Beaucoup d’hommes, dix femmes seulement en cent ans. Trois, d’entre elles, en quelques jours, ont reçu la semaine passée le prestigieux prix Nobel. La paix, la littérature, la médecine... des femmes les ont raflés haut la main... à l’ère de la “Burka” avilissante en Afghanistan.

Les Nobel de physique: H. David Politzer, Franck Wilczek et David J. Gross.
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Les Nobel de chimie: Avram Hershko, Aaron Ciechanover et Irwin Rose.
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es femmes, d’abord, ou “ladies first”, selon les Anglo-Saxons et, pour cause! Alors que les hommes torturent, tuent et s’engagent dans une course effrénée pour le pouvoir, les femmes, elles, œuvrent en faveur de la paix, l’environnement et l’humanité. Elles écrivent, cherchent, découvrent, s’activent et le résultat est parfois inattendu.
Le prix Nobel de médecine:
Richard Axel.
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Le prix Nobel de médecine:
Linda B. Buck.
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Wangari Maathai, militante écologiste kenyane, où le noir de l’Afrique et le vert de la forêt se rencontrent, a déclaré avoir “d’abord, cru à une plaisanterie”, à l’annonce de son prix Nobel de la paix et l’a célébré à genoux, en plantant un tulipier dans sa ville natale de Nyeri. Rien d’étonnant, pourtant, à savoir l’engagement à corps perdu de cette femme de 63 ans, rayonnante d’intelligence, pour la protection des forêts de son pays, qui n’a pas hésité à dénoncer la déforestation au prix, parfois, de sa liberté.
Le Nobel de la paix:
Wangari Maathai.
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Le Nobel de littérature:
Elfriede Jelinek.
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Comme lorsqu’elle fit son apparition, en 1998, sur la scène internationale, s’opposant au projet du président kenyan, Daniel Arap Moi, qui consistait à se faire construire une résidence en rasant plusieurs centaines d’hectares de forêts! Elle est arrêtée; puis, libérée après une campagne de protestation. L’année d’après, elle est attaquée et blessée alors qu’elle plante des arbres dans une forêt de Naïrobi, en signe de protestation contre - encore! - la déforestation.
Son idée est claire: “L’environnement est un des aspects importants de la paix, parce que lorsqu’on détruit nos ressources, que ces ressources diminuent, on va se battre pour le peu qui reste”, affirme-t-elle.
Avec son “Mouvement de la ceinture verte” (Green Belt), elle revendique la création de milliers d’emplois, plaçant des femmes à des postes de responsabilité et la plantation, au travers d’associations jumelées, de 30 millions d’arbres en Afrique.
Activiste, députée et ministre, Wangari Maathai a été reçue par le président kenyan, vendredi soir, à l’annonce de son prix et a déclaré: “Je renoncerais à mes responsabilités de ministre plutôt que de voir nos forêts détruites”.
Son prix Nobel de 10 millions de couronnes suédoises (1,1 million d’euros), elle s’apprête à en consacrer une partie à ses programmes environnementaux. “Il faut que je fasse un budget pour savoir comment le dépenser... Comme font les riches”.
Biologiste de formation et enseignante, Wangari Maathai a quitté sans regret son mari, homme politique (avec qui elle a eu trois enfants) qui lui reprochait d’être “trop forte, trop intelligente, trop instruite et difficile à contrôler”. Ce qui lui a valu d’être aujourd’hui la première femme africaine à recevoir le Nobel de la paix.
