Hussein Yatim
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Membre
du bureau politique du mouvement chiite “Amal”, dont M. Nabih Berri, chef
du Législatif, assume la présidence et du bloc de la décision
nationale du président Rafic Hariri, - dont les divergences éclatent
au grand jour, de temps à autre - le Dr Hussein Yatim, député
de Beyrouth, estime que: “Si, Mme Bahia Hariri, député du
Liban-Sud et sœur du chef du gouvernement, fait partie du “bloc de la libération
et du développement” (du président Berri), il est naturel
que je sois membre de deux formations, dont les présidents de l’Assemblée
et du Conseil sont les chefs de file. N’est-il pas utile et préférable
que l’homme ait deux yeux et deux oreilles?”
PAS DE CASSURE ENTRE L’EXÉCUTIF ET
LE LÉGISLATIF
A la question: “En cas de divergences entre les Pouvoirs exécutif
et législatif, avec lequel prendrez-vous position?”, le Dr Yatim
répond: “Il faut distinguer entre les tractations et les dissensions
dans le cadre démocratique.
“Les tractations ne compromettent pas la cause commune, ne ternissent
nullement la cordialité et ne faussent pas la vision des deux pouvoirs.
“Quant aux dissensions, elles pourraient provoquer une cassure et une
séparation. Ceci n’a jamais eu lieu jusqu’ici et ne se produira
pas, parce que les deux présidents (Berri et Hariri), ont parfaitement
conscience de leur rôle national. C’est pourquoi, quelles que soient
les tractations et les altercations verbales entre eux, celles-ci ne les
mèneront pas à la rupture.”
- Comment expliquez-vous donc l’action de la troïka qui résume
les institutions constitutionnelles, que ses trois pôles s’entendent
ou soient en désaccord?
“Il n’y a pas au sein de ce qu’on appelle la troïka, de divergences
quant à la manière de gouverner le pays. Les dissensions
qui se produisent, de temps en temps, ne sont, en fait, que des divergences
de vue, inhérentes à la conception, dont chacun des présidents
se fait du pouvoir; ceux-ci sont souvent soumis à des pressions
de toute nature aux plans local, régional et international.
“Puis, ces divergences ne tardent pas à se dissiper quand ils
en arrivent à délibérer à propos de l’intérêt
supérieur de la patrie et leurs rapports ne tardent pas à
se normaliser.
“N’est-ce pas l’ennemi régional, Israël, qui constitue
le plafond empêchant toute cassure au niveau du pouvoir? Ajoutez
à cela la base stable de ce pouvoir et la paix civile, sous l’égide
syrienne et la supervision sage du président Hafez el-Assad.
DÉCISIONS HISTORIQUES
- N’y avait-il pas un plafond politique déterminé?
La classe dirigeante n’est-elle pas en état de déliquescence?
“Cela serait vrai, si le plafond politique était faible et la
base reposant sur la boue et non sur le roc. Vingt années de guerre
et de destructions suffisent à engendrer une vision nationale pure
au niveau de certaines directions valables. C’est le premier garant du
commandement politique sain.
“Je crois fermement que les décisions historiques prises par
la direction politique au Liban, suffisaient à instaurer la paix
civile, à restructurer l’armée libanaise sur la base d’une
doctrine nationale claire et à entreprendre l’œuvre du développement
et de la reconstruction.
“Le président Hraoui a pris ses décisions de la sagesse
qu’il a acquise de son expérience politique ayant marqué
sa personnalité.
“Le président Berri est le premier combattant contre Israël,
la féodalité et le sous-développement, ayant lancé
l’idée de la résistance et de la réforme.
“Le président Hariri, lui, a imprimé le pouvoir d’une
pensée nationale. Il aurait pu jouir de sa fortune, sans s’embourber
dans les dédales de la politique. De plus, il a bénéficié
d’une décision arabe et internationale en vue de l’association au
sauvetage de cette patrie.
“Tel est le plafond qui régit la direction politique ayant nom
la troïka au Liban.”
