Dérogeant à “l’accord de Lattaquieh”,
le président Hariri s’est rendu au Caire sans se faire accompagner
du chef de la diplomatie.
En déclenchant la bataille présidentielle,
probablement à la demande du chef du gouvernement, M. Omar Meskaoui,
ministre des Transports, ravive la tension qui caractérise les rapports
entre les trois pôles du pouvoir.
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Un ministre “dégoûté”
de la situation aux différents niveaux se demande: “Com-ment ce
pays peut-il se rétablir et recouvrer sa vitalité, alors
que tous les problèmes auxquels il est confronté ne cessent
de se compliquer?”
Ce même ministre ajoute qu’au cours de leur entrevue avec
le président Hafez Assad à Lattaquieh, les trois présidents
ont amené le chef de l’Etat syrien à exprimer son regret,
le sommet bipartite ayant eu pour but de raccommoder la troïka...
Les trois pôles du pouvoir sont rentrés à Beyrouth
bouche bée, se confinant dans un profond mutisme. Mais par la suite,
il y a eu des “fuites” et selon des sources renseignées, les questions
litigieuses internes sont restées sans solutions. Ceci revient à
dire qu’il a été recommandé aux trois présidents
de mettre une sourdine à leurs divergences.
Ainsi, il a été décidé de geler tout dossier
brûlant jusqu’à son échéance, entre autres les
présidentielles et la nouvelle échelle des salaires...
Il y a lieu de faire état de la prise de position du ministre
des Transports, Omar Meskaoui, proche du président Hariri qui, venu
de Tripoli le lendemain du sommet de Lattaquieh, fulminait contre “quiconque
œuvrerait en faveur de la reconduction du mandat présidentiel.”
POLITIQUE DE RAPIÉÇAGE!
Il en est de même par rapport à l’échelle des salaires
et à Télé-Liban, les responsables étant à
la recherche de sources de financement pour traiter ces deux dossiers...
La tendance est donc, actuellement, au “rapiéçage”; il s’agit,
en fait, de passer le temps, en attendant l’échéance présidentielle.
Il semble que le président Nabih Berri, quand il a été
invité à exposer les raisons de la nouvelle brouille Hraoui-Hariri,
l’ait attribuée à cette échéance.
Aussi, le président Assad a-t-il jugé nécessaire
de geler cette affaire, d’autant que les trois présidents
campent sur leur position, refusant de l’assouplir.
Le chef de l’Etat s’est, dit-on, emporté lorsqu’a été
soulevée la gestion gouvernementale, faisant endosser au Premier
ministre la responsabilité de la dégradation de la situation
aux plans économique, financier et politique.
Il a évoqué, notamment, la querelle instituée
autour du projet de mariage civil facultatif, en se défendant de
vouloir servir sa communauté...
De plus, le président Hraoui a accusé le Premier ministre
d’accaparer les prérogatives des institutions étatiques,
disant qu’il entreprend de longues pérégrinations et rentre
au pays, sans qu’on soit fixé sur les résultats de ses voyages
et de ses pourparlers avec les responsables arabes ou étrangers!
Le président Berri a observé, ici, que des responsables
(libanais) se rencontrent dans des capitales étrangères où
ils plaident la même cause, citant, à titre d’exemple, la
présence, dernièrement à Paris, du président
Hariri et de M. Farès Bouez, ministre des A.E. Il a été
convenu, à ce propos, que le chef de la diplomatie libanaise accompagne,
désormais, le président du Conseil dans ses déplacements,
celui-ci devant coordonner avec le palais Bustros.
En dépit de cela, M. Hariri s’est rendu seul au Caire, cette
semaine, arguant que le ministre des A.E. devait recevoir les ambassadeurs
des Etats membres permanents du Conseil de Sécurité, dans
le cadre de l’offensive diplomatique destinée à contrer la
campagne insidieuse d’Israël concernant la résolution 425.
Or, celle-ci a été au centre des entretiens du chef du gouvernement
avec les responsables égyptiens.
SOMMET DES RÉCONCILIATIONS,
OUI, MAIS...
La veille de la rencontre à Lattaquieh des trois présidents
avec le chef de l’Etat syrien, M. Mohsen Dalloul, ministre de la Défense,
avait dit que ce serait le “sommet des réconciliations”.
Or, rien de cela ne s’est produit et la situation, au plan politique
persiste dans le même climat tendu, la “troïka” affichant une
sérénité de façade.
De fait, le ministre des Transports qui reflète le point de
vue haririen et malgré la consigne donnée à Lattaquieh,
a ouvert la bataille de l’élection présidentielle, en se
prononçant, d’ores et déjà, contre une nouvelle prorogation
du mandat du président Hraoui.
Le Premier Libanais a riposté à cette prise de position
(haririenne par personne interposée) en réaffirmant devant
le conseil de la Ligue maronite qu’il a reçu à Baabda, qu’il
ne resterait pas une heure de plus après l’expiration de son mandat.
En évoquant la politique économico-financière,
le président de la République a recueilli l’avis de deux
experts en la matière, MM. Khattar Chébli et Elie Yéchouhi.
Il est apparu de l’échange de vues, qu’aucun accord n’avait été
réalisé autour des sources de financement par rapport à
certains projets, notamment celui de l’échelle des salaires.
Quant au président Nabih Berri, il soutient que cette affaire
n’est pas une “plaisanterie”, façon de dire qu’il faut lui trouver
une solution dans le plus bref délai.
Le chef du Législatif laisse entendre qu’il relancerait ce projet,
passé le délai de cinq semaines imparti au Cabinet, si d’ici
là le gouvernement n’aurait pas tranché la question.
A ce propos, on prête à M. Berri l’intention de soulever
la solution préconisée par certains milieux, celle prévoyant
la taxation des sociétés du cellulaire, lesquelles ont fait
part de leur disposition à verser des sommes substantielles, si
le gouvernement accepte de renouveler leurs contrats pour une longue période
allant de dix à vingt ans.
Le président Hariri s’était contenté de dire à
ce sujet, qu’il se promettait de discuter les conditions du renouvellement
de ces contrats, mais jusqu’ici il n’a rien fait.
LA CAMPAGNE DE MESKAOUI
Pour en revenir à l’offensive déclenchée par le
ministre des Transports à propos de la bataille présidentielle,
les observateurs ne doutent pas que M. Meskaoui a été poussé
par le chef du gouvernement, celui-ci s’étant formalisé de
l’attitude du président de la République en ce qui concerne
le projet de mariage civil facultatif, auquel M. Hraoui tient mordicus,
laissant à son successeur “le soin d’en assurer l’adoption”.
Ceci étant, les Libanais doivent-ils subir pendant six autres
mois, les divergences des trois pôles du pouvoir, au risque de voir
se perpétuer le marasme étouffant qui paralyse tous les secteurs
productifs?
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