Deux semaines nous séparent de l’expiration du délai imparti à M. Detlev Mehlis, pour présenter son rapport final autour de l’assassinat du président Rafic Hariri. Aussi, le juge allemand mène-t-il une course contre la montre avant de boucler son enquête, celle-ci ayant été gelée pendant près d’un mois, à cause du refus de Damas de coopérer.
Echange de vues Lahoud-Sanioura,
la veille du Conseil des ministres.
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Les enquêteurs doivent mettre les bouchées doubles pour terminer l’interrogatoire des cinq responsables syriens à Vienne que la capi-tale syrienne a tenté de saper in extremis, en mettant en doute la crédibilité de M. Mehlis et en montant en épingle l’affaire du mystérieux “témoin masqué”, Houssam Houssam, lequel est revenu sur son témoignage enregistré il y a quelques semaines à Monte Verde. Et ce, au cours d’une conférence de presse tenue sur les bords du Barada. Cet étrange témoin avait fait peser des soupçons sur Maher el-Assad et Assef Chaoukat, les accusant même “d’avoir commandité l’attentat du 14 février”.
Cette fois, le “faux témoin” s’est rétracté et a accusé Saad Hariri, chef du “Courant du Futur” et ses proches collaborateurs, “de l’avoir soudoyé” pour accabler MM. Assad et Chaoukat”.
Mais ses allégations ont été catégoriquement démenties par M. Hariri qui a dénoncé “les tentatives désespérées de brouiller l’enquête, par le biais d’une contre-offensive des services sécuritaires syriens”.
SOLUTION DE MOYEN TERME ENTRE MEHLIS
ET DAMAS?
Ces développements qui ne manquent pas d’éléments de surprise, portent à penser que le chef des enquêteurs internationaux serait arrivé à une solution de moyen terme avec la capitale syrienne, en acceptant de soumettre les cinq responsables damascènes au siège des Nations unies à Vienne et non plus à Monte Verde, comme il l’exigeait auparavant.
De là, certains observateurs et analystes passent aux conclusions, en accréditant les nouvelles selon lesquelles pareille solution constitue l’indice d’une éventuelle amélioration des relations entre la Syrie et les Etats-Unis, pouvant se répercuter au niveau régional. Une telle impression est corroborée, en quelque sorte, par le nouveau ton dont a usé le secrétaire général du “Hezbollah”, sayyed Hassan Nasrallah, lors du meeting oratoire organisé au cours du dernier week-end, en accueillant les dépouilles des “Hezbollahis” tombés en territoire israélien, lors des affrontements avec “Tsahal” le long de la “ligne bleue”. Les propos incendiaires de sayyed Nasrallah, laissent craindre la reprise de la controverse autour des armes de la Résistance, ce qui aurait des conséquences catas-trophiques sur la situation socio-économique qui laisse à désirer....
Après le Dr Samir Geagea, le général Aoun recevra le président Sanioura et le leader du PSP.
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Joumblatt accuse la Syrie “de vouloir compromettre la sécurité du Liban”.
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NOUVELLE APPARITION DU “TEMOIN MASQUE”
Pour en revenir au “témoin masqué”, ce dernier a fait une nouvelle apparition dans un hôtel de Damas, en compagnie de son avocat, Omrane el-Zohbi, celui-ci ayant donné lecture d’une déclaration dans laquelle Houssam - qui a refusé de répondre aux questions des reporters de presse, - accuse certaines parties d’importuner sa fiancée libanaise et sa famille, en exerçant sur elle des pressions, pour faire des révélations dans le sens de celles faites précédemment par son fiancé... Ce qui a été démenti, une fois de plus. Ainsi, Damas continue-t-il à user d’une méthode d’un autre âge pour discréditer le chef des enquêteurs internationaux, lesquels n’ont pas procédé à l’interrogatoire des cinq responsables damascènes mardi dernier, comme il avait été annoncé et recueilleront leur déposition la semaine prochaine, entre les 5 et 7 décembre au siège de l’ONU dans la capitale autrichienne.
A propos de l’affaire Hariri, le président Sanioura a échangé les vues à son sujet avec le chef de l’Etat mercredi, la veille du Conseil des ministres qui devait se prononcer sur une nouvelle prorogation de la mission Mehlis et de la requête à adresser au secrétaire général des Nations unies, réclamant la constitution d’un tribunal international pour statuer sur l’attentat du 14 février. L’idée fait son chemin. En effet, plusieurs membres du Cabinet y sont favorables, de même que le président Salim Hoss et M. Tammam Salam, celui-ci ayant fait une déclaration dans ce sens à l’issue d’un entretien avec cheikh Mohamed Kabbani, mufti de la République.
