Göksin Sipahioglu, fondateur et patron historique de
l’agence de photojournalisme Sipa, l’une des trois
agences qui, avec Gamma et Sygma, ont fait de
Paris la capitale du photojournalisme, quittera, dans les
prochaines semaines, ses fonctions de président suite à un
désaccord avec le nouveau propriétaire : le groupe Sud
Communication qui avait racheté, Sipa Press en 2001.
Sipahioglu est né à Izmir (Turquie) en 1926. Il a commencé
sa carrière par le basket (il mesure 1,90 m), mais est vite
devenu commentateur sportif puis photographe. Arrivé en
France en 1966 comme correspondant du quotidien turc
Hürriyet, il a créé Sipa en 1969 avec des bouts de ficelle, et
un labo installé dans un minuscule studio.
Aujourd’hui Sipa est installé dans le 16ème
arrondissement de Paris. Cette société emploie 130
personnes et 26 photographes réguliers et a un fond de
plus de 30 millions d’images, dont 900.000 numérisées.
Toujours prêt à vous refiler du scoop, Göksin a toujours
vécu sa profession ; il suffit pour s’en convaincre de voir
son bureau surchargé de journaux et autres revues qu’il
feuillette de ses grandes mains, vous montrant jalousement
LES photos “Sipa”. Véritable workaholic, il se tuait à la tâche
et “habitait” dans son bureau où il était joignable même les
week-ends.
Dans une interview qu’il avait accordée à “La Revue du Liban”
en 1998 (http://www.rdl.com.lb/1998/3667/Sipa.htm) il
répondait à notre question “L’écrit est-il menacé ?” : “Il ne
disparaîtra pas puisqu’on a besoin de lire, on aura toujours
besoin des commentaires, mais la photo va prendre de plus en
plus d’importance. C’est pour cette raison que deux des hommes
les plus riches du monde ont acheté des agences de photos. Bill
Gates a acquis Corbis et Paul Getty a acheté Gamma. Paul Getty
a laissé une fortune colossale et son petit-fils s’intéresse de près
aux agences d’images. Donc ces hommes puissants ont compris
que l’image est très importante. Dans quelques années, en
appuyant simplement sur un bouton de notre télévision, on
obtiendra des revues, des photos, des journaux. Corbis a déjà
numérisé quelque deux millions de photos… A notre époque, la
photo a gagné de l’importance puisque les gens n’ont plus le
temps de lire, mais évidemment, sans écrit, le journalisme ne
peut exister. Le journalisme c’est raconter, interviewer,
commenter ; c’est la complémentarité des deux.”
Quand Sud Communication avait racheté Sipa, l’agence
accusait un déficit de 3 millions d’euros. Le déficit cumulé
serait aujourd’hui de 5 millions d’euros, selon le fondateur
de l’agence, qui relève pourtant le dynamisme commercial
de son enfant.
Göksin Sipahioglu s’apprête donc à tourner la page. Il
s’était pourtant réjoui de l’alliance avec Sud
Communication. Deux ans plus tard, “nous ne nous sommes
pas entendus”, lâche-t-il d’un ton désabusé. “Ils veulent
qu’on déménage un étage de notre immeuble, qu’on fasse des
économies... Non, non, non, ça ne me convient pas” (...) “Je peux
encore continuer, redevenir photographe. Je suis tenu de ne pas
créer de nouvelle agence avant trois ans. J’aurai alors 80 ans, je
pourrais bien recommencer quelque chose”, lance-t-il en riant.
Bonne chance Göksin !
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