LE NOBEL DE LITTÉRATURE À ELFRIEDE JELINEK
Elle est Autrichienne, née en Styrie le 20 octobre 1946, de mère roumaine allemande catholique et de père tchèque, chimiste, juif, socialiste. Sa littérature est dérangeante, voire parfois obscène; son œuvre, romanesque et théâtrale. Virulente caricaturale, elle travaille sur plusieurs niveaux de langage et utilise sa formation musicale (elle a un diplôme d’organiste) à cette fin. “Je voudrais utiliser le langage comme une musique, dont le matériau serait le mot”, a coutume de dire cet écrivain, victime dans son enfance, d’une mère autoritaire qui la contraignit, dès l’âge de 7 ans, à un entraînement musical intensif. C’est, d’ailleurs, avec “La Pianiste” (1983), une sorte d’autobiographie, qu’Elfriede Jelinek connaît le succès et que les lecteurs français la découvrent, en 1988; l’héroïne qui est victime de l’ambition maternelle, devient professeur de piano et succombe à une passion sado-masochiste. Un film en est tiré avec Isabelle Huppert. Traduit en français par Jasmine Hoffmann et Maryvonne Lilaize, c’est, Jacqueline Chambon qui crée sa maison d’édition en publiant ce livre refusé par les autres. Il est vendu à 20.000 exemplaires... et suivi des “Exclus” (1980, traduit en 1980): pour l’auteur le nazisme n’est pas mort en 1945 et la structure familiale porte en elle le germe nazi. Dans “Les Amantes”, Jelinek dénonce les lois du mariage qui ne représentent, pour elle qu’une reproduction des lois du marché. Causticité, ironie, brutalité, son style incorpore tout cela.
“Avidité”, va loin dans la démolition (de la syhtaxe aussi) si loin, que la lecture en est malaisée.
“Lust” (1989, traduit en 1991) raconte un industriel qui traite ses ouvriers comme du bétail et, sa femme, comme une chienne... jusqu’à l’obscénité. Jelinek l’affirme: “La pornographie est un langage d’homme”.
Décidément, les jurés du Nobel ont, cette fois, réellement privilégié les féministes et les activistes.
Linda buck et richard axel, prix nobel de médecine
Si l’odorat de l’homme s’est atrophié, progressivement, au profit de la vision, il n’en est pas moins demeuré un des plus grands mystères du corps humain. C’est, précisément, pour avoir percé les mystères du système olfactif que Linda B. Buck (57 ans) et Richard Axel (58 ans) ont reçu le prix Nobel de médecine et de physiologie, qui leur a été décerné par l’Institut Karolinska de Stockholm. Deux Américains donc - dont une femme, ce qui est assez rare - ont fait des découvertes fondamentales à ce sujet.
Si l’un travaille à l’université de Columbia et l’autre à Seattle, au centre de recherche sur le cancer Fred Hutchinson, c’est ensemble qu’ils ont identifié, en 1991, les gènes contrôlant dans les cellules nerveuses de la muqueuse nasale, le “captage” des molécules chimiques odorantes.
Les deux chercheurs ont démontré que la “réception” des odeurs est verrouillée par l’activité d’une immense famille de gènes, riche d’un millier de membres. Un système génétique hautement spécialisé, où chaque gène orchestre la production d’un “récepteur olfactif” - une protéine dédiée au piégeage d’une molécule odorante particulière. La combinaison de ces milliers de gènes, serait la base de l’aptitude humaine à reconnaître une dizaine de milliers d’odeurs. Ce système olfactif, peut être atteint de pathologies fréquentes chez l’homme qui conduisent à une perte du goût, celui-ci étant essentiellement un effet de l’odorat. Sachant que le nerf olfactif a la capacité de se renouveler, naturellement, intensivement: un neurone olfactif meurt, un neurone olfactif naît, tous les trente jours. Ces découvertes pourront, notamment, contribuer au traitement des maladies du système olfactif et “déboucher à terme sur la mise au point de nouveaux produits pharmaceutiques” estime l’institut Karolinska de Stockholm; ou encore, selon certains savants, “mettre au point des détecteurs de monoxyde de carbone - un gaz éminemment dangereux, mais inodore pour l’homme”.
Axel et Buck se partageront 1,1 million d’euros, montant du prix attribué.