En ce qui a trait à la reconnaissance par Farouk Chareh de la “libanité des fermes de Chébaa”, le chef du gouvernement a nuancé quelque peu sa réaction, en insistant sur la nécessité pour la Syrie de présenter aux Nations unies des documents officiellement authentifiés confirmant cette reconnaissance. A Amman où il participait à une conférence des patriarches catholiques d’Orient, S.Em. le cardinal Sfeir a abondé dans le sens de M. Sanioura.
“FIEL ET MIEL” DAMASCENES...
Pendant ce temps et suite au double langage des Syriens, les concertations s’intensifient entre les divers pôles politiques, en vue d’immuniser le front intérieur et de le soustraire à toute influence nocive. Ainsi, après le Dr Samir Geagea, le général Michel Aoun doit-il accueillir en sa résidence de Rabieh, le président Sanioura lundi prochain et, par la suite, M. Walid Joumblatt qui a chargé une délégation du PSP et du “Renouveau démocratique”, de présenter les condoléances au “Hezbollah” à la suite du martyre de ses combattants tombés lors des affrontements avec “Tsahal” le long de la “ligne bleue”.
Mais revenons à l’interrogatoire des cinq responsables syriens.
D’après des sources renseignées, le choix de Vienne comme lieu de l’interrogatoire des responsables syriens, a été le fruit de démarches arabo-internationales effectuées à Tunis, à la faveur du sommet qui s’y est tenu il y a une dizaine de jours. Le président Emile Lahoud qui y a pris part, aurait été mis au courant de la tentative de conciliation entre Damas et M. Mehlis. Et ce, afin d’épargner à la Syrie les désagréments d’une nouvelle résolution internationale qui lui imposerait des sanctions qu’elle a intérêt à prévenir. Dans le cadre de ces démarches, un émissaire du président soudanais, Omar el-Bachir est venu à Damas, puis, à Beyrouth pour soumettre aux dirigeants des deux pays les termes de la médiation de Khartoum, visant à réactiver l’enquête internationale.
Beyrouth renoue avec Damas
Dans ce contexte, le président Lahoud est revenu à la charge, mettant l’accent sur “l’importance pour le Liban et la Syrie d’entretenir des relations normales, basées sur la coopération et la fraternité”. A cet effet, il a insisté sur la nécessité de les assainir, afin de sauvegarder leurs intérêts mutuels, d’une part et de raffermir la solidarité interarabe dans cette étape parti-culièrement délicate de la conjoncture régionale, chargée de défis et lourde d’échéances, d’autre part.
“Le Liban, a déclaré le chef de l’Etat, n’acceptera jamais de servir de passage à d’éventuels comploteurs contre le pays voisin, ce qui menacerait, non seulement le Liban et la Syrie, mais tous les Etats arabes, leur sécurité, leurs intérêts et leur avenir”.
L’émissaire soudanais avait explicité la médiation de Khartoum, en précisant qu’elle avait pour but de décrisper l’atmosphère et de déblayer le terrain des obstacles qui entravent la tâche de la commission internationale d’enquête sur l’affaire Hariri. M. Ismaïl a, par la même occasion, rapporté la disposition du président Bachar Assad à faciliter le tracé des frontières libano-syriennes et l’établissement de relations diplomatiques entre Damas et Beyrouth. Cependant, à Moukhtara et en recevant l’émissaire soudanais, M. Walid Joumblatt a fait entendre un autre son de cloche. “Je ne peux pas, personnellement, a dit le leader du PSP, passer sous silence la résolution 1636. Lorsque la Syrie l’appliquera, nous pourrons dialoguer avec les responsables arabes, le roi Abdallah Ben Abdel-Aziz, le président Omar el-Bachir et d’autres encore, en vue d’instaurer la stabilité dans la région, mais pas avant, car la vérité est liée à la stabilité”.
Dans le même temps, les milieux proches du “Courant du Futur” insistent sur la formation d’un tribunal international, pour juger les commanditaires et les exécutants du crime du 14 février. Il faut dire, aussi, que la harangue de sayyed Hassan Nasrallah n’a nullement contribué à décrisper l’atmosphère et l’a, au contraire, rendue plus chaude. D’autant qu’il a pris à partie, sans les citer, nommément, certains éléments du “front du 14 mars”, ceux-ci ayant désavoué le “parti de Dieu” pour avoir pris l’initiative de remettre le feu aux poudres dans la région frontalière, ainsi que l’a constaté le Conseil de sécurité au terme d’un débat consacré à la situation le long de la “ligne bleue”. Un porte-parole du “Hezbollah” aurait menacé même de rompre son alliance avec des formations politiques déterminées, les accusant “d’avoir dévié de la ligne nationale qui considère la résolution 1559 comme une bombe à retardement, susceptible de compromettre la concorde sur le plan intérieur que les critiqueurs du “Hezb” tentent de torpiller en réclamant l’application de la résolution mentionnée”.
