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Le “Palm” d’or !

“PalmPilot”. Un nom à retenir ! Après les Desktop computers (1), les Laptops (2), voici les Handheld (3), des ordinateurs plus couramment appelés organiseurs ou PDA (Personnal Digital Assistant), qui tiennent dans la paume de la main, d’où Palm – paume en anglais. Le terme PDA fut inventé en 1992 par John Sculley, alors PDG d’Apple. Flash-back : 1993 ; Apple sort le Newton, petit organiseur révolutionnaire et ancêtre du PalmPilot. Comme souvent chez la Pomme, le produit est en avance sur son temps et ne bénéficie pas d’une bonne stratégie marketing. Résultat : Newton disparaît dans la catégorie “génial mais inutile”, rejoignant les cimetières technologiques, chargés de belles inventions… La micro informatique est un univers ingrat et fort aléatoire, la réussite ne tient pas uniquement à la qualité du produit, mais à l’image qu’il véhicule, ce n’est pas Bill Gates qui dira le contraire… Pour ce qui est du Pilot, il a bénéficié d’une campagne discrète mais ciblée ; le bouche à oreille, ainsi que les qualités indéniables du produit l’ont, par la suite, facilement imposé chez les fanas puis, rapidement au grand public. Et comme derrière chaque légende se cache un homme, celui-ci se nomme Jeff Hawkins. C’est, aidé de Donna Dubinsky, cadre supérieur au CV flatteur, que l’aventure de Palm Computing commence en 1992.
L’ébauche du Pilot se fera en 1994, sa concrétisation en 1996 ; Hawkins étant le cerveau accoucheur du Pilot et Dubinsky, le stratège aux mains d’or. Pour la petite anecdote, le premier Pilot fut un bloc de bois de dimensions et poids sensiblement identiques à sa version actuelle, que Hawkins promenait dans son entreprise, le faisant essayer à chaque employé muni de chemise et donc de poche. Le parcours de Hawkins n’est pas sans rappeler celui de Steve Jobs et pour cause : un même appétit pour l’innovation,  généralement critiqué à ses débuts, car apparemment utopique mais qui s’avère – à force de persévérance et de croyance en sa passion – un succès international. C’est également pour cette raison que l’aura dégagé par le PalmPilot est à mettre en parallèle avec la religion Apple.
Késako ?
Comment se présente l’engin ? Il s’agit d’une sorte de Game Boy avec un écran géant à cristaux liquides, muni d’un interrupteur, de six boutons et d’un stylo tactile… la comparaison avec l’appareil de Nintendo s’arrêtant là ! Carnet d’adresses, calendrier (dont l’alarme évoque les pleurs d’un Tamagotchi [RDL n° 1941] vous rappelant à l’ordre !), bloc-notes, pense-bête, calculatrice… en somme, un filofax numérique qui gère également l’e-mail. Mettons de côté l’aspect “épate” de la chose, l’outil s’avère fort pratique. Lire son journal, consulter son e-mail, organiser son emploi du temps, envoyer et recevoir toutes sortes de données, rendent le Pilot, chaque jour plus indispensable encore. La troisième génération, baptisée PalmIII, jouit d’un écran rétro-éclairé, pour lire dans le noir, d’un port infra rouge permettant d’envoyer et de recevoir des documents, ainsi que d’une protection en plastique se rabattant sur l’écran.
Petit mais costaud
Côté caractéristiques, le Pilot dispose de 1 Mo de Rom et 2 Mo de Ram extensibles à 4 Mo pour le PalmIII et d’un processeur Motorola 68328 à 16 Mhz pour le PalmPilot Pro. Cela paraît dérisoire comparé à nos mastodontes de bureau, mais c’est amplement suffisant pour contenir cinq années de rendez-vous, 200 e-mails, 1500 mémos, 1500 choses à faire, 6000 adresses… Ses dimensions en font un vrai portable : 120 x 80 x 15 mm pour moins de 200 grammes, piles incluses. En plus du côté pratique, c’est bien l’aspect mignon qui séduit.
