La visite officielle et pastorale de S.B. le patriarche
maronite, Mgr Nasrallah Boutros Sfeir en France depuis le 25 septembre,
a constitué un événement d’importance pour
le gouvernement français et la colonie libanaise. Le 26 septembre,
l’éminent prélat a été reçu à
l’Elysée par le président Chirac avec le faste réservé
à un chef d’Etat mais, aussi, avec beaucoup d’amitié,
de respect et de chaleur humaine. A Lisieux, Sa Béatitude a drainé
une foule de milliers de fidèles, dont plus de mille Libanais venus
de France et du Liban assister à la messe solennelle qu’il
a célébrée en la cathédrale Sainte Thérèse.
Revenu à Paris en début de semaine, il y a entamé
un programme chargé, dont une rencontre avec les présidents
du Sénat et de l’Assemblée nationale. Partout, il
a marqué ses hôtes par son charisme, sa clairvoyance, sa
modération, sa sagesse, son patriotisme et son attachement à
la paix au Liban et dans l’ensemble du monde. Au cinquième
jour de sa visite riche en rencontres, il a bien voulu nous recevoir à
titre strictement personnel dans son lieu de résidence, à
l’hôtel “Raphaël”, avenue Kléber dans
le 16ème arrondissement, où il est l’hôte officiel
du gouvernement français. Son visage irradie le calme et la sérénité;
ses yeux brillent d’intelligence et de sage détermination.
En cette heure matinale de la journée, notre entretien a surtout
visé les premiers résultats de sa visite officielle et pastorale
en France.
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Le président Chirac a, lors de l’audience qu’il
vous a accordée, souligné le caractère privilégié
des rapports que la France a toujours entretenus avec le Liban et, spécialement,
avec la communauté maronite. Que vous a-t-il promis pour aider
le Liban à sortir de sa tourmente?
Il a toujours dit que tout ce qui concerne le Liban le concerne
personnellement et la France, en général. Il a affirmé
qu’il serait toujours aux côtés du Liban et essayerait
de l’aider dans la mesure, où, j’ajouterais, les Libanais
pourraient s’aider eux-mêmes, comme dit le proverbe, “Aide-toi,
le ciel t’aidera”.
Personne ne peut remplacer les Libanais dans ce qu’ils ont à
faire.
Quelles sont vos impressions générales de votre
visite officielle et pastorale en France?
De bonnes impressions, c’est sûr, car on ne pouvait
pas s’attendre à autre chose venant de la France, d’autant
plus que j’ai été reçu par le président
Chirac d’une façon très chaleureuse et très
aimable.
Ensuite, j’ai été à Lisieux célébrer
une messe et il y avait une très grande foule; beaucoup de Libanais
sont venus soit du Liban, soit de France et, en général,
tout s’est bien déroulé.
Avez-vous abordé avec lui le sujet du retrait syrien du
Liban et le rétablissement de la souveraineté et de l’indépendance
libanaises?
Nous avons passé en revue toute la situation au Liban.
Tous les points ont été longuement discutés.
Etes-vous optimiste?
On ne peut pas ne pas l’être, il faut toujours espérer
et continuer à lutter.
des milliers de FIDÈLES À LISIEUX
Quels sont les objectifs de votre tournée en Europe et comment
ferez-vous pour ramener les jeunes Libanais dans leur pays?
Le but de ma tournée c’est d’abord de répondre
à deux invitations, la première officielle adressée
par la France et la deuxième religieuse, par Mgr Pierre Pican,
évêque de Bayeux et de Lisieux, pour célébrer
la fête de Sainte Thérèse avec les milliers de personnes
qui viennent participer à cette fête. Et cela a été
fait à l’occasion de l’anniversaire des processions
qui ont eu lieu au Liban avec les reliques de Sainte Thérèse
et c’était un triomphe. Ma visite est, donc, à la
fois officielle en France et pastorale, ainsi que dans les pays d’Europe
où se trouvent des communautés maronites.
Quels pays allez-vous visiter?
J’irai en Suisse, en Belgique, en Allemagne, en Suède,
à Rome et à Londres. A Rome, je participerai au jubilé
d’argent du pontificat de Sa Sainteté Jean-Paul II.
Empruntez-vous dans vos tournées à l’étranger
le même chemin que le pape Jean-Paul II pour aller à la rencontre
des fidèles?
Enfin, on fait ce qu’on peut. Le Saint-Père a déjà
effectué plus de cent voyages à travers le monde et j’en
ai fait beaucoup moins. J’ai été en Australie, au
Brésil, en Argentine, en Uruguay, au Canada et aux Etats-Unis.
On essaie de faire au mieux. C’est un honneur de pouvoir imiter
le Saint-Père dans son apostolat.
Le cardinal-patriarche Nasrallah Sfeir répondant aux
questions de notre collaboratrice Marie Bteiche. |
LA JUSTICE DOIT ÊTRE CLAIRE
Que pensez-vous de la campagne menée contre le général
Aoun?
Le général Aoun a pris une position, mais je l’ai
déjà dit et répété qu’on ne pouvait
pas se permettre d’exhiber un dossier toutes les fois qu’il
y a de la part du général une incartade. Il faut, s’il
y a un dossier, l’examiner une fois pour toutes; condamner ou innocenter
la personne en question. C’est comme une épée de Damoclès,
lorsqu’une attitude ou une position ne plaît pas au gouvernant,
on exhibe le dossier du général Aoun. Ce n’est pas
une façon de faire et la justice doit être claire à
ce sujet.
LES LIBANAIS DOIVENT SE RÉCONCILIER
En ces moments difficiles, les Libanais n’ont d’yeux que pour
vous. Que pouvez-vous leur promettre et quel message leur adressez-vous?
Que puis-je promettre aux Libanais? Pas grand-chose; je peux leur dire
que tant qu’ils seront divisés entre eux, il y a peu d’espoir
qu’ils puissent arriver à leur but, mais une fois réconciliés,
unis et travaillant ensemble dans un but déterminé, je crois
qu’ils pourront arriver à un résultat.
C’est le cas de tout le monde, non celui uniquement des Libanais.
Je les appelle, donc, à se réconcilier, à œuvrer
ensemble, à fixer un but et à essayer quand même de
l’atteindre.
Et votre message aux dirigeants du monde spécialement
aux Américains qui veulent imposer soi-disant leur paix dans tout
le Moyen-Orient?
Ils ont leur projet à eux... Je n’ai pas de message
à adresser à qui que ce soit, encore moins aux Américains.
Je dis que Dieu a créé les gens pour leur permettre de vivre
ensemble et que chacun puisse se réaliser lui-même dans l’harmonie
qui doit régner dans le monde.
Mais on ne doit pas, tout de même, se réaliser aux dépens
des autres. Mon dernier message est que nous devons prier parce que nous
croyons invinciblement qu’il y a une providence qui veille sur tout
le monde, sur toutes les créatures; nous devons avoir confiance
en nous-mêmes, en la providence et réunir, quand même,
nos rangs en œuvrant dans un seul but, celui de libérer le
pays et de créer une société qui puisse être
plus accueillante envers tous ses fils. |