Adieux émouvants de Monaco à Rainier III, le dernier grand prince

Tous les drapeaux sont en berne. Les 32.000 résidents de Monaco appartenant à 125 natio-nalités, les 6.000 Monégasques parmi eux, portent le deuil de leur prince comme les membres de la famille Grimaldi tout de noir vêtus. Depuis le 6 avril, trois fois par jour, le glas a sonné dans les églises de la principauté. Et il sonne toujours en cette journée du vendredi 15 avril où se déroulent les obsèques de Rainier III, décédé le 6 avril à l’âge de 81 ans, un long règne de 56 ans ayant fait de lui le grand prince du XXème siècle. La solennité des cérémonies minutieusement réglées, la présence des rois, des chefs d’Etat, de soixante délégations internationales, de 800 invités, de 1.000 chaînes de télévision, n’empêchent pas Albert de Monaco, nouveau souverain de la principauté, les princesses Caroline et Stéphanie, de vivre douloureusement l’événement et de pleurer leur père bien-aimé.

photo
Vue générale de la cathédrale.

De strictes mesures de sécurité avaient été prises pour assurer la sécurité de l’événement: les espaces aériens et maritimes avaient été fermés dès jeudi, tandis que 1.500 gendarmes mobiles et CRS avaient été déployés dans la principauté née au XIIIème siècle et dont Paris assure la sécurité.
Vendredi matin, vers 10h00, les délégations ont commencé à arriver au palais, se dirigeant vers la chapelle palatine afin de se recueillir devant la dépouille du prince et présenter ensuite leurs condoléances aux membres de la famille Grimaldi.

photo Le cercueil de Rainier porté par dix carabiniers.

photo Trois gerbes déposées au pied du cercueil, portent les noms d'Albert, de Caroline et Stéphanie.

A 11h30, ces délégations se rendaient à pied à la cathédrale de style néo-roman datant de 1875 et disposant de mille places. Le cercueil de Rainier, porté par dix carabiniers et encadré par dix pénitents noirs, traversait la cour d’honneur au son de la Marche funèbre de la 3e Symphonie de Beethoven, morceau choisi par la princesse Caroline. La marche du cortège était rythmée de battements de tambour, tandis que 36 coups de canon ponctuaient la cérémonie retransmise à l’intention des Monégasques sur écrans géants posés dans les six églises de Monaco. Le cercueil, enveloppé du drapeau et des armoiries du prince, était suivi des membres de la famille Grimaldi, d’Odin, le griffon Korthal de Rainier (à lui offert par le Conseil de la couronne) et salué par les 120 membres du personnel du palais.

photo Le prince Albert entouré des princesses Caroline et Stéphanie.

photo Les petits-enfants de Rainier unis
dans la tristesse.

Un “prince bâtisseur” qui appelait ses sujets par leur nom
La messe des funérailles de près de deux heures, a été chantée par la maîtrise de la cathédrale et les Petits Chanteurs de Monaco, accompagnée par l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo. Elle était présidée par l’archevêque de Monaco, Mgr Bernard Barsi qui, dans son homélie, a dressé un brillant portrait du prince-bâtisseur (en face notamment de Jacques et Bernadette Chirac, le roi d’Espagne, le roi et la reine de Suède).

photo Au premier rang de l’assistance Bernadette et Jacques Chirac,
le roi Juan Carlos d'Espagne, le roi Karl Gustaf de Suède
et la reine Silvia.

photo Le portrait de Rainier placé à l'église Sainte-Devote où les Monégasques ont pu suivre les funérailles sur écran.

“Cette mort à laquelle nous ne voulions pas croire est arrivée, a-t-il notamment relevé. Au cours de 56 ans de règne, le prince Rainier avait su tisser des liens profonds avec son peuple. Aujourd’hui, cette communauté se sent orpheline de ce grand homme qui nous a aimés et que nous avons aimé et respecté (…) Le prince s’est identifié totalement à sa mission cherchant le bonheur de son peuple (…) Il a résolument fait entrer son pays dans le 3ème millénaire”. Ayant accru son pays de 20% en les gagnant sur la mer, il a fait accompagner l’essor économique de progrès sociaux, doté le “Rocher” de 2 kilomètres carrés, d’une Constitution; s’est engagé dans les domaines scientifique, culturel, sportif, humanitaire, etc. “Par sa ténacité, a poursuivi Mgr Barsi, Monaco est aujourd’hui un Etat moderne, reconnu dans le monde entier”. Enfin, “pour le chrétien, la mort est un passage à Dieu. Celui qui a la foi ne peut pas mourir éternellement (…) Notre frère, le prince Rainier s’est endormi dans la paix du Seigneur. Qu’il trouve place maintenant à la table du ciel”.

photo Le prince Albert saluant l'archevêque Bernard Barsi avant de quitter la cathédrale avec Caroline et Stéphanie.

photo Les Monégasques entrant dans la cathédrale pour payer un dernier tribut à leur prince.

Quatre lectures étaient données. L’une a été prononcée par Robert Hossein qui a participé à la cérémonie aux côtés des actrices Fanny Ardent, Clotilde Courau, du couturier Karl Lagerfeld, de l’académicien Maurice Druon, du présentateur de télévision Jean-Pierre Foucault, etc. Après le chant du dernier adieu, Mgr Barsi a encensé le cercueil, l’a aspergé d’eau bénite. Les princes ont écouté dans une tristesse et un recueillement profonds l’aria, suite en Ré majeur de Jean-Sébastien Bach. Après une procession aux cierges, ils se sont inclinés devant la dépouille de Rainier et ont regagné le palais.
Une messe a été célébrée à 18h30 à la cathédrale, en présence de la population monégasque. L’inhumation de la dépouille s’est faite dans la plus stricte intimité. Rainier a reposé dans la crypte de la cathédrale retrouvant Grace, son épouse décédée le 14 septembre 1982, son amour pour l’éternité.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 3998 Du 23 Au 30 Avril 2005
Editions Speciales Numéros Précédents Contacts Recherche