Beyrouth et sa banlieue-sud étaient en ébullition jeudi 27 mai à la suite des multiples manifestations qui s’y sont déroulées et dont certaines ont dégénéré en affrontements avec l’armée et les FSI. Quatre tués et un grand nombre de blessés ont été déplorés de part et d’autre, notamment à Hay el-Selloum, dans la banlieue-sud.
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Le triste contraste entre la réalité violente et cette
publicité vantant une tranquillité bien méritée.
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Les manifestants de Hay el-Selloum, dont une grande majorité d’adolescents, avaient lancé des pierres en direction des forces régulières qui tentaient de les contenir et de les empêcher de commettre des actes de vandalisme dans la région. L’Armée, intervenue pour appuyer les gendarmes a, tout au long de la matinée, fait preuve de retenue, tentant de faire entendre raison aux jeunes manifestants. Ces derniers ont, cependant, continué à lancer des pierres et des projectiles en direction des soldats qui ont été contraints de riposter. Même des dignitaires chiites qui tentaient de s’interposer entre les deux parties n’ont pas été écoutés, recevant leurs lots de pierres et de débris de verres. Débordés de toutes parts, certains d’entre eux ont dû renoncer à leur “médiation”.
La tension monte dans la banlieue-sud.
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Les blindés de l’Armée se déploient dans cette rue bondée d’Ouzaï.
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Plus tard, les soldats ont été la cible de grenades et de tirs nourris d’armes automatiques. En représailles, l’armée a perquisitionné plusieurs immeubles et arrêté un grand nombre de suspects.
Des émeutiers sont, toutefois, parvenus à s’enfuir à l’intérieur des camps avoisinants, après avoir saccagé des poteaux électriques, des cabines téléphoniques, des canalisations et même des établissements commerciaux et des voitures en stationnement. Selon des témoins oculaires, beaucoup de jeunes Palestiniens se sont infiltrés parmi les mani-festants et ont commis des agressions aussi bien contre les soldats que les civils qui se hasardaient à circuler dans la région. Après Hay el-Selloum, les affrontements se sont étendus à Ouzaï, la route de l’Aéroport et à plusieurs secteurs de la banlieue chiite dont Moucharrafieh, Galerie Semaan et Kafa’at, où des jeunes va-nu-pieds ont profité de la situation pour envahir les ruelles et s’adonner à des actes de vandalismes contre les biens publics. Des pneus et des poteaux ont été incendiés dans plusieurs secteurs, dégageant une fumée noire asphyxiante qui s’est propagée dans le ciel de Beyrouth.
Des dizaines de personnes ont, en outre, pris d’assaut le ministère du Travail à Chiyah saccageant les lieux et détruisant des dossiers officiels.
Un véritable champ de bataille, à la galerie Semaan.
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Un dignitaire chiite tente d’apaiser la colère des manifestants, à Ouzaï.
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En début de soirée, une réunion a débuté à Hay el-Selloum, des représentants de l’Armée, des Forces syriennes stationnées au Liban, d’“Amal” et du “Hezbollah” afin d’examiner les moyens de circonscrire les incidents. De son côté le “Hezbollah” a indiqué, dans un communiqué, que les Libanais ont été surpris par les graves incidents qui se sont produits déplorant les tirs qui ont visé les manifestants. Le parti chiite a appelé les forces régulières à faire preuve de retenue et invité les organismes concernés à ouvrir une enquête sur ces événements pour châtier les responsables.
D’autres manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions libanaises notamment à Bhamdoun, Aley, Jounieh, Tripoli et les grandes villes du pays. Certains débordements ont été enregistrés, sans toutefois faire de victimes. Ces événements dramatiques ont poussé le président de la Confédération générale des Travailleurs du Liban (CGTL), M. Ghassan Ghosn, à lancer, en milieu d’après-midi, un appel à l’arrêt des manifestations, afin d’éviter d’éventuelles confrontations et effusions de sang.
