Accueil mitigé à Paris pour le Guide libyen Kadhafi

Visite controversée de cinq jours en France du président libyen, Mouammar Kadhafi qui a été reçu avec les honneurs de la République, sans bénéficier toutefois du privilège d’une visite d’Etat. Ainsi, 34 ans après sa visite en novembre 1973 (accueilli par le président Pompidou), le retour à Paris du Guide de Libye invité par le président Nicolas Sarkozy, a déchaîné des critiques jusqu’au sein du gouvernement français.

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Le président Sarkozy accueillant le président libyen Mouammar Kadhafi sur le perron de l’Elysée.

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Séance de travail au palais de l’Elysée entre les deux chefs d’Etat
et leurs collaborateurs.

“La visite du Guide à Paris montre que nous avons atteint le sommet de notre relation”, s’est réjoui son fils Saïf al-Islam, qui est aussi son porte-parole. Effectivement, c’est d’un programme bien rempli qu’a bénéficié l’hôte de la France. Il s’est entretenu à deux reprises avec le président Sarkozy qui a offert un dîner en son honneur. Il a été reçu à l’Hôtel de Lassay par le président de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer (UMP) et a rencontré des parlementaires, dont le président de la commission des Affaires étrangères Axel Poniatowski, alors que les députés du parti socialiste ont refusé d’accueillir le dirigeant libyen. Celui-ci devait aussi rencontrer des “intellectuels”, des membres de la communauté africaine à l’Unesco et des “personnalités féminines éminentes”, visiter le château de Versailles et participer à une “partie de chasse”. Le dirigeant libyen qui a prévu de séjourner à Paris jusqu’à samedi, est installé à Marigny, la résidence des hôtes étrangers du président de la République. Dans le parc de l’élégant hôtel XIXème jouxtant l’Elysée, une tente bédouine chauffée a été montée pour permettre au Guide d’y recevoir ses hôtes dans la pure tradition des chefs bédouins.

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Devant le déchaînement de critiques provoqué par la visite du leader libyen, le président Sarkozy a donné une conférence de presse explicative.

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Dans le parc de la résidence Marigny, une tente bédouine a été montée pour permettre au Guide d’y recevoir ses hôtes, selon les traditions du désert de Syrte où il est né.

Dès le premier jour de la visite, des contrats pour “une dizaine de milliards d’euros” ont été signés portant sur l’acquisition d’avions Airbus et d’un réacteur nucléaire. Côté militaire, un contrat pour la “remise en vol” des Mirages F1 libyens, ainsi que des options pour l’acquisition d’avions et équipements militaires. Des accords économiques “pour l’emploi et la croissance des Français”, selon l’expression du président Sarkozy, accusé d’avoir sacrifié les principes à la “Realpolitik” où à la “diplomatie du carnet de chèque”. Il s’en est défendu en assurant avoir demandé dès le premier entretien avec le leader libyen de “progresser sur le chemin des droits de l’homme”. Et pour justifier cette invitation controversée, il a déclaré: “La France reçoit un chef d’Etat qui a choisi de renoncer définitivement à la possession de l’arme nucléaire (…), de rendre des stocks (d’armes de destruction massive), de renoncer définitivement au terrorisme (…), de libérer les infirmières bulgares détenues pendant plus de huit années”.

“RECEVOIR CE N’EST PAS SE SOUMETTRE”
Dans l’opposition et au sein même du gouvernement, la visite du dirigeant libyen a provoqué des protestations contre un homme maître absolu d’un pays où les droits de l’homme sont bafoués et qui a été le commanditaire d’attentats monstrueux contre un avion américain à Lockerbie au-dessus de l’Ecosse (270 morts en 1988) et contre un DC-10 français d’UTA au-dessus du Niger (170 morts en 1988). Pour sa part, la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade a eu des mots très durs pour dénoncer tant d’égards en l’honneur d’un homme coupable de terrorisme: “La France n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits”. Elle a, ensuite, atténué la portée de ses déclarations et le président Sarkozy lui a renouvelé sa confiance. Il a aussi reçu l’appui de nombreux ténors de la majorité et Jean-Pierre Raffarin a estimé que “recevoir ce n’est pas se soumettre” et que “les infirmières bulgares, cela vaut bien une visite”.

Article paru dans "La Revue du Liban" N° 4136 Du 15 Au 22 Decembre 2007
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