Un nouveau plaisir de lire
Le Pilot présente une manière inédite de percevoir la lecture, confirmant une des prophéties du professeur Negroponte (cf. RDL n°1918) : “Le mot à oublier est “imprimé”.Mieux qu’un livre, le Pilot s’apparente plutôt à un classeur. Sitôt lu, le document peut être effacé afin de libérer de l’espace. Le summum du possesseur branché consiste à “beamer” (s’envoyer par infrarouge) des programmes, documents, notes etc. Il suffit de placer deux Pilot l’un en face de l’autre pour s’échanger des données en quelques secondes.
Do you Pilot ?
Les adeptes, également appelés Piloteers, utilisent donc ces nouveaux procédés pour communiquer. Ainsi, l’habituel échange de cartes de visite paraît fort désuet comparé au “beaming”. Spécialement étudié, l’envoi de votre carte de visite est un régal : il suffit de maintenir le bouton “carnet d’adresse” appuyé pour que le Pilot distribue vos coordonnées à tous ses congénères dans un rayon d’un mètre.
Sans clavier !
Contrairement aux autres PDA, le Pilot n’a pas de clavier et c’est là que réside son avantage ; lui autorisant l’appellation de Palm-sized (de la taille de la paume), le rendant véritablement transportable et presque d’un encombrement transparent… Compact, léger, pratique, il devient rapidement obligatoire à tout nomade qui se respecte. On oublie vite l’absence de clavier, grâce à un nouvel alphabet baptisé “Graffiti”. Le principe de Graffiti est simple : écrire des lettres sans lever le stylet, chacune débutant par le point d’appui et se terminant à la levée du stylet. Un A s’écrit comme un V inversé et un T comme un L retourné. Avec un peu de pratique, l’utilisation de Graffiti s’avère optimale. Ce système est agréable pour une courte prise de notes, mais la rédaction d’un long document demeure la chasse gardée du clavier classique. Si vous ne faites pas partie des stakhanovistes, atteints de numérite aiguë et que la saisie par Graffiti reste déroutante, l’option “clavier virtuel” avec ses accentuations, ses chiffres et symboles est une bonne alternative.
Success story
Le succès du PalmPilot fait des envieux, il s’agit effectivement du rêve de toute Start-up (jeune entreprise dans le domaine des nouvelles technologies), débutant dans la Sillicon Valley. C’est quasiment surréaliste, en Californie comme ailleurs, on est bluffé. Avec plus de 60% du marché mondial des PDA, Palm Computing Inc., confirme qu’il ne s’agit là ni d’un joujou techno, ni d’une simple mode. L’effet Pilot va bien au-delà et semble parti pour durer. Pour preuve, l’inondation du marché par de nombreuses options, extensions, voire même décorations qui en font à l’instar du téléphone cellulaire un objet fétiche.
Le JE de Palm
L’engouement est tel que des ouvrages sont déjà consacrés au roi Pilot. Le parc de machines installées dépasse allègrement les 1,6 million d’unités et ce, après seulement deux années d’existence. L’ascension d’un tel produit tient du miracle : se créer un secteur segmenté, fidéliser sa clientèle, enfin se targuer d’une réputation internationale et s’ouvrir vraiment au grand public, demeure bien souvent un souhait inavoué et inassouvi. Le phénomène Palm mobilise aujourd’hui toute une industrie et n’a rien d’un gadget réservé aux technomaniaques. Des sites Web se créent chaque jour, dédiés au dieu Pilot, des périphériques nouveaux sont conçus… Le PalmPilot n’est pas un passe-temps, c’est une expression culturelle ; voire le témoignage d’un culte ! La ruée vers le Pilot est aussi impressionnante que significative. Elle traduit un besoin jusque-là insatisfait : celui d’une machine réellement portable (et non transportable), éminemment fonctionnelle et diablement efficace.