On se rappelle que le “Hezbollah” a adressé une question en bonne et due forme au président Sanioura autour du prétendu engagement qu’il aurait fait à M. Terje Roed-Larsen, d’appliquer la 1559...
Echange de messages libano-syriens
A ce sujet, il y a lieu de faire état des messages qui ont été échangés entre le président Sanioura, d’une part, le président Bachar Assad et M. Naji Otari, d’autre part, à l’occasion de l’anniversaire du Redressement (baassiste), messages dont la teneur a atténué tant soit peu la tension entre les deux pays.
Cela s’est ajouté à la “réconciliation” entre Beyrouth et Damas, par le biais d’un échange de bons sentiments entre le président Sanioura et M. Faroud el-Chareh au cours de la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone. Les deux hommes ont décidé “de tourner la page et de reprendre la coopération comme par le passé dans l’intérêt commun”.
Par ailleurs et après son retour d’une visite de deux semaines aux Etats-Unis, le général Michel Aoun - qui a reçu la visite du Dr Samir Geagea et s’attend à accueillir à Rabieh, incessamment, le président Sanioura et M. Walid Joumblatt - a tenu des propos conciliatoires, poussant le désir de coopération avec toutes les parties, jusqu’à exprimer sa disposition “à dissiper les craintes et les obsessions du “Hezbollah”, à l’effet de rasséré-ner l’atmos-phère et de favoriser le dialogue en vue des retrouvailles nationales. “Sans cela, a-t-il ajouté, il n’est pas possible de réaliser les réformes au double plan constitutionnel et économique”.
Tout en remerciant les Etats Unis de leur appui au Liban, le général Aoun a infirmé les nouvelles de presse d’après lesquelles il se serait rendu à Washington pour obtenir son appui à sa candidature à la magistrature suprême. “Ce n’était pas le but de ma visite aux USA”, a-t-il affirmé.
Retour aux résolutions internationales
Cela dit, revenons aux résolutions du Conseil de Sécurité 1559 et 1636 qui ne cessent de donner lieu à une vive controverse.
Ainsi, M. Javier Solana, responsable de la politique extérieure de l’Union européenne, a qualifié les deux résolutions de “très importantes”. Aussi, a-t-il appelé à une coopération sans réserve avec les Nations unies en vue de leur application. Il a insisté, notamment, sur une coopération avec M. Detlev Mehlis, afin de faciliter sa tâche dans la recherche de la vérité dans l’affaire Hariri. “Ce qui se traduira par un engagement à l’égard de la communauté internationale”, a-t-il conclu, en allusion à la Syrie qui s’est prêtée, in extremis, à l’enquête en cours. Dans ce contexte, les cercles proches de Koraytem, parlent déjà d’un tribunal international appelé à statuer sur l’assassinat du président Rafic Hariri. “Le gouvernement libanais, a déclaré M. Marwan Hamadé, ministre des Telecoms, est sur le point de réclamer la formation d’un tribunal international ou un tribunal libanais devant siéger à l’étranger, pour être à l’abri des attentats, des ingérences et manœuvres trompeuses, comme nous venons d’assister à l’une d’elles” (allusion au “témoin masqué”, Houssam Houssam, dont les “révélations” n’ont convaincu personne).
Cependant, les déclarations de M. Farouk el-Chareh à Barcelone, après son accolade avec le président Sanioura, ont été jugées excellentes, d’autant qu’il a reconnu la libanité des fermes de Chébaa. “Aujourd’hui, une nouvelle forme de résistance est apparue, qui fournit aux Sudistes l’occasion de reprendre leur souffle et de jouir d’une certaine stabilité, pour laisser à la diplomatie sa chance de récupérer les portions encore occupées de notre territoire”, a déclaré le président Amine Gemayel. Mais M. Gebrane Tuéni, député de Beyrouth, ne se contente pas de la déclaration du chef de la diplomatie syrienne et demande à celui-ci “de reconnaître la libanité de Chébaa au moyen d’un do-cument officiel et de ne pas essayer de compromettre l’enquête internationale en suscitant le doute autour de la crédibilité de M. Mehlis”.
Sur un autre plan toujours en rapport avec la Syrie, le général Aoun a reçu une délégation représentant les familles des Libanais disparus durant la guerre ou qui sont détenus dans les prisons syriennes, à qui il a promis de s’occuper de ce dossier.
La mère d’un de ces prisonniers a dit que “depuis 1988, date de la disparition de son fils, ce dossier a été traité d’une manière irresponsable, comme si on voulait faire oublier ce drame, en tournant la page du passé”.