CERTAINS RESPONSABLES DEVRAIENT ÊTRE
JUGÉS...
- On attribue au chef du gouvernement des propos - non démentis,
- dont il ressort qu’il en est, parmi les gens du pouvoir, qui devraient
être jugés et jetés en prison; qu’en pensez-vous?
“Je partage l’avis du président Hariri sur ce point, qu’il ait
tenu de tels propos ou pas. A la tête des positions politiques de
l’Administration et de la responsabilité se trouvent des éléments
à qui on devrait demander des comptes ou qu’on devrait traduire
en justice.
“En procédant à une analyse politique, nous pouvons distinguer
les noms, à travers leurs rôles dans la guerre libanaise,
leur loyauté à la patrie ou leur trahison à cette
patrie, aux valeurs tant morales que nationales de sa société.
“Les mains propres ne peuvent coexister avec les mains tachées
de sang, ni avec quiconque collabore avec Israël, contrairement à
celui qui reste loyal à l’égard de la patrie. De même,
la Syrie sœur ne peut être placée sur le même pied d’égalité
que l’Etat hébreu.”
- Vous admettez donc la présence de pareils éléments
au pouvoir?
“Le président Hariri a dit que certains des membres du gouvernement
avaient été désignés contre son gré.
Il ne peut donc ni leur réclamer des comptes, ni les limoger. Il
en est de même par rapport à des personnes opérant
au sein de l’administration. La situation du pays aux plans confessionnel,
communautaire, partisan et sectoriel, exige une réforme paisible,
car un coup d’Etat est impossible à entreprendre, encore moins une
révolution politique.
“A mon avis, ce qui a été corrompu au cours de tant d’années
de guerre ou paralysé au cours d’un demi-siècle, qui est
l’âge de l’indépendance, aucun réformateur ne peut
le redresser en un court laps de temps; d’autant que le confessionnalisme
sévit dans cette patrie, au point qu’il a engendré un sectarisme
bien plus malsain.
“Le président Hraoui s’est plaint de la corruption dans son
discours historique lors de la fête de l’indépendance.
“De même, le président Berri formule la même plainte,
quotidiennement. N’a-t-il pas déclaré: Je condamne la troïka
si elle devait servir de couverture à la corruption?”
“Le président Hariri a analysé les causes de la corruption
dans sa fameuse intervention lors du congrès organisé par
le ministère de la Réforme administrative, dont le ministre
“propre” Béchara Merhèje détient le portefeuille.”
LE POUVOIR TRICEPHALE ET LES INSTITUTIONS
- A l’ombre de cette forme de pouvoir, la troïka résumant
les institutions constitutionnelles, quelle marge vous est donnée
pour exercer, effectivement, votre rôle de député?
“Je réaffirme le rôle de la troïka et son impact
sur les institutions constitutionnelles. Je ne conteste pas cela, car après
une longue guerre et la grande anarchie ayant sévi dans cette patrie,
une direction devait assumer la responsabilité pour trancher les
problèmes exigeant des solutions urgentes, même si notre système
est démocratique.
“Je suis de ceux qui prônent, aujourd’hui, le style réformateur
du président Fouad Chéhab, même s’il revêt un
cachet militaire, pour pouvoir brûler les étapes et, surtout,
nous débarrasser de cette anarchie qui apparaît sous ses aspects
confessionnel, communautaire, social et économique.
“Quant à mon rôle de député, je suis très
satisfait de la marge que me laisse la formule démocratique en honneur
au Liban, dans l’exercice de mes tâches parlementaires et personnelles.”
ENTRE L‘INSTRUCTION ET LA PÉDAGOGIE
- En tant qu’éducateur et membre de la commission parlementaire
de l’Education nationale, auriez-vous une conception déterminée
pouvant contribuer à l’évolution du secteur pédagogique?
“Je dispose de beaucoup de suggestions dans ce domaine pouvant remplir
bien des volumes. Le problème de la patrie auquel nous sommes confrontés
du point de vue des épreuves, des revers, des guerres et de l’anarchie
permanente, ont pour cause le manque de vision pédagogique saine
et, partant, de vision nationale exacte, parmi nos anciennes générations
et les générations actuelles.