Nobel de Chimie, à deux Israéliens et un américain
Le prix Nobel de Chimie a récompensé les travaux de lutte contre le cancer, de deux Israéliens, Aaron Ciechanover (57 ans) et Avram Hershko (67 ans), ajoutant l’Etat hébreu à la liste des pays ayant remporté des Nobel de Chimie, jusque-là détenus par les Allemands et les Américains. En effet, le troisième Nobel de Chimie est un Américain Irwin Rose (78 ans). Le trio a travaillé sur la destruction sélective des protéines, une clé théorique dans la lutte contre le cancer, faisant la lumière “sur l’un des processus cycliques les plus importants de la cellule, c’est-à-dire la dégradation des protéines”, a souligné le communiqué de l’Académie royale des sciences de Suède, justifiant son choix. Parallèlement à la synthèse des protéines, qui sont renouvelées en permanence, se produisent des processus de dégradation, qui ne sont pas aveugles mais très contrôlés, faisant qu’à tout moment les protéines ciblées “se voient coller une étiquette moléculaire”.
Une protéine marquée par cette “étiquette”, appelée ubiquitine, sera destinée à être détruite dans un “broyeur à déchets”, le protéasome, a déclaré l’Académie. Le rôle de l’ubiquitine dans la dégradation des protéines régulées étant un processus fondamental qui influence les événements cellulaires vitaux, notamment la transformation maligne et les réactions immunitaires, selon le professeur américain Joseph Goldstein prix Nobel de médecine, en 1985.
Les travaux des trois chercheurs récompensés ont déjà débouché sur un produit élaboré en Israël pour combattre le cancer, Israël 21C ou “Velcade” approuvé, il y a un an, par l’Agence Fédérale américaine de contrôle des aliments et médicaments...
Le prix Nobel de physique à trois américains
“La découverte récompensée est d’une importance décisive pour notre compréhension sur la théorie de fonctionnement d’une des forces fondamentales de la nature, la force qui relie entre eux les plus petits éléments de la matière, c’est-à-dire les quarks et comment ils interagissent”, a expliqué l’Académie suédoise qui a décerné le prix.
Trois chercheurs américains: David Politzer, David J. Cross et Frank Wilczek ont reçu le prix Nobel de physique 2004 pour leurs travaux sur la vie des quarks, particule fondamentale au cœur de l’atome. Si la science a montré au XXème siècle que les atomes sont composés d’un noyau lui-même composé de protons et de neutrons, elle n’avait pu, cependant, expliquer la “cohésion” du noyau atomique, c’est-à-dire comment des différents composants de l’atome agissent entre eux. Puis, les “quarks” sont nés en 1964, les Américains Murray Gell-Mann et Georges Zuey ayant trouvé le maillon manquant. Les actuels lauréats du Nobel 2004 ont étudié le fonctionnement de ces “briquettes élémentaires” et énoncé, dès 1973, une formule mathématique qui fonde la chromodynamique quantique (Q.C.D.). Celle-ci décrit “l’interaction forte”, sorte de gravitation microcosmique qui permet de lier les quarks entre eux, pour former les hadrons (protons et neutrons étant des exemples de hadrons). L’interaction forte est, aussi, à l’origine des réactions thermonucléaires qui se produisent au centre des étoiles et dans le soleil.
Le prix Nobel d’économie à un Norvégien et un Américain
Finn E. Kydland (Norvège) 60 ans et Edward C. Prescott (USA) 63 ans, sont les heureux récipiendaires du “prix Nobel d’économie 2004” pour leurs travaux sur la théorie de la macroéconomie dynamique: “La cohérence du temps dans la politique économique et les forces motrices derrière les cycles conjoncturels”, a annoncé l’Académie suédoise. Une contribution estimée significative, également, pour la pratique de la politique fiscale et monétaire dans de nombreux pays... Une recherche qui a largement influencé les réformes des banques centrales ces dix dernières années, poursuit le communiqué. Dès 1977, Kydland et Prescott ont démontré que les responsables qui n’étaient pas en mesure de se lier à une politique définie à l’avance, seraient poussés à mener une politique inflationniste tout en ayant voulu le contraire. C’est par le prix Nobel d’économie que la saison des prix Nobel a pris fin. Le Liban, combien attendra-t-il encore, enlisé comme il est dans ses sables mouvants, avant d’obtenir un prix Nobel... du bon sens au moins! |