Les Libanais s’orientent vers l’implantation. Comme si la “maladie libanaise”, au double élément: le confessionnalisme et la féodalité, en a connu un troisième: l’implantation. Les droits des Palestiniens... quoiqu’on en dise... conduisent à l’implantation. C’est une question de progression... Des droits humanitaires aux droits civils, aux droits politiques. Du recours à la résistance à la citoyenneté complète.
Ceux qui écartent cet afflux palestinien au Liban... qu’offrent-ils comme garanties? Et ceux qui considèrent l’implantation comme normale, au point de la juger comme un fait naturel... parlent comme s’ils refusaient de se rapprocher de la vérité. L’implantation n’est pas uniquement un fait démographique. Le chrétien, et c’est son droit, ne rejette pas l’implantation pour la raison démographique seulement. Il faut le dire et pourquoi s’en cacher? L’implantation rectifie la balance démographique du côté des communautés non chrétiennes. Et là je demande: Si une autre communauté libanaise est injustement frappée d’un déséquilibre démographique émanant d’un facteur autre que le développement naturel, n’exprimerait-elle pas un sentiment d’injustice et réclamerait justice et équité?
Tous nous connaissons l’Histoire du Liban. Et comment la naturalisation des étrangers provenait, en permanence, de l’obsession démographique. Nous ne citerons personne, afin de ne pas faire saigner les blessures, à un moment où a commencé à apparaître le troisième élément de la “maladie libanaise”... l’implantation.
Cependant, l’implantation... je le répète... a grandi au point de ne plus être une simple question de nombre. L’implantation - et c’est là la raison de son rejet... est d’achever la “Cause” aux dépens du Liban. Pratiquement... Que resterait-il de la cause palestinienne, si le droit de retour venait à tomber?
Depuis la seconde révolution juive en l’an 135 de l’ère chrétienne, la terre de Palestine a connu des occupations successives: romaine, omeyyade, abbasside et ottomane. Au début du XXème siècle, les Palestiniens comptaient un demi-million d’âmes s’adonnant à l’agriculture, à un peu de commerce et d’industrie. Chrétiens et musulmans se rendaient en pèlerinage à Nazareth, Bethléem et Jérusalem... Les circonstances les ont éparpillés dans les confins du globe. Surtout après “la Nakba”. Ils ont vécu dans les camps qui les ont rassemblés au Liban, en Syrie, en Jordanie, en Cisjordanie et à Gaza. Depuis lors, les propos israéliens ont été radicaux... “Non” au droit de retour. Parce que l’Israélien a craint un déséquilibre démographique à ses dépens avec le temps. Et l’évolution démographique palestinienne parmi les “Arabes d’Israël”, accroît chez le juif le désir de dresser les murs, du transfert et de l’Etat “juif”.
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L’obsession démographique... Toujours elle. Pourquoi cela est-il permis à tout le monde, sauf au chrétien libanais? Je dis cela, tout en sachant que je ne m’exprime pas au nom des “chrétiens”. Aucune fois je n’ai ressenti un tel sentiment. J’ai toujours aspiré, depuis qu’il m’a été donné d’équilibrer entre les options, à l’instauration d’un leadership national affranchi du racisme confessionnel, considéré comme un accès à une instance politique. Charles De Gaulle a dit à André Malraux après sa visite à Moscou à l’invitation de Staline: “Nous avons rencontré Staline et non la Russie. Staline est un despote asiatique”. Gandhi est le visage de l’Inde. Abraham Lincoln, le visage de l’Amérique et Nelson Mandela, le visage d’Afrique du Sud. Charlemagne et Jeanne d’Arc, les visages de la France. Lénine, le visage des Bolchevics. Gamal Abdel-Nasser, le visage des Arabes. Fakhreddine, le visage du Liban. Alexandre II, le visage de la Russie. La reine Victoria, le visage de la Grande-Bretagne et Bismarck, le visage de l’Allemagne.
Je fixe longuement le visage de nos leaders... et je n’y vois pas l’allure du leader national. Il existe au Liban des leaders, mais non des chefs. Des leaders de communautés et parmi eux, rarement des visages rassembleurs. C’est pourquoi, il a été rarement donné à un chef libanais de parler au nom de tout le Liban.
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L’obsession démographique a paralysé la résolution 194. Et après la Nakba, il n’y eut aucun chef universel ayant eu le courage de reconnaître le droit de retour. Comme si les résolutions internationales... même élaborées par complaisance à l’Etat hébreu, l’Etat d’un peuple ayant confiance en lui-même outre-mesure... l’Etat d’une armée soucieuse de préserver son image combative... Comme si les résolutions internationales deviennent des paroles négligeables, parce qu’elles auraient dû être rédigées avec une encre indélébile. En 1961, le président américain, John Kennedy, a lancé une initiative de paix proche-orientale, comportant la possibilité de faire émigrer les Palestiniens en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Australie... Tout en conservant à 25% d’entre eux, seulement, le droit de réintégrer Israël. L’initiative du président américain a été rejetée... Ben Gourion s’est opposé au droit de retour... Même à 25% de ceux dont la terre a été spoliée... avant le règlement définitif de la cause palestinienne.
Au Liban, quiconque est soucieux de préserver le droit palestinien octroyant au Palestinien ses droits humanitaires et civils, en prévision des droits politiques, alors que le règlement définitif est encore à l’étude. Après les accords d’Oslo, cinq commissions ont été constituées, celles de la terre, de Jérusalem, de la colonisation, des frontières et des réfugiés. Tous les sujets ont fait l’objet de discussions, bien qu’ils n’aient pas beaucoup évolué... Hormis la commission des réfugiés ayant pris le chemin de l’exode depuis 1967 et qui n’a progressé, ni reculé.
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Le Liban est devenu une cause, car la cause palestinienne en a fait une cause. Parce que le Libanais n’a pas saisi la Cause en connaisseur, et le Palestinien a rarement connu l’unité dans les temps de son épreuve. Il est perdu entre la Cisjordanie et Gaza. Entre Fateh et Hamas. Une image de l’unité palestinienne difficile à se concrétiser. D’habitude, les peuples se ressoudent face au jour décisif. Parce que la soudure nationale est la première condition de la disponibilité de tout peuple à se prêter à la grande confrontation.
L’objectivité nous incite à prononcer le mot du Droit. Ce que nous devons et ce qu’on nous doit. Et ce, pour que l’objectivité soit notre logique et que la probité soit la base de notre dialectique.
O partisans de l’implantation... rassurés quant à ce que vous faites... Je vous exprime ma crainte... de ce que nous évoluons, progressivement, vers l’achèvement de la maladie libanaise aux trois éléments le troisième étant l’implantation. Je vous exprime ma crainte et je vous salue! |