“Nous sommes un peuple qui s’instruit, mais ne s’éduque pas,
parce que la pédagogie est absente. Il existe une nuance entre l’instruction
et la pédagogie; si elles cohabitent au foyer, à l’école,
dans la rue et les moyens d’information, elles se dissocient dans la pratique,
car la vision véritable de la patrie est absente.
“Ce fait exige, en vue de réformer la génération,
la patrie et les mœurs, un programme pédagogique national, consigné
dans un même manuel scolaire, spécialement dans les livres
d’Histoire, de géographie, de l’éducation civique et dans
tout ouvrage à la portée des jeunes, qu’il soit imprimé
localement ou importé et suspect.”
PROGRAMMES ET STRUCTURES PÉDAGOGIQUES
“Ce qui a été réalisé jusqu’ici au plan
pédagogique, qu’il s’agisse des programmes ou des structures, est
resté lettre morte, de l’encre sur du papier. Car cela exige en
plus des vues de l’esprit, leur mise en application, à laquelle
il faut donner la priorité, au plan des crédits à
affecter aux écoles du Liban, à ses universités, à
ses institutions culturelles, à ses clubs et associations sportives.
“Les croyants d’une même religion ne lisent que dans leur livre,
ils ignorent immanquablement, la foi des croyants de l’autre religion.
Ne serait-il pas préférable, pour ne pas nous ignorer les
uns les autres, de lire dans un même livre rassemblant les valeurs
de la loi, des mœurs et du nationalisme?
“Comment les Etats-Unis ont-ils pu devenir la plus puissante nation
du globe, en dépit de la diversité des ethnies, des langues
et des coutumes? Tout simplement, parce qu’ils ont adopté et lisent
un même livre.”
- Auriez-vous une solution de rechange à proposer dans ce
domaine?
“La solution de rechange existe dans l’accord de Taëf; elle préconise
le renforcement de l’instruction et de l’éducation. Malgré
cela, le confessionnalisme n’a pas autant sévi que de nos jours.
“La communauté a supplanté la religion; le sectarisme
a remplacé la foi et la patrie. C’est pourquoi, nous n’avons pas
encore une conception unique de la patrie et de l’affiliation arabe, ni
de la résistance nationale intégrant toutes les franges de
la nation, ses communautés et ses rites.
“Je sens qu’il existe une résistance négative portant
contre la réforme dans cette patrie, afin de ne pas permettre de
forcer l’épais mur du confessionnalisme auquel a fait allusion le
président Nabih Berri.”
LA TROÏKA, SOLUTION DE RECHANGE?
- La troïka peut-elle tenir lieu de solution de rechange?
“Avec le rôle qui lui est imparti au niveau de la direction politique,
la troïka peut servir de substitut à titre transitoire. Mais
la solution de rechange stable ne peut être qu’un système
pédagogique national véritable, doublé d’un système
politique démocratique équitable, affranchi de tous privilèges,
de toute discrimination communautaire et d’un système économique
permettant de répartir les biens de cette patrie à égalité
entre toutes les régions, sans en priver aucune. C’est l’équilibre
parfait entre les classes du peuple et toute la patrie.”
- Le président de la République soutient qu’il n’est
pas possible d’abolir le confessionnalisme politique sans instaurer le
mariage civil facultatif; êtes-vous du même avis, d’autant
que l’imam el-Sadr prônait une telle forme d’union matrimoniale?
“Le président Hraoui est, sans nul doute, un homme de décision
dans l’Histoire de ce pays et a pris des décisions difficiles face
au confessionnalisme.
“En ce qui concerne le mariage civil facultatif, j’apprécie
ses motivations nationales. J’estime, toutefois, que le sujet ne commence
pas par là, mais par un programme pédagogique imposant à
la nouvelle génération une pensée nationale unique,
de la maternelle jusqu’à l’université. A ce moment, le système
politique sera valable et tout le reste suivra.