Avalanche logicielle
Naturellement, un nouveau marché s’est créé : le développement de logiciels par milliers, dédiés au Pilot ; cela va de la base de données pour gérer ses comptes aux cartes géographiques d’une région, en passant par des dictionnaires, des browsers, des programmes de dessin ou des jeux, sans oublier les hacks, gestionnaires qui pallient les manques du système. Les applications sont en grande majorité des freeware (gratuits) ou des shareware (utilisation limitée, que l’on peut débloquer en réglant une somme modique à l’auteur), seuls les programmes complexes ont des tarifs courants. L’explosion est si prodigieuse, que ses utilisateurs ont une relation pour ainsi dire religieuse avec leur Pilot, parfois considéré comme un prolongement du cerveau. Elevé au statut de culte le Pilot ? Doux euphémisme ! Cet amour immodéré s’explique par le fait que le Pilot est LE produit qu’une certaine catégorie de consommateurs attendaient depuis toujours.


Je suis paumé sans mon Pilot !
A qui est destiné le Pilot ? A l’origine, aux personnes débordées par l’information, cherchant à améliorer leur gestion de celle-ci et de leur temps. Bien entendu, les premiers séduits furent les technophages qui, rapidement, ont adopté la tablette. Mais il ne faut pas oublier que le Pilot est un produit de masse, dont le maître mot est : simplicité. Il s’adresse en priorité aux possesseurs d’un (ou plusieurs) ordinateur(s) indifféremment Mac ou PC, qui devront installer les logiciels nécessaires pour “synchroniser” leurs données. Grâce à “Hotsync”, la synchronisation est un jeu d’enfant : on appuie sur le bouton synchro et quelques secondes plus tard, le Pilot a réparti les données de manière simultanée. Tout ce qui est sur l’ordinateur de bureau passe sur le Pilot et inversement selon les choix ; rendez-vous, lectures provenant du Réseau, e-mails, journaux sur mesure… ; plusieurs sites offrent déjà de l’info à la carte. Ce sera quoi ce matin ? Technologie, politique internationale, social français, économie ? Deux instants et le fichier est prêt à être transféré, préformaté à la norme Pilot, à lire tranquillement. Les Web destinés à la littérature se multiplient : à titre indicatif, un roman comme “Le Prince” de Machiavel, “pèse” moins de 100Ko. Screwdriver (4) propose même de convertir toute URL au format Pilot : un coup d’œil s’impose ! Le Palm remplit bien son rôle de livre du futur. Imaginez une salle de classe avec un professeur qui “beamerait” un texte au lieu de le distribuer sous la bonne vieille forme de polycopié. Cette fois, ce n’est plus de la science-fiction. Toutefois, on ne peut considérer le Pilot comme une machine autonome, mais plutôt comme une extension de l’ordinateur. En effet, il est aussi impensable de posséder – et d’exploiter pleinement – un Pilot sans avoir de PC, que d’avoir un appareil photo numérique sans pouvoir télécharger les clichés sur son ordinateur.
Et demain ?
La fonction “pager” s’ajoute par le biais d’une extension et bientôt, pourquoi pas un PDA avec téléphone inclus ? C’est fait, déjà Alcatel se lance sur ce marché prometteur avec son “One Touch Com”, hybride entre téléphone cellulaire et agenda électronique permettant également la “synchronisation”… un goût de déjà-vu ? L’avenir, à n’en pas douter est au PDA communicant, qui rapatriera le courrier électronique sans transiter par un ordinateur de bureau, profitant, en outre, d’un écran couleur et de piles au lithium pour un maximum d’autonomie.
Pilot ? A suivre
Palm Inc. voit se développer une véritable communauté au grand dam de la concurrence. Il suffit, pour s’en convaincre, de rechercher sur le Net “PalmPilot”, pour obtenir pas moins de 100.000 réponses ! Le Pilot se répand au nez et à la barbe de Microsoft, qui regrette amèrement d’avoir laissé vacant ce créneau valant son pesant d’or. Et Bill Gates de mobiliser ses armées de programmeurs afin de focaliser sur ce nouvel éden. Il n’est pas exagéré d’affirmer que le PalmPilot a révolutionné les manières de travailler et de communiquer au même titre qu’Internet ou les téléphones mobiles.