Entre-temps, le Liban était partiellement paralysé par une grève contre la politique économico-sociale du gouvernement et, particulièrement, contre la hausse continue des prix des carburants. La circulation était restée fluide dans toutes les rues de la capitale et des principales villes du pays. Les écoles publiques et privées ont également suivi l’appel à la grève lancé par la CGTL. D’autres institutions, notamment les éta-blissements bancaires se sonts joints à ce mouvement de protestation, en observant une grève symbolique d’une heure.
Les manifestants s’efforcent de bloquer les routes
par tous les moyens.
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Tout avait commencé par des revendications légitimes.
Ici, devant le Musée national.
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Municipales: la fièvre électorale
gagne le Liban-Nord
Sur le plan politique, les trois premières phases des élections municipales se sont déroulées dans les meilleures conditions au Mont-Liban, à Beyrouth, dans la Békaa et au Liban-Sud. Effectivement, on n’a eu à déplorer aucun incident grave, les onze plaintes enregistrées n’ayant pas dépassé le fait divers.
Dès le début de la semaine courante, l’intérêt électoral s’est transposé au Liban-Nord où se déroulera la dernière et quatrième étape des municipales, dans un climat plus survolté que dans les autres districts. Et ce, en raison de la confrontation entre les différents pôles locaux qui impriment à la bataille un cachet plus politique que local et environnemental. Deux points chauds concentrent l’attention des observateurs et des analystes: Tripoli et Bécharré.Dans la capitale nordiste, toutes les tentatives de conciliation entre les clans adverses se sont avérées vaines, tant le président Omar Karamé, d’une part, MM. Najib Mikati, Samir Jisr et le bloc des parlementaires tripolitains, d’autre part, s’étant montrés réfractaires à la liste consensuelle. Tripoli connaîtra donc une confrontation acharnée entre les deux camps.
A Bécharré, également, les Forces libanaises, sous la houlette de Mme Sethrida Geagea, se sont montrées hostiles à toute entente avec MM. Gebrane Tok et Kabalan Issa el-Khoury, députés de la circonscription. Ceux-ci ont gagné Bkerké, au début de la semaine, pour exposer la situation au cardinal Nasrallah Sfeir.
Le vandalisme prend le dessus...
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Manifestation pacifique à Jounieh.
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LA DÉROUTE DE HARIRI À SAÏDA
Les résultats des consultations populaires au Sud ont été quelque peu “douloureux” et ont réservé des surprises, spécialement les localités où les listes étaient parrainées par les présidents Nabih Berri, Rafic Hariri et le “Hezbollah”, ainsi que par certaines grandes familles revenues au Sud pour la première fois depuis 1985. Après avoir perdu la bataille dans la banlieue-sud et à Baalbeck, le président Berri s’est rattrapé au Liban-Sud, où il a fait élire de nombreuses listes, se partageant les municipalités avec le “Hezbollah”. De son côté, le président Hariri a subi une perte politique, la première de son genre depuis 1992, la liste qu’il soutenait, présidée par M. Zibawi et bénéficiant de l’appui de la “Jamaa islamiya”, ayant été battue par celle que présidait le Dr Abdel-Rahman Bizri, soutenue par M. Oussama Saad, député de Saïda, secrétaire général du “Front nassérien”.
Un blessé est transporté d’urgence
vers l’hôpital du “Rassoul el-Aazam”.
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Circulation bloquée sur l’autoroute de l’Aéroport.
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Il y a lieu de faire état de la victoire remportée à Hasbaya par l’émir Talal Arslan, ministre d’Etat, aux dépens de son adversaire traditionnel, M. Walid Joumblatt qui avait fait élire, précédemment, la liste de Choueifate, village considéré comme le fief de l’émir Talal. Alors qu’à Jezzine, la liste appuyée par M. Samir Azar, député de la circonscription et, indirectement, par le chef du Législatif, a raflé tous les sièges des conseillers municipaux. Ainsi, le scrutin muni-cipal s’est terminé sur le terrain au Sud, pour se transposer au plan politique, surtout par rapport au chef du gouvernement qui pourrait en ressentir les retombées à brève ou longue échéance. Aussi, M. Hariri s’est-il empressé de se rendre sur les bords du Barada, afin d’y rencontrer le président Bachar Assad, dont il avait pris rendez-vous lors du sommet de Tunis. |