cétait il y a longtemps, il est vrai, mais cela conforte
lego démesuré de nos artabans locaux et fait écho
à leur devise favorite: Sois belle et tais-toi.
Reste à savoir, au constat des dégâts que ces messieurs
ont accumulés sur leurs pas et de limpasse où ils
nous ont menés, sil y a vraiment là de quoi être
fiers.
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