“Quant au mariage civil facultatif, c’est une autre question, autour
de laquelle un consensus doit se réaliser entre les hommes politiques
et de religion, car il ne doit pas être la cause de cette tension
au niveau communautaire, sous le titre de la religion ou de la politique.”
“PATRIE DES TRIBUS”...
- Cela signifie-t-il que le confessionnalisme est ancré dans
ce pays au point qu’il ne soit pas possible d’opérer un changement?
“Le confessionnalisme s’est davantage enraciné au Liban; il
s’est transformé en rite, lequel s’est scindé lui-même
en tribus. Nous sommes devenus la “patrie des tribus”, alors que la Résistance
combat l’ennemi et Israël menace d’évacuer la terre occupée.
“Quant à nous, nous confrontons une occupation d’un genre différent:
l’occupation par les tribus, les rites et les communautés de notre
esprit et de celui des générations montantes.
“En vérité, tant chrétiens que musulmans, église
et mosquée, nous avons dans cette patrie la même foi, la foi
en Dieu, dans ses livres célestes et la patrie. Le système
confessionnel au Liban ne persistera pas et la brèche dans le mur
du confessionnalisme est immanente.”
- En tant que membre de la commission parlementaire des Affaires
étrangères, comment jugez-vous la dernière proposition
israélienne relative à la résolution 425?
“Israël n’a rien apporté de nouveau hormis sa reconnaissance
de la 425. Cependant, il exige toujours les garanties qu’il réclamait
auparavant et ne cesse de réclamer depuis l’accord du 17 mai, de
triste mémoire.
“Le peuple libanais, l’armée et la direction politique au Liban
ne sont pas disposés à donner de telles garanties à
l’Etat hébreu. Ce que nous pouvons dire à Israël, qui
occupe des portions de notre territoire, c’est de lui demander d’appliquer
rapidement les résolutions 425 et 426 qui exigent son retrait immédiat
et inconditionnel.
“En plus de ces deux résolutions, l’accord d’armistice de 1949
régit notre relation avec notre voisin du Sud. A part cela, nous
ne disposons que d’une arme, celle de la résistance qui cause des
pertes en vies humaines et en équipements dans les rangs de “Tsahal”
et de l’arme de la résistance civile, représentée
par la politique de la lutte contre l’occupant.”
PAS DE REPORT DES MUNICIPALES
- Comment évaluez-vous les préparatifs des élections
municipales et des moukhtars? Et ces dernières pourraient-elles
être ajournées pour quelque motif?
“Les municipales auront lieu, sans nul doute, dans les délais
fixés par le ministre de l’Intérieur. Ce qui m’incite à
l’affirmer, c’est l’insistance de la direction politique, à travers
les trois présidents, à organiser le scrutin municipal et
la détermination du peuple libanais à apporter du sang nouveau
aux institutions civiles, pour permettre aux nouvelles générations
d’assumer, entièrement leur rôle.
“Si certains envisagent de mettre au point des “listes d’entente”,
cela n’empêche nullement la formation de listes d’opposition dans
un climat démocratique.”
- L’échéance présidentielle débouchera-t-elle
sur une élection en bonne et due forme ou sur une éventuelle
reconduction du mandat présidentiel?
“L’échéance interviendra dans le délai constitutionnel.
En vérité, je suis un homme acquis à la nécessité
de renouveler les cadres. Nous devons procéder au renouvellement
dans notre société civile par des élections municipales
honnêtes et par l’échéance présidentielle, laquelle
est gérée par les dispositions de la Constitution.
“Si le mandat du président Hraoui a été reconduit
de trois ans, cela ne signifie pas que cela soit devenu la règle;
il s’agit d’une exception imposée par les circonstances intérieures
et régionales. Elles pourraient l’imposer de nouveau; nul ne le
sait. Nous serons fixés à ce sujet, incessamment.
“A part cela, le renouvellement au niveau des leaderships est la base
et la règle, non la reconduction.”
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