L’ombre de la bête
Palm Inc. ne se voit pas comme un concurrent de Microsoft et pour cause les logiciels Palm fonctionnent en complément de MacOS ou d’un… Windows 95. Par contre, c’est la firme de Redmond qui se considère – illégitimement – menacée. La tactique de Microsoft dans certains domaines se résume à cela : observer la concurrence et lorsque celle-ci crée un produit ou un concept original, s’en emparer ou calquer ses innovations. Dans le cas du Pilot, l’entreprise de Bill Gates a tenté de jouer sur l’ambiguïté du terme Palm, rendant floue la différence entre son produit et le génialissime Pilot. De fait, la désignation espérée : “PalmPC” s’est vu rebaptisée “Palm-sized PC” (PC de la taille d’une paume), suite à l’intervention des avocats de Palm Computing. L’expérience Pilot mérite d’être saluée, d’autant que le système d’exploitation (Palm OS 3.0) n’est ni Windows, ni MacOS, encore moins Windows CE, désormais le standard des PDA ; et, bien que la concurrence soit dure, 3Com demeure leader sur le marché. Ceci démontre bien que la Valley est bel et bien un des derniers eldorados où les ambitions apparemment chimériques peuvent encore se transformer en success stories.
La recette d’une réussite
Les secrets ? Ils sont nombreux, mais ont de tout temps animé les dirigeants de Palm Computing : une équipe restreinte, l’esprit d’entreprise et le côté artisanal. Couplés à une politique inflexible qui se résume en cinq points : le prix (moins cher que les autres PDA [5]), la portabilité (disparaît dans une poche de chemise), la simplicité (nul besoin de lire la notice, l’interface est très intuitive), la faible consommation (2 piles AAA garantissent plusieurs semaines d’utilisation) et enfin l’harmonisation parfaite entre les deux plates-formes (les logiciels développés pour PC, sont en tous points conformes à ceux présents sur le Pilot).
Palm à piloter…
Mais avant d’atteindre ce fulgurant succès, Palm Computing a connu des hauts… et des bas, qui l’ont conduit à étudier l’éventualité d’une fusion, sinon d’un rachat par une grande compagnie. C’est ainsi que US Robotics – leader dans la fabrication des modems – se démarque du lot. La peur de voir leur projet avorté par l’absence d’un budget conséquent, conduit Hawkins et Dubinsky à accepter le rachat de leur entreprise par US Robotics. 1997, comme un bonheur n’arrive jamais seul : 3Com, spécialiste des réseaux, achète US Robotics et par là même, Palm Computing ; ces derniers ayant la garantie de préserver leur indépendance au sein de la multinationale. Avec des ventes estimées à 2 millions et demi d’unités fin 1998, la nouvelle filiale de 3Com Corp., se porte bien.
Et la vie continue…
Malheureusement, comme toutes les idylles ne se terminent pas en conte de fées, les dirigeants de Palm Computing (6) se sont séparés de leur acquéreur début juillet, pour s’en aller construire une nouvelle entreprise. Le nom reste secret, toutefois, on sait que cette société détient une licence de développement matériel et logiciel pour la plate-forme Palm. Un bout de la légende s’effrite, mais elle survivra grâce à l’aspect artisanal et à l’effectif réduit qui fit le succès du Pilot. Les deux associés se révèlent combatifs face au spectre Microsoft : “Cette menace est un grand challenge intellectuel”, affirme Hawkins. Et Dubinsky d’ajouter : “Nous sommes suffisamment effrontés pour penser que les clients choisiront les meilleurs produits. Nous les leur fournirons.”
Ainsi soit-il !


(1) Ordinateurs de bureaux
(2) Ordinateurs portables,
(3) Ordinateurs tenant dans une main.
(4) http://pilot.screwdriver.net
(5) Palm Pilot Pro : $ 299 - Palm III : $ 399 - Palm III au Liban : $ 475 (6) http://